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14/03/2013 | FRANCE | N°12LY01050

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 12LY01050


Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2012, présentée pour la Société des nouveaux hypermarchés, représentée par son président en exercice, dont le siège social est situé 1 rue Jean Mermoz à Evry (91000) ;

La Société des nouveaux hypermarchés demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905570 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décisi

on de l'inspecteur du travail de la Drôme du 10 avril 2009, l'autorisant à licencier ...

Vu la requête, enregistrée le 26 avril 2012, présentée pour la Société des nouveaux hypermarchés, représentée par son président en exercice, dont le siège social est situé 1 rue Jean Mermoz à Evry (91000) ;

La Société des nouveaux hypermarchés demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905570 du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 octobre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Drôme du 10 avril 2009, l'autorisant à licencier M. Mansouri pour faute, et a refusé l'autorisation de licencier ce salarié ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, le comité d'établissement disposait de toutes les informations requises pour émettre un avis éclairé sur le projet de licenciement de M. Mansouri, au regard des dispositions de l'article L. 2323-4 du code du travail, et la procédure de consultation, même en l'absence de remise d'une note écrite, était régulière et ne pouvait donc être regardée comme substantiellement viciée ;

- la matérialité des faits de violences et de menaces reprochés à M. Mansouri est établie par les témoignages précis et concordants de salariés et il en est de même des faits de harcèlement sexuel, le comportement de l'intéressé ayant été examiné également par le CHSCT ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le ministre avait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les faits reprochés à M. Mansouri n'étaient pas prescrits à la date d'engagement de la procédure, compte tenu de la date à laquelle l'employeur a eu connaissance de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits reprochés à ce salarié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juillet 2012, présenté pour M. Farid Mansouri, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la Société des nouveaux hypermarchés ;

Il soutient que :

- les membres du comité d'établissement ont reçu une information ni précise ni écrite et n'ont pas disposé d'un délai suffisant pour se prononcer ;

- l'inspecteur du travail n'a pas procédé à une enquête contradictoire ;

- il n'a pas disposé d'un délai suffisant entre l'entretien préalable à son licenciement et son audition par le comité d'établissement ;

- les faits reprochés ne sont pas établis par les lettres produites par l'employeur, qui ne respectent pas le formalisme imposé par l'article 202 du code de procédure civile, et ils étaient également prescrits à la date de la procédure de licenciement ;

- son licenciement était en lien avec l'exercice de ses fonctions syndicales ;

Vu la mise en demeure du 28 août 2012, adressée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- c'est à bon droit que l'autorité ministérielle puis les premiers juges ont retenu un vice substantiel de procédure, en l'absence de transmission, avec la convocation des membres du comité d'établissement, de note d'information, de nature à justifier le refus d'autorisation de licenciement du salarié, sans même qu'il soit nécessaire d'exercer un contrôle sur la réalité et le degré de gravité des faits fautifs allégués par l'employeur et sur l'existence d'une éventuelle discrimination ;

- l'écrit injurieux reproché, dont l'employeur avait reconnu avoir connaissance en juillet 2007 au plus tard, constituait des faits prescrits ; les faits de violences à l'encontre de Mmes R. G. et C. ne sont pas établis, non circonstanciés et le manquement non caractérisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 février 2013, présenté pour la Société des nouveaux hypermarchés, qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que :

- contrairement à ce que soutient M. Mansouri, qui n'apporte pas la preuve qu'il aurait fourni des pièces ni qu'il aurait sollicité la communication des témoignages ou demander à ce que des témoins soient entendus, l'inspecteur du travail a conduit une enquête contradictoire ;

- M. Mansouri a disposé d'un délai suffisant entre l'entretien préalable et la réunion du comité d'établissement ;

- les faits reprochés à M. Mansouri sont établis et d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Seillet, président ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Juillard, avocat de la Société des nouveaux hypermarchés, et de Me Walgenwitz, substituant Me Pollard, avocat de M. Mansouri ;

1. Considérant que, par une décision du 12 octobre 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité a, sur recours hiérarchique de M. Mansouri, annulé la décision de l'inspecteur du travail de la Drôme du 10 avril 2009 autorisant la Société des nouveaux hypermarchés à licencier pour faute ce salarié, qui exerce des fonctions d'employé commercial du magasin à l'enseigne " carrefour " à Montélimar qu'elle exploite, et qui avait été désigné, le 13 novembre 2008, représentant syndical auprès du comité d'établissement ; que par cette même décision, le ministre a refusé à ladite société l'autorisation de licencier M. Mansouri ; que la Société des nouveaux hypermarchés fait appel du jugement du 24 février 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ladite décision du 12 octobre 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2323-4 du code du travail : " Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d'entreprise dispose d'informations précises et écrites transmises par l'employeur, d'un délai d'examen suffisant et de la réponse motivée de l'employeur à ses propres observations " ; qu'aux termes de l'article L. 2327-19 du même code : " Le fonctionnement des comités d'établissement est identique à celui des comités d'entreprise " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la convocation adressée aux membres du comité d'établissement du magasin Carrefour à Montélimar de la Société des nouveaux hypermarchés, en vue de la réunion du 17 février 2009 destinée à rendre un avis sur le projet de licenciement pour motif disciplinaire de M. Mansouri, titulaire du mandat de membre du comité d'établissement, se bornait à indiquer qu'il devait être procédé à " l'audition de M. Farid Mansouri dont nous envisageons le licenciement pour faute grave et qui a été convoqué à un entretien préalable en date du mardi 17 février 2009 " et à mentionner qu'était joint l'ordre du jour, consistant, selon le procès-verbal de ladite réunion, en l'examen du " projet de licenciement pour faute grave de M. Farid Mansouri exerçant les mandats de représentant syndical au comité d'établissement et délégué du personnel assistant permanent " ; que, par ces seules mentions, la Société des nouveaux hypermarchés, qui ne conteste pas n'avoir remis aucune pièce aux membres du comité d'établissement avant la réunion en cause, ne peut être regardée comme ayant, ainsi que le prescrivent les dispositions précitées de l'article L. 2323-4 du code du travail, mis à la disposition du comité d'établissement, afin de le mettre à même d'émettre son avis en toute connaissance de cause, des informations écrites et précises sur les motifs de la procédure de licenciement envisagée à l'égard de M. Mansouri et justifiant la saisine de ce comité, nonobstant la circonstance que siégeaient au comité d'établissement des membres du CHSCT ayant eu à connaître, en cette qualité, de faits reprochés à ce salarié ; qu'il en résulte que la procédure de consultation de ce comité d'établissement, préalablement à la présentation à l'inspecteur du travail de la demande d'autorisation de licencier ce salarié, s'est déroulée dans des conditions irrégulières ; que, pour ce seul motif, c'est à bon droit que, par l'article 2 de sa décision du 12 octobre 2009, le ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité a refusé cette autorisation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Société des nouveaux hypermarchés n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de M. Mansouri tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Société des nouveaux hypermarchés la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par M. Mansouri et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Société des nouveaux hypermarchés est rejetée.

Article 2 : La Société des nouveaux hypermarchés versera la somme de 1 500 euros à M. Mansouri au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la Société des nouveaux hypermarchés, à M. Farid Mansouri et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Délibéré après l'audience du 21 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

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N° 12LY01050


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01050
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : URBANI-SCHWARTZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;12ly01050 ?
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