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14/03/2013 | FRANCE | N°13LY00033

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 14 mars 2013, 13LY00033


Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2013, présentée pour Mme A...D...épouseB..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202342 du 20 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mâcon à lui verser la somme de 51 534 euros à titre de provision ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-

1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hosp...

Vu la requête, enregistrée le 4 janvier 2013, présentée pour Mme A...D...épouseB..., domiciliée... ;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1202342 du 20 décembre 2012 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier de Mâcon à lui verser la somme de 51 534 euros à titre de provision ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la responsabilité du centre hospitalier de Mâcon est engagée pour défaut de surveillance dans le suivi de son oeil malade, comme en attestent plusieurs médecins ;

- l'obligation du centre hospitalier n'est pas contestable dés lors que deux rapports d'expertise mettent en cause sa responsabilité ;

- elle a subi des préjudices patrimoniaux et extra patrimoniaux, en particulier au titre des pertes de revenus, de l'incidence professionnelle, de son incapacité temporaire totale et de son incapacité permanente partielle, des douleurs endurées, de ses préjudices esthétique et d'agrément, pour un montant totale de 257 674,52 euros, dont 20 % doivent lui être versés à titre de provision ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 janvier 2013, présenté pour le centre hospitalier de Mâcon, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- le fait que l'intéressée était atteinte d'une rétinopathie débutante et minime ne justifiait pas un examen régulier, rien ne laissant penser que son diabète serait déséquilibré pendant sa grossesse ;

- son obligation est contestable ;

- il n'y a pas de lien de causalité direct, certain et exclusif avéré avec la perte de vision de son oeil droit ;

- le pourcentage de perte de chance de 20 % retenu par l'expert n'est pas justifié ;

- le montant de la provision ne pourrait être que ramené à de plus justes proportions, le préjudice professionnel notamment étant incertain ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., née en 1977, souffre depuis l'âge de 7 ans d'un diabète insulinodépendant ; qu'alors qu'elle était au troisième mois de sa première grossesse, l'ophtalmologue qu'elle a consulté le 16 août 2001 au centre hospitalier de Mâcon a relevé une rétinopathie diabétique débutante minime de l'oeil droit, dont le risque évolutif était faible, indiquant qu'un nouvel examen serait nécessaire dans un délai d'un an ; que l'intéressée, qui a accouché prématurément d'un garçon le 5 décembre 2001, s'est plainte en septembre 2002 de l'apparition d'une tache dans son oeil droit ; que la rétinopathie étant devenue proliférante, elle a vainement reçu, aux Hospices civils de Lyon, un traitement par photo coagulation et, le 6 décembre 2002, par vitrectomie ; qu'elle a perdu la fonction visuelle de l'oeil droit ; que Mme B... a saisi la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CRCI) de Bourgogne qui, après expertise, s'est déclarée incompétente ; qu'elle a obtenu du juge des référés du Tribunal administratif de Dijon la désignation d'un expert dont le rapport a été remis le 3 avril 2007 ; que par une ordonnance du 20 décembre 2012, le juge des référés du Tribunal a rejeté la demande de provision formée par Mme B... à l'encontre du centre hospitalier de Mâcon, jugeant que l'obligation dont elle se prévalait était sérieusement contestable au sens de l'article R. 541-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. (...) " ;

Sur le principe de la provision :

3. Considérant que, comme le soutient la requérante, et ainsi que l'ont retenu les experts désignés tant par la CRCI que par le Tribunal, en prévoyant un contrôle au bout de seulement un an alors que l'examen au troisième mois de sa grossesse avait révélé l'existence d'une rétinopathie diabétique qui, selon les recommandations de la littérature médicale, aurait justifié un contrôle au moins tous les trois mois, les services hospitaliers de Mâcon ont manqué à leur obligation de surveillance et de conseil ; que cette faute, sans laquelle l'hôpital aurait pu normalement prendre en charge cette complication classique du diabète, a privé Mme B...d'une chance d'éviter la perte de son oeil droit ; que la réparation des conséquences de cette perte de chance revêt, pour le centre hospitalier de Mâcon, le caractère d'une obligation non sérieusement contestable ;

4. Considérant que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter ce dommage ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée par le juge à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu en particulier de la difficulté à contrôler le diabète dont souffre Mme B...et du caractère capricieux et parfois fulgurant de l'évolution d'une rétinopathie, il y a lieu, en l'espèce, de fixer la chance perdue par l'intéressée à 20 % des différents chefs de préjudice ayant résulté de la faute commise par le centre hospitalier ;

Sur le montant de la provision :

6. Considérant, en premier lieu, que Mme B...était employée par l'hôpital local de Thoissey comme agent contractuel pour effectuer des remplacements ; que, du mois d'août 2001 au mois de novembre 2004, elle s'est trouvée placée en congé de maternité et en congé de présence parentale pour enfant malade, avant de reprendre une activité de nourrice agréée, interrompue après six mois en raison d'une nouvelle grossesse ; qu'ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que la faute reprochée au centre hospitalier de Mâcon l'aurait exposée à des pertes de revenus ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que si la perte de son oeil droit n'a pas totalement privé Mme B...de la possibilité d'exercer une activité, elle a rendu impossible pour elle les professions nécessitant une bonne vision binoculaire ou susceptibles de l'exposer à un risque traumatique ; qu'il sera fait une juste appréciation de la chance dont elle a été privée à cet égard en lui allouant à ce titre, après application du coefficient de perte de chance rappelé au point 5, une allocation provisionnelle de 2 000 euros ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de l'expertise ordonnée par le Tribunal, qu'en lien avec la faute commise par l'hôpital, l'incapacité temporaire totale de Mme B...s'est prolongée deux mois, que son état de santé est consolidé depuis le 10 mars 2003 et qu'elle demeure atteinte d'une incapacité permanente partielle de 25 %, l'expert ayant évalué les souffrances endurées et son préjudice esthétique à respectivement 2,5 et 2 sur une échelle de 7, son préjudice d'agrément n'étant pas, en revanche, justifié ; que dans ces circonstances il y a lieu d'allouer à MmeB..., compte tenu du coefficient de perte de chance retenu ci-dessus, une provision globale de 10 000 euros ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que MmeB..., qui a droit au paiement par le centre hospitalier de Mâcon de la somme de 12 000 euros à titre de provision, est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort, que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon les frais de l'expertise prescrite par le juge des référés du Tribunal administratif de Dijon, liquidés et taxés à la somme de 412 euros ;

11. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Mâcon le paiement à Mme B...d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du Tribunal administratif de Dijon du 20 décembre 2012 est annulée.

Article 2 : Le centre hospitalier de Mâcon est condamné à verser à Mme B... la somme de 12 000 euros à titre de provision.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge du centre hospitalier de Mâcon.

Article 4 : Le centre hospitalier de Mâcon versera à Mme B...la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5: Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., au centre hospitalier de Mâcon et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 21 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. Picard etC..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 14 mars 2013.

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N° 13LY00033


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00033
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Procédure - Procédures de référé autres que celles instituées par la loi du 30 juin 2000 - Référé-provision.

Responsabilité de la puissance publique - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics - Service public de santé.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SERFATY VENUTTI CAMACHO et CORDIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-03-14;13ly00033 ?
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