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11/12/2012 | FRANCE | N°12LY01077

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2012, 12LY01077


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 30 avril 2012 et régularisée le 4 mai 2012, présentée pour M. , demeurant ..., qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202001 du 27 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 24 mars 2012 qui l'obligent à quitter le territoire français, refusent de lui accorder un délai de départ volontaire, et fixent le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;
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Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 30 avril 2012 et régularisée le 4 mai 2012, présentée pour M. , demeurant ..., qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202001 du 27 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de la Haute-Savoie du 24 mars 2012 qui l'obligent à quitter le territoire français, refusent de lui accorder un délai de départ volontaire, et fixent le pays de renvoi ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une carte de séjour, dans un délai d'un mois et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à payer à ses avocats, qui renoncent à l'aide juridictionnelle, une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991;

Il soutient que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait intervenir sans consultation préalable du médecin de l'agence régionale de santé, car le préfet était informé de son état de santé dégradé justifiant son droit au séjour ; que cette décision méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car il justifie bénéficier d'un suivi médical en France où résident deux de ses enfants ; qu'il vit dans ce pays depuis 2007, avec insertion personnelle et professionnelle, ayant travaillé en tant qu'agent de nettoyage en 2009 et 2010 ; que cette décision méconnait l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, car il sera privé du traitement et du suivi médical dont il bénéficie, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que le refus d'accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivé en fait et en droit ; qu'il viole l'article 7 paragraphe 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 qui définit le risque de fuite ; que l'article L. 511-I alinéas 2 et 3 du code, et donc le refus du préfet, sont contraires à l'article 7 paragraphe 3 de cette directive et à l'objectif de proportionnalité qu'elle institue, sous réserve d'une saisine de la Cour de Justice de l'Union européenne sur cette question ; que le préfet a commis une erreur d'appréciation, ou une erreur manifeste, dans l'application de l'article L. 511-I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'existence d'une circonstance particulière ; qu'en effet il justifiait de 5 ans de présence en France, avec suivi médical indispensable excluant un risque de fuite ; que la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur un refus de séjour et une obligation de quitter le territoire illégaux, et méconnait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, car il a été aux prises au Nigéria avec la société secrète Ogboni;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du 12 juin 2012 accordant l'aide juridictionnelle totale à M. ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2012 :

- le rapport de M. Rabaté, président ;

1. Considérant que M. relève appel du jugement en date du 27 mars 2012 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 24 mars 2012 par lequel le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, et a fixé le pays de renvoi ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français:

2 Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ; qu'en vertu de l'article L. 511-4 10° du même code un étranger dont l'état de santé répond aux conditions énoncées au 11° de l'article L. 313-11 ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire ; qu'enfin le 1er alinéa de l'article R. 313-22 du code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police " ;

3. Considérant que M. n'a présenté aucune demande de carte de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne peut, dès lors, utilement soutenir que l'administration était tenue de solliciter l'avis du médecin de l'agence régionale de santé publique ; que l'intéressé produit un certificat établi le 20 avril 2012 par un médecin consultant du centre hospitalier universitaire de Rouen indiquant qu'il est atteint d'une maladie intestinale, qu'il ne peut bénéficier d'une prise en charge médicale dans son pays d'origine, et que l'absence de prise en charge peut entrainer pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que toutefois ni ce certificat, en l'absence de compétence du praticien pour analyser l'offre de soins au Nigéria, ni les autres documents fournis, ne démontrent que son état de santé faisait obstacle à son éloignement ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il remplissait les conditions prévues par les articles L. 313-11 11° et L. 511-4 10° précités du code ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que M. , entré sur le territoire français en mai 2007, se prévaut de l'ancienneté de son séjour, et de la présence de ses deux enfants ; que toutefois, il ne justifie ni être en contact avec ses enfants, ni d'une quelconque insertion, même s'il a travaillé en France pendant l'année 2010 ; que l'intéressé a fait l'objet de deux arrêtés des préfets de Seine-Maritime et Seine-Saint-Denis en date des 3 septembre 2010 et 14 septembre 2011 portant obligation de quitter le territoire français ; que M. n'établit pas risquer des persécutions au Nigéria et, ainsi qu'il a été dit, ne démontre pas ne pas pouvoir bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 35 ans, et où il n'est pas dépourvu d'attaches, notamment familiales ; que, dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que, par suite, ces moyens doivent être écartés ;

Sur la décision accordant un délai de départ volontaire d'un mois :

6. Considérant qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal, que la Cour fait siens, d'écarter le moyen, invoqué en première instance et repris en appel, tiré de l'insuffisante motivation de cette décision ; que M. ne peut utilement invoquer devant le juge national les dispositions du paragraphe 3 de l'article 7 de la directive susvisée du 16 décembre 2008, dès lors qu'elles ont été transposées en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ;

7. Considérant que la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 prévoit, en son considérant 13, de subordonner expressément le recours à des mesures coercitives au respect des principes de proportionnalité et d'efficacité en ce qui concerne les moyens utilisés et les buts poursuivis ; que l'article 3 de la même directive dispose : " définitions - Aux fins de la présente directive on entend par :(...)7) risque de fuite, le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite " ; que l'article 7-4 de la directive prévoit : " S'il existe un risque de fuite (...) les Etats membres peuvent s'abstenir d'accorder un délai de départ volontaire " ; qu'enfin aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II.-Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour (...) ; d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) ; f) ; Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente (...) " ;

8. Considérant que le requérant ne démontre pas que les dispositions précitées de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile contreviennent aux objectifs fixés par le considérant 13 et l'article 7-4 de la directive du 16 décembre 2008 ; que, par suite, et sans qu'il soit utile, en l'absence de difficulté sérieuse, de saisir la Cour de Justice de l'Union Européenne, ce moyen doit être écarté ;

9. Considérant qu'il y a lieu, par des adoptions des motifs retenus par les premiers juges que la Cour fait siens, d'écarter le moyen invoqué par le requérant en première instance et repris en appel, tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet au regard de l'article L. 511-1 II 3° précité du code ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet ; que ni cette dernière décision, prise sur le fondement de l'article L. 511-1 I 1° du code en raison de l'entrée irrégulière de l'étranger sur le territoire, ni la décision fixant le pays de destination, ne sont légalement fondées sur un refus de titre de séjour ; que par suite, l'intéressé ne peut utilement invoquer l'illégalité de ce prétendu refus ;

11. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; que M. , dont la demande d'asile a été rejetée par l'office français de protection des réfugiés et apatrides et la cour nationale du droit d'asile, n'apporte aucun élément probant de nature à établir la réalité des menaces qui pèseraient sur lui en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. n'est pas est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte, et de condamnation de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président assesseur,

M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2012.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01077
Date de la décision : 11/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: M. Vincent RABATE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : ROULY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-11;12ly01077 ?
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