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21/06/2011 | FRANCE | N°09LY02904

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 21 juin 2011, 09LY02904


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009, présentée pour la COMMUNE D'EYBENS, représentée par son maire ;

La COMMUNE D'EYBENS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402377 du 30 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que les sociétés CET, BETREC et CEGELEC soient solidairement condamnées à lui verser la somme de 148 100,05 euros, en réparation des désordres affectant le système de filtration du grand bassin de la piscine municipale ;

2°) de condamner solidairement les sociétés

CET, BETREC et CEGELEC à lui verser la somme de 148 100,05 euros, ainsi que les intérêt...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2009, présentée pour la COMMUNE D'EYBENS, représentée par son maire ;

La COMMUNE D'EYBENS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0402377 du 30 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que les sociétés CET, BETREC et CEGELEC soient solidairement condamnées à lui verser la somme de 148 100,05 euros, en réparation des désordres affectant le système de filtration du grand bassin de la piscine municipale ;

2°) de condamner solidairement les sociétés CET, BETREC et CEGELEC à lui verser la somme de 148 100,05 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du dépôt de la requête devant le Tribunal administratif de Grenoble ainsi que l'intégralité des frais d'expertise ;

3°) de mettre à la charge des sociétés CET, BETREC et CEGELEC une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les désordres tenant à l'usure prématurée des pompes sont apparus postérieurement à la réception des travaux ; qu'ils rendent l'ouvrage impropre à sa destination, le remplacement des pompes étant nécessaire pour le fonctionnement du système de filtration de la piscine municipale ; que l'usure anormale constatée sur les quatre pompes risquait de provoquer leur éclatement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 avril 2010, présenté pour la société BETREC qui conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sociétés CET et CEGELEC la garantissent des condamnations prononcées à son encontre, et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE D'EYBENS en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les moyens que les désordres constatés à l'occasion d'opérations de maintenance, n'ayant jamais entraîné de panne, ne sont pas de nature décennale, l'expert n'ayant donné aucune assurance que la rupture ou l'éclatement de la pompe se produirait nécessairement, ni précisé à quel moment ; qu'en ce qu'ils affectent un élément d'équipement dissociable de l'ouvrage, les prétendus désordres n'ont pas rendu impossible le fonctionnement normal de l'installation ; que le rapport d'expertise ne fait à aucun moment état d'une quelconque faute à sa charge ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mai 2010, présenté pour la société CEGELEC qui conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la société BETREC et la société CET la garantissent des condamnations éventuelles mises à sa charge, et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la COMMUNE D'EYBENS, ou de qui mieux le devra, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par les moyens que les non conformités relevées, absence de vanne de réglage sur les filtres et type de pompe installées, étaient apparentes lors de la réception ; que les filtres à sable et les pompes constituent des éléments d'équipement dissociables du gros ouvrage relevant de la garantie biennale, manifestement prescrite ; que n'étant pas de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination ou à compromettre sa solidité, ils ne peuvent relever de la garantie décennale ; que les travaux ont été réalisés conformément aux préconisations de la maîtrise d'oeuvre et validés par celle-ci ; que le sous dimensionnement du bac tampon est imputable à la maîtrise d'oeuvre de même que le choix des pompes ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2010, présenté pour la COMMUNE D'EYBENS qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et par les motifs, en outre, que le désordre était bien actuel, sans qu'il soit besoin d'attendre un éclatement des pompes ; que les vices constatés par l'expert n'étaient pas apparents lors de la réception ; qu'ils sont de nature à rendre le bassin impropre à sa destination, le mauvais fonctionnement des filtres et de la pompe empêchant la filtration correcte de l'eau indispensable à l'accueil du public ; que constitués en groupement solidaire, les maîtres d'oeuvre sont responsables solidairement sur le fondement de la garantie décennale ; que la société CEGELEC n'a pas exécuté correctement sa mission de sélection des équipements ;

Vu l'ordonnance du 3 mai 2011 portant clôture de l'instruction au 20 mai 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mai 2011 :

- le rapport de Mme Verley-Cheynel, président-assesseur ;

- les observations de Me Le Ber, représentant la commune d'Eybens, et de Me Locatelli, représentant la société CEGELEC ;

- et les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée à Me Le Ber et à Me Locatelli ;

Considérant qu'en vue de la réfection de la piscine municipale, la COMMUNE D'EYBENS a passé le 1er décembre 2007, un marché de maîtrise d'oeuvre avec un groupement solidaire, constitué des entreprises BETREC, bureau d'études techniques structure/économie et CET, bureau d'études techniques fluides et électricité ; qu'elle a conclu le 10 février 1998 un marché de travaux avec la société CEGELEC, chargée du lot traitement d'eau et équipements techniques du grand bassin ; que la réception des travaux a été prononcée le 27 novembre 1998 ; qu'en 2002, la commune s'est plainte de désordres affectant le système de filtration du grand bassin et a obtenu en référé une expertise dont le rapport, déposé le 26 février 2004, a mis notamment en évidence une érosion prématurée des quatre pompes ; que la commune fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à mettre en cause la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, au motif qu'il n'était pas allégué que l'usure anormale des pompes du système de filtration aurait rendu impossible le fonctionnement normal de l'installation et aurait ainsi rendu l'ouvrage impropre à sa destination ;

Considérant que lorsque des désordres affectant des éléments d'équipement sont, par leur importance, de nature à rendre l'ouvrage impropre à sa destination, ils sont susceptibles d'engager la responsabilité de l'entrepreneur au titre de la garantie décennale alors même que ces éléments seraient dissociables de l'ouvrage et relèveraient par ailleurs de la garantie de bon fonctionnement ; qu'il en va de même lorsque les désordres, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans, sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible ; que les constructeurs sont responsables de plein droit de la totalité des désordres affectant l'ouvrage à la construction duquel ils ont participé, dès lors qu'ils leur sont imputables, fût-ce partiellement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'usure anormale présentée par les pompes était susceptible de provoquer leur rupture, voire leur éclatement ; que si cette dégradation n'avait pas, jusque là, rendu impossible le fonctionnement de l'installation, ce désordre était de nature dans un délai prévisible à la rendre impropre à sa destination ; qu'il résulte également de l'instruction que cette dégradation, provoquée par le fonctionnement en cavitation des pompes, ne pouvait pas être décelée dans toute son ampleur par le maître d'ouvrage au moment de la réception des travaux ; que par suite ces désordres sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, sans que la société BETREC puisse utilement invoquer l'absence de faute de sa part dans la mesure où, en sa qualité de membre du groupement solidaire titulaire du marché de maîtrise d'oeuvre, sa responsabilité est engagée à l'égard du maître d'ouvrage à raison d'un désordre dès lors que celui-ci est imputable à un membre du groupement ;

Considérant que les frais dont la commune est fondée à demander réparation aux constructeurs, en raison des désordres affectant l'ouvrage qu'ils ont réalisé, correspondent aux frais qu'elle doit engager pour les travaux de réfection ; que ces frais comprennent la taxe sur la valeur ajoutée lorsque, comme en l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que le maître d'ouvrage pourrait déduire la taxe sur la valeur ajoutée grevant les travaux de réfection de l'équipement sportif réalisé par les constructeurs ; qu'il résulte de l'instruction que, pour la remise en état de l'installation, nécessitant notamment la modification du bac tampon, le changement de l'implantation et du modèle de pompes, l'installation de vannes de réglages micrométriques ainsi que le remplacement de la matière filtrante, la COMMUNE D'EYBENS justifie avoir exposé

des frais de fourniture, de travaux et de maîtrise d'oeuvre d'un montant total de 138 172,62 euros TTC ; qu'il y a lieu de condamner solidairement les sociétés BETREC, CET, et CEGELEC au paiement de cette somme ; qu'en revanche la commune ne peut solliciter, en réparation de son préjudice, les sommes correspondant au coût d'intervention de son personnel, qui aurait de toute façon été affecté aux opérations d'entretien de la piscine, et aux frais, d'une part, qu'elle a exposés pour se faire assister lors des opérations d'expertise et, d'autre part, des constats d'urgence et expertise judiciaires, lesquels ne correspondant pas à des frais engagés pour les travaux de réfection, ne sont pas indemnisables au titre de la garantie décennale ;

Sur les intérêts :

Considérant que la COMMUNE D'EYBENS a droit, comme elle le demande, aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est attribuée à compter du 29 avril 2004 ;

Sur les appels en garantie :

Considérant que la société CEGELEC qui appelle en garantie les sociétés BETREC et CET, soutient qu'aucun défaut d'exécution ne lui est imputable, les désordres provenant des erreurs commises par la maîtrise d'oeuvre dans la conception du système de filtration, notamment du fait de l'absence de vanne de réglage permettant d'équilibrer les différents circuits et du sous dimensionnement du bac tampon, dont son sous-traitant s'était inquiété auprès du maître d'oeuvre, la société BETREC ; qu'elle fait valoir également que si le choix des pompes et de leur positionnement a été effectué sur la base de ses propres calculs, ces derniers ont été régulièrement approuvés par le maître d'oeuvre bureau CET ; qu'il sera fait une exacte appréciation de la responsabilité de chacune en condamnant les sociétés BETREC et CET à la garantir respectivement à hauteur de 30 % et de 40 % des condamnations prononcées à son encontre par le présent arrêt ;

Considérant que la société BETREC fait quant à elle valoir que sa responsabilité en qualité de bureau d'études techniques béton armé n'est pas engagée alors que le bureau CET n'a pas établi de calculs de pré-dimensionnement du bac tampon qui relevaient de sa mission, tandis que les erreurs commises dans la sélection et l'implantation des pompes sont imputables à la société CEGELEC, qui a procédé par simple appréciation sans vérification à partir d'une note de calculs, et au bureau d'études techniques CET qui aurait dû vérifier la cohérence des choix effectués par la première ; qu'il ne résulte pas du tableau de répartition des honoraires annexé au marché de maîtrise d'oeuvre que le bureau CET aurait eu la charge exclusive des plans de dimensionnement du bac tampon ou de vérification de l'implantation des pompes ; qu'il sera fait, dans ces conditions, une exacte appréciation des responsabilités en condamnant la société CEGELEC et le bureau CET à garantir la société BETREC à hauteur respectivement de 30 % et de 40 % des condamnations prononcées par le présent arrêt ;

Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, de mettre les frais et honoraires des expertises ordonnées devant le Tribunal administratif de Grenoble à la charge définitive, respectivement, de la société BETREC à hauteur de 30 %, du bureau CET à hauteur de 40 % et de la société CEGELEC à hauteur de 30 % ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE D'EYBENS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande à hauteur de 138 172,62 euros et a laissé à sa charge les frais d'expertise ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la COMMUNE D'EYBENS qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par les défendeurs et non compris dans les dépens ;

Considérant en revanche qu'il y a lieu de faire droit aux conclusions de la COMMUNE D'EYBENS tendant à ce que soit mis à la charge de société BETREC, la société CET et la société CEGELEC le paiement d'une somme de 1 000 euros chacune au titre des frais de même nature qu'elle a exposés, y compris pour se faire assister dans le cadre des opérations d'expertise ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2009 est annulé.

Article 2 : La société BETREC, la société CET et la société CEGELEC sont solidairement condamnées à verser à la COMMUNE D'EYBENS la somme de 138 172,62 euros TTC. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2004.

Article 3 : La société CEGELEC sera garantie à hauteur de 30 % par la société BETREC, et à hauteur de 40 % par le bureau CET, des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent arrêt.

Article 4 : La société BETREC sera garantie à hauteur de 40 % par le bureau CET, et à hauteur de 30 % par la société CEGELEC, des condamnations prononcées à son encontre par l'article 2 du présent arrêt.

Article 5 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de la société BETREC à hauteur de 30 %, de la société CET à hauteur de 40 % et de la société CEGELEC à hauteur de 30 %.

Article 6 : La société BETREC, la société CET et la société CEGELEC verseront chacune à la COMMUNE D'EYBENS, une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE D'EYBENS, à la société BETREC, à la société CEGELEC à la société CET et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2011, à laquelle siégeaient :

- M. du Besset, Président de chambre,

- Mme Verley-Cheynel, président-assesseur,

- M. Arbarétaz, premier conseiller ;

Lu en audience publique, le 21 juin 2011.

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N° 09LY02904

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY02904
Date de la décision : 21/06/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04-005 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité décennale. Champ d'application.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: Mme Geneviève VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SCP FESSLER JORQUERA CAVAILLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-06-21;09ly02904 ?
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