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14/03/2013 | FRANCE | N°12LY01209

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 12LY01209


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mai 2012, présentée pour la société Malbrel conservation, dont le siège est le Port à Capdenac (46100), représentée par son gérant en exercice ;

La société Malbrel conservation demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802847 du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Gervais-les-Bains soit condamnée à lui verser la somme de 350 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de son éviction irrégulière du

marché relatif au lot n° 1 de l'opération de restauration des décors intérieurs et d'...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 15 mai 2012, présentée pour la société Malbrel conservation, dont le siège est le Port à Capdenac (46100), représentée par son gérant en exercice ;

La société Malbrel conservation demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802847 du 15 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Saint-Gervais-les-Bains soit condamnée à lui verser la somme de 350 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle de son éviction irrégulière du marché relatif au lot n° 1 de l'opération de restauration des décors intérieurs et d'installation d'une chaufferie au sein de l'église de Saint-Nicolas-de-Véroce ;

2°) de condamner la commune de Saint-Gervais-les-Bains à lui verser cette somme, assortie des intérêts légaux à compter de l'introduction de la présente requête lesquels seront capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de commune de Saint-Gervais-les-Bains la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Malbrel soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que l'insuffisante motivation du rejet de son offre ne saurait être regardée comme l'une des causes de son éviction du marché alors que l'article 80 du code des marchés publics prévoit l'obligation d'indiquer les motifs du rejet dans le courrier d'information du candidat ; que c'est également à tort qu'ils n'ont pas relevé, s'agissant d'une procédure formalisée, l'irrégularité résultant du non respect de l'article 6 du règlement de la consultation qui prévoyait que la commission d'appel d'offres se décide sur une proposition de classement présentée par la personne responsable du marché et non, comme cela ressort du procès-verbal de cette commission, sur une moyenne de notes dont l'une était attribuée par la direction régionale des affaires culturelles qui, comme l'atteste le procès-verbal de la commission, a participé au choix avec voix délibérative alors que son intervention n'était pas prévue par le règlement ; qu'il y a, en outre, confusion entre maître d'ouvrage et personne responsable du marché qui devait seule fournir un rapport ; que le Tribunal ne pouvait regarder comme une simple erreur du maire, sans incidence sur la régularité de son éviction, la circonstance qu'après lui avoir indiqué que son offre n'avait pas été retenue à cause du prix, le maire lui a ensuite indiqué par courrier qu'elle n'était pas conforme au cahier des clauses techniques particulières et ne respectait pas le règlement du marché ; qu'en tout état de cause les motifs de son éviction sont excessivement confus ce qui entache d'irrégularité la procédure de passation qui ne peut être validée sur des motifs invoqués au cours de la présente procédure ; qu'en procédant ainsi la commune a commis de graves irrégularités dans la passation du marché et commis une faute ; qu'elle avait toutes les chances d'emporter le marché dès lors qu'elle était classée en première position par le rapport d'analyse des offres ; qu'elle avait obtenu la meilleure note sur la valeur technique qui constituait le premier critère intervenant pour 60 % dans l'appréciation globale ; que sur le critère du prix intervenant pour 40 %, elle était classée en première position par la commission et le maître d'oeuvre ; qu'elle est ainsi fondée à solliciter la réparation de son préjudice qui doit être fixé en fonction de sa marge bénéficiaire, et qui, suivant le résultat qu'elle aurait réalisé si elle avait été retenue, s'élève à 350 000 euros hors taxe à dire d'expert comptable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2012, présenté pour la commune de Saint-Gervais-les-Bains qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société Malbrel conservation à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; la commune fait valoir que si la lettre du 2 juillet 2007 mentionnait que l'offre de prix n'a pas été retenue, cela signifiait seulement, sans en indiquer le motif, que l'offre n'avait pas été retenue ; que le non respect de l'article 80 du code des marchés publics n'est pas une cause d'illégalité de la procédure ; qu'en admettant que son maire ait fait une erreur de procédure dans la communication du motif du rejet de l'offre de la requérante, cette erreur n'est pas susceptible de lui faire grief dès lors qu'en toutes hypothèses elle n'aurait pas obtenu le marché ; que le règlement de la consultation n'interdisait pas à la personne responsable du marché de prendre, avant de formuler sa proposition, l'avis d'une personne compétente comme l'était en l'espèce, s'agissant de la restauration d'une église classée monument historique, la direction régionale des affaires culturelles qui n'a pas participé aux délibérations de la commission d'appel d'offres ; que la décision souveraine de la commission d'appel d'offres n'a pas violé le règlement de la consultation ni le code des marchés publics ; que la société Malbrel qui prétend elle-même que son offre aurait dû être écartée comme irrégulière et non classée n'avait aucune chance d'emporter le marché ; qu'en outre l'indemnité demandée qui représente 75 % du marché n'est pas justifiée comme étant la marge bénéficiaire ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 août 2012, présenté pour la société Malbrel conservation qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ; elle fait en outre valoir que, selon la loi du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'oeuvre privée, et le décret n° 93-1268, la direction régionale des affaires culturelles aurait dû justifier d'un lien contractuel avec la commune ou la maitrise d'oeuvre pour participer à l'analyse des offres ; que sa participation aurait dû en outre se conformer aux prescriptions du code des marchés publics ; que le rejet de son offre pour non-conformité au cahier des clauses techniques particulières n'avait pas été proposé par la maitrise d'oeuvre car elle n'avait pas de raison d'être, s'agissant seulement d'une rotation d'échafaudages qui n'avait pas de substantialité pour les travaux ; qu'elle n'a jamais soutenu que son offre n'était pas conforme ;

Vu l'ordonnance du 13 septembre 2012 portant clôture de l'instruction au 28 septembre 2012 ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 septembre 2012, présenté pour la commune de Saint-Gervais-les-Bains qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ; elle ajoute que les développements de la société requérante sur la confusion entre maître d'ouvrage et personne responsable du marché n'ont aucune pertinence ; qu'il n'y a pas eu en l'espèce un changement de motivation du rejet mais une mauvaise interprétation par la requérante de l'expression " offre de prix " retenue dans la lettre du maire au lieu d'" offre " tout court, encore que le prix était bien un motif de rejet ; que l'appréciation extrêmement favorable du maître d'oeuvre sur l'offre de la société Malbrel n'impliquait nullement qu'elle soit la mieux disante au regard des défauts dont cette offre était entachée et qui figurent bien dans le rapport de la commission d'appel d'offres ; que la proposition de mise en place de l'échafaudage en plusieurs étapes correspondait en fait à une variante alors que les variantes n'étaient pas autorisées par le règlement, et que celle-ci augmentait considérablement l'offre financière de 25 000 euros hors taxe, ce qui justifiait le rejet de l'offre ; qu'ainsi la commune a parfaitement respecté le cahier des charges pour juger que l'offre n'était pas la mieux disante, notamment sur le plan financier dès lors que la société Malbrel respectait le cahier des charges ;

Vu l'ordonnance en date du 22 janvier 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 6 février 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;

Vu le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Dursapt, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- et les observations de Me Roche, représentant de la commune de Saint-Gervais-les-Bains ;

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande de la société Malbrel Conservation tendant à la condamnation de la commune de Saint-Gervais-les-Bains à lui payer une indemnité de 350 000 euros en réparation du préjudice que lui a causé le rejet de l'offre qu'elle avait présentée pour l'exécution du lot n° 1 " décors peints " des travaux de restauration des décors intérieurs et d'installation d'une chaufferie dans l'église de Saint-Nicolas-de-Véroce ;

Sur la régularité de la procédure d'attribution du marché :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 2 du règlement de la consultation organisée en vue de l'opération susmentionnée : " La présente consultation est lancée suivant la procédure négociée, définie à l'article 34 et 35 du code des marchés publics. Elle est soumise aux dispositions des articles 65, 66 dudit code. / (...) " ; qu'aux termes de l'article 6 de ce règlement : " (...) Sur la base des critères ci-dessous énoncés, la commission d'appel d'offres attribue le marché au vu d'une proposition de classement réalisée par la personne responsable du marché. / (...) " ; que deux critères de jugement des offres étaient ensuite prévus, l'un relatif à la valeur technique de l'offre notée sur 6, l'autre relatif au prix noté sur 4 ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, préalablement à la réunion du 21 juin 2007 au cours de laquelle la commission d'appel d'offres a décidé d'attribuer le lot n° 1 à l'entreprise Meriguet-Carrere et de ne pas retenir les deux offres concurrentes présentées l'une par l'entreprise Malbrel conservation, l'autre par les entreprises Eschlimann et " Arts et Bâtiments ", ces offres ont fait l'objet d'une part d'un rapport d'analyse par le maître d'ouvrage le 1er juin 2007 proposant de retenir la société Malbrel conservation, d'autre part d'une note du 14 juin 2007 du conservateur des monuments historiques de la direction régionale des affaires culturelles commentant les mémoires techniques des candidats ; qu'il ressort du rapprochement de ces deux documents, qui pouvaient régulièrement et utilement éclairer l'analyse à laquelle doit se livrer personnellement la commission d'appel d'offres, que les appréciations du maître d'oeuvre et du conservateur des monuments historiques présentaient des divergences notables sur la qualité technique des offres et notamment celle de la société Malbrel conservation en ce qui concerne les boiseries et lustreries ou celle de la société Meriguet-Carrere en ce qui concerne le chauffage, les temps de séchage et leur conséquence sur la durée du chantier ; qu'il ressort du procès-verbal du 21 juin 2007, qui ne comporte aucune analyse littérale des offres, que la commission s'est bornée, s'agissant de noter leur valeur technique, à effectuer une moyenne des notes chiffrées proposées d'une part par le maître d'oeuvre au terme de sa propre analyse, d'autre part selon une analyse " drac/maître d'ouvrage " résultant notamment de l'appréciation portée par le conservateur des monuments historiques ; qu'en procédant ainsi, alors que les divergences d'appréciation du maître d'oeuvre et du conservateur des monuments historiques n'étaient pas mineures et appelaient ainsi une prise de position de la part de la commission, cette dernière n'a pas effectué, avant de prendre sa décision, une analyse suffisante des offres qui lui étaient présentées ; qu'il suit de là que la procédure d'attribution du marché a été irrégulière ;

Sur les conclusions indemnitaires :

4. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce marché, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

5. Considérant que, comme il est dit au point 3 ci-dessus, la procédure au terme de laquelle l'offre de la société Malbrel conservation a été écartée par la commission d'appel d'offres était irrégulière ; qu'il résulte de l'instruction qu'au regard de leur qualité technique et de leur prix les offres des sociétés Meriguet-Carrre et Malbrel conservation ne présentaient pas des avantages sensiblement différents ; que la société Malbrel conservation avait dès lors une chance sérieuse d'emporter le marché ; qu'elle a ainsi droit à être indemnisée de son manque à gagner ; que toutefois celui-ci ne saurait être calculé selon la marge sur coût variable comme le soutient la société requérante, mais selon la perte de sa marge nette ; qu'eu égard aux résultats de l'entreprise pour les années 2005 et 2006, il sera fait une juste appréciation de son préjudice en fixant à 50 000 euros l'indemnité que la commune de Saint-Gervais-les-Bains devra lui verser ;

Sur les intérêts :

6. Considérant que la société Malbrel conservation a droit aux intérêts de la somme indiquée ci-dessus ; que le point de départ en sera fixé comme elle le demande à la date d'introduction de sa requête devant la Cour, le 15 mai 2012 ;

Sur la capitalisation des intérêts :

7. Considérant qu'à la date du présent arrêt les intérêts ne sont pas dus depuis au moins une année ; que les conclusions tendant à ce que la Cour ordonne leur capitalisation ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Malbrel conservation est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Saint-Gervais-les-Bains la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Malbrel conservation ;

11. Considérant que les dispositions précitées font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Malbrel conservation, qui n'est pas partie perdante dans l'instance, une somme quelconque au titre des frais exposés par la commune de Saint-Gervais-les-Bains ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 mai 2012 est annulé.

Article 2 : La commune de Saint-Gervais-les-Bains est condamnée à payer à la société Malbrel conservation une somme de 50 000 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2012.

Article 3 : La commune de Saint-Gervais-les-Bains versera à la société Malbrel conservation, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Malbrel conservation et à la commune de Saint-Gervais-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 21 février 2013, où siégeaient :

M. du Besset, président de chambre,

M. Dursapt et Mme Samson-Dye, premiers conseillers ;

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

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N° 12LY01209

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01209
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-02-02-05 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Marché négocié.


Composition du Tribunal
Président : M. du BESSET
Rapporteur ?: M. Marc DURSAPT
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : SELARL GAILLARD DELEAGE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;12ly01209 ?
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