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11/10/2011 | FRANCE | N°10LY00106

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 11 octobre 2011, 10LY00106


Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Dominique A, domicilié 3 rue Mazagran à Pont de Beauvoisin (38480) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502890 du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 dans les rôles de la commune de Saint-Beron ;

2°) sauf à ordonner

avant dire droit deux expertises afin, d'une part, de constater la réalité des inondatio...

Vu la requête, enregistrée le 14 janvier 2010 au greffe de la Cour, présentée pour M. Dominique A, domicilié 3 rue Mazagran à Pont de Beauvoisin (38480) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0502890 du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, ainsi que des pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre des années 1999, 2000 et 2001 dans les rôles de la commune de Saint-Beron ;

2°) sauf à ordonner avant dire droit deux expertises afin, d'une part, de constater la réalité des inondations qu'il a subies le 6 juin 2002, et leur caractère de force majeure, d'autre part, de déterminer le montant de sa base imposable pour les années en litige, de le décharger des impositions et pénalités contestées ;

Il soutient :

- que les rectifications opérées ne sont pas basées sur une motivation sérieuse, établie en comparaison avec d'autres médecins libéraux exerçant la même spécialité, et que les charges admises en déduction dans la décision d'admission partielle de sa réclamation ne sont pas assorties de précisions suffisantes ;

- que l'incapacité dans laquelle il s'est trouvé de produire au vérificateur les pièces comptables de son cabinet médical résulte d'un cas de force majeure, l'ensemble de ses archives ayant été détruit à la suite d'une inondation de ses locaux, consécutive à de violents orages survenus le 6 juin 2002 ; qu'une expertise devra être ordonnée afin d'établir la réalité de ce sinistre et son caractère de force majeure ; qu'en raison de ses contraintes professionnelles, il n'a pas disposé du temps nécessaire pour entreprendre les démarches nécessaires pour réunir, auprès de tiers, les pièces justificatives nécessaires à la reconstitution de sa comptabilité ;

- que les estimations faites par le service pour procéder à la reconstitution ne reposent pas sur une comparaison sérieuse avec d'autres cabinets, et ne prennent pas en compte les spécificités de son affaire, résultant de la technicité de sa profession ;

- qu'en tout état de cause, sa mauvaise foi n'est pas établie, compte tenu notamment des démarches effectuées auprès de tiers pour se procurer des justificatifs de sommes portées en charge ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2010, présenté pour le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que ni la réalité de la destruction des archives de M. A par l'inondation alléguée, ni en tout état de cause son caractère de force majeure, n'est établi ; qu'il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, d'une exagération des bases d'imposition ; que le contrôle sur place n'ayant révélé aucune trace de l'inondation alléguée, au demeurant non déclarée aux assureurs du contribuable, ce dernier, qui n'a conservé aucun commencement de preuve de la destruction de ses archives, qu'il a lui-même mises au rebut, sans tenter sérieusement, ensuite, de les reconstituer auprès de tiers, révèle une intention de se soustraire au contrôle de ses déclarations, et d'éluder l'impôt, de nature à justifier l'infliction des pénalités prévues à l'article 1729 du code général des impôts ;

Vu l'ordonnance en date du 17 mars 2011 fixant la clôture d'instruction au 15 avril 2011, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 septembre 2011 :

- le rapport de M. Lévy Ben Cheton, premier conseiller ;

- les observations de Me Dumas-Chavane avocat de M. A ;

- et les conclusions de Mme Jourdan, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à Me Dumas-Chavane avocat de M. A ;

Considérant que M. A, qui exerce l'activité de médecin-radiologue et de médecin légiste, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1999 au 31 décembre 2001 à l'issue de laquelle il a été assujetti à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 1999, 2000 et 2001 en droits et pénalités ; qu'il relève appel du jugement du 23 octobre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales alors applicable : L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ; que la notification de redressement du 12 décembre 2002 adressée à M. A désigne les impôts concernés, les années d'imposition et les bases imposables, et expose en outre de manière précise les motifs de droit et de fait qui fondent les redressements en litige ; que ce document détaille notamment les honoraires reconstitués par le vérificateur à partir de recoupements avec les caisses d'assurance maladie, ainsi que l'ensemble des charges admises en déduction ; qu'enfin, l'imprécision, invoquée par le requérant, des expressions il paraît néanmoins possible / cohérent d'admettre la déduction de telle charge , mentionnées dans la décision d'admission partielle de sa réclamation par laquelle l'administration a gracieusement accepté de prendre en compte certaines charges demeurant non justifiées, est sans influence sur la régularité de la notification de redressement, qui est, en droit comme en fait, suffisamment motivée ;

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

Considérant qu'aux termes de l'article 98 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : L'administration peut demander aux intéressés tous renseignements susceptibles de justifier l'exactitude des chiffres déclarés et, notamment, tous éléments permettant d'apprécier l'importance de la clientèle. / Elle peut exiger la communication du livre-journal et du document prévus à l'article 99 et de toutes pièces justificatives. / Si les renseignements et justifications fournis sont jugés insuffisants, l'administration détermine le bénéfice imposable et engage la procédure de redressement contradictoire prévue à l'article L 55 du livre des procédures fiscales. ; que l'article 99 du même code dispose : Les contribuables soumis obligatoirement au régime de la déclaration contrôlée ou qui désirent être imposés d'après ce régime sont tenus d'avoir un livre-journal servi au jour le jour et présentant le détail de leurs recettes et de leurs dépenses professionnelles. / Ils doivent en outre tenir un document appuyé des pièces justificatives correspondantes, comportant la date d'acquisition ou de création et le prix de revient des éléments d'actif affectés à l'exercice de leur profession, le montant des amortissements effectués sur ces éléments, ainsi qu'éventuellement le prix et la date de cession de ces mêmes éléments. / Ils doivent conserver ces registres ainsi que toutes les pièces justificatives selon les modalités prévues aux deux premiers alinéas du I de l'article L102 B. ; qu'aux termes de l'article L. 13 A du livre des procédures fiscales : Le défaut de présentation de la comptabilité est constaté par procès-verbal que le contribuable est invité à contresigner (...) ; et qu'aux termes de l'article L. 192 du même livre : Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. (...) Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A n'a pas présenté les documents prévus à l'article 99 du code général des impôts à l'occasion de la vérification de comptabilité, ce qui a conduit l'administration à établir un procès-verbal de défaut de présentation de comptabilité le 6 décembre 2002 ; que le requérant soutient que cette défaillance ne lui est pas imputable, mais résulte d'un cas de force majeure de nature à l'exonérer des obligations prévues par les dispositions précitées de l'article 98 précité du code général des impôts ; qu'il fait ainsi valoir que de violents orages se sont abattus sur la commune de Pont de Beauvoisin le 6 juin 2002, engendrant des coulées de boues qui, inondant une partie de son cabinet, auraient rendu inexploitables l'essentiel des documents comptables qui y étaient entreposés ; que s'il résulte de l'instruction qu'un tel événement est effectivement survenu dans cette commune et à cette date, M. A n'apporte en revanche aucun commencement de preuve des dommages qui selon lui en auraient résulté, dans les locaux de son cabinet médical ; qu'il est d'ailleurs constant que le requérant, qui n'a pas déclaré semblable sinistre auprès de ses assureurs, n'a pas davantage conservé de clichés photographiques des locaux prétendument dégradés, ni gardé la trace d'exemplaires endommagés des archives qu'il prétend avoir ainsi dû mettre au rebut ; que, compte tenu de ces éléments, M. A n'établit pas la réalité de l'événement qu'il qualifie de cas de force majeure ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise à cette fin, le moyen tiré de cette cause exonératoire doit être écarté ; que, dans ces conditions, faute de comptabilité pourvue de valeur probante, le vérificateur était fondé à procéder à la reconstitution de son résultat pour les exercices clos en 1999, 2000 et 2001 ;

Considérant que dans ces conditions, et dès lors que, par ailleurs, les impositions en litige ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est réunie le 17 novembre 2003, il appartient à M. A, en application des dispositions précitées de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de l'exagération des rehaussements d'impôt sur le revenu résultant de la reconstitution de son résultat ;

Considérant que le service a procédé à cette reconstitution à partir, s'agissant des honoraires, de recoupements avec les données détenues par les caisses d'assurance maladie, et, s'agissant des charges, à partir des débits des comptes bancaires de l'intéressé et de recoupements avec les fournisseurs et autres tiers dont l'identification a été possible ; qu'au terme de cette reconstitution, des recettes non déclarées ont été mises en évidence, et les charges non justifiées ont vu leur caractère déductible remis en cause ; que toutefois, comme dit ci-dessus, l'administration fiscale a admis de prendre en compte certaines d'entre elles, au stade de la réclamation, et ce, de façon purement gracieuse, faute de toute justification supplémentaire ;

Considérant que M. A n'apporte aucune justification des charges déclarées par lui et rejetées par le service, et se borne à soutenir que la complexité technique de son cabinet n'a pas été prise en compte par le service, au regard notamment des conditions d'exploitation de cabinets similaires ; que dès lors, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise aux fins de déterminer ses bases d'imposition, il n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, du caractère exagéré des rectifications établies par l'administration fiscale ;

Sur l'application des pénalités :

Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts, alors applicable : 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionné à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) ; qu'aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. ;

Considérant que pour infliger à M. A les pénalités pour mauvaise foi contestées, l'administration s'est notamment fondée sur les circonstances que le contrôle sur place n'a révélé aucune trace du sinistre allégué, au demeurant non déclaré aux assureurs, et que M. A admet avoir lui-même mis au rebut ses archives comptables sans conserver le moindre début de preuve de leur détérioration ; que pour témoigner des diligences qu'il aurait mises en oeuvre auprès de tiers pour collecter les pièces justificatives des charges remises en cause par le service, le requérant se borne à verser au dossier une demande de copie de relevés bancaires, corroborant ainsi les assertions de l'administration selon lesquelles M. A n'a jamais tenté sérieusement, si ce n'est par la production d'éléments extrêmement parcellaires, de reconstituer par des recherches systématiques auprès des tiers concernés, et notamment de ses fournisseurs, les justifications comptables des charges qu'il avait déclarées ; que compte tenu de ces éléments, qui révèlent suffisamment l'intention délibérée de M. A de se soustraire au contrôle de ses déclarations, l'administration doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de la mauvaise foi du contribuable ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros ; qu'en l'espèce, la requête de M. A présente un caractère abusif ; qu'il y a lieu de le condamner à payer une amende de 1 500 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : M. A est condamné à payer une amende pour recours abusif de 1 500 euros.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Dominique A, au ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Chanel, président de chambre,

MM. Segado et Lévy Ben Cheton, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 11 octobre 2011.

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N° 10LY00106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY00106
Date de la décision : 11/10/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-06-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Établissement de l'impôt. Bénéfice réel. Rectification et taxation d'office.


Composition du Tribunal
Président : M. CHANEL
Rapporteur ?: M. Laurent LEVY BEN CHETON
Rapporteur public ?: Mme JOURDAN
Avocat(s) : SELARL BERARD CALLIES - MASSOT-PELLET - POUSSET-BOUGERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-11;10ly00106 ?
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