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20/06/2013 | FRANCE | N°12LY01594

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 20 juin 2013, 12LY01594


Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101341 du 24 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1000556-1001674 du président du Tribunal administratif de Limoges du 10 juin 2011 liquidant et taxant à la somme de 62 192 euros les frais et honoraires qui lui sont dus en exécution de la mission qui lui a été confiée par une ordonnance du juge des référés du 26 avril 2010 ;



2°) de faire droit à sa demande en fixant à 191 694,47 euros le montant de se...

Vu la requête, enregistrée le 22 juin 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié ... ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101341 du 24 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'ordonnance n° 1000556-1001674 du président du Tribunal administratif de Limoges du 10 juin 2011 liquidant et taxant à la somme de 62 192 euros les frais et honoraires qui lui sont dus en exécution de la mission qui lui a été confiée par une ordonnance du juge des référés du 26 avril 2010 ;

2°) de faire droit à sa demande en fixant à 191 694,47 euros le montant de ses frais et honoraires ;

Il soutient que :

- pour des missions comparables, il a obtenu en moyenne une somme plus élevée, par propriétaire concerné, qu'en l'espèce ;

- les visites ont porté tant sur l'intérieur que sur l'extérieur des immeubles d'habitation ou des commerces, chaque situation étant différente ;

- tout au long de la procédure, les parties étaient informées de la méthodologie, de l'état des dépenses au fur et à mesure de l'envoi de rapports provisoires, des clichés photographiques et des relevés de taux d'humidité ;

- il a rempli correctement sa mission ;

- le dépassement du délai de dépôt du rapport ne pouvait justifier une diminution de sa rémunération ;

- il s'explique en particulier par l'effondrement d'un bâtiment et les nouvelles investigations qu'il a justifiées, ainsi que par la négligence du préfet à répondre à ses demandes d'information sur la diffusion de ses travaux ;

- ses travaux étaient terminés en novembre 2010 alors que le délai de dépôt du rapport était fixé au 1er septembre 2010 et qu'il a finalement été déposé, compte tenu des investigations supplémentaires rendues nécessaires, le 23 avril 2011 ;

- la qualité de son travail ne peut être mise en cause dès lors qu'il s'est limité à ce qui était nécessaire dans le cadre de sa mission ;

- les descriptions des désordres sont toutes personnalisées et le découpage intérieur/extérieur est justifié ;

- les honoraires et frais font référence à un prix unitaire HT de 82 euros l'heure et à des frais ou débours facturés suivant le barème de la Cour d'appel de Toulouse ;

- 248 dossiers ont été déposés pour 104 propriétaires ;

- la DREAL mais également le Tribunal ont été informés des états de frais intermédiaires, aucune observation ne lui ayant été faite ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 septembre 2012, présenté par le président du Tribunal administratif de Limoges qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- dans un courrier du 4 mai 2011, il a décrit la méthode suivie pour retenir une somme de 49 753,60 euros TTC, soit 400 euros HT par propriétaire, par la suite portée à 62 192 euros ;

- les rémunérations allouées à l'expert par d'autres juridictions ne sauraient suffire à justifier du bien-fondé de ses prétentions ;

- l'absence de réponse du Tribunal à ses états de frais intermédiaires ne vaut pas approbation tacite des montants y figurant ;

- l'établissement de deux rapports pour l'extérieur et l'intérieur des constructions n'était pas nécessaire ;

- certaines mesures ne relevaient pas de la mission de l'expert, non plus que certaines démarches concernant l'un des propriétaires ;

- la difficulté de la mission, qui consistait seulement en un constat, et non une expertise, ne justifiait pas un taux de vacation de 82 euros ;

- il a été tenu compte de la spécificité de certaines propriétés ;

- la présentation par l'expert de sa note de frais et honoraires sous forme de 248 fiches pour 104 propriétaires ne permet pas le contrôle de la réalité des frais engagés ;

- la nature de la mission a permis des économies d'échelle ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'expert a fait établir des rapports provisoires ainsi que deux rapports par propriété, que n'exigeait pas sa mission ;

- les rapports comportaient une importante partie commune ;

- les opérations de mesure d'humidité n'étaient pas prévues, et ne pouvaient relever de l'opération de constat ;

- le rapport n'a été déposé que le 23 avril 2011, alors qu'il était initialement prévu pour le 1er septembre 2010 ;

- la présentation par l'expert de sa note de frais et honoraires sous forme de 248 fiches pour 104 propriétaires n'a pas permis le contrôle de la réalité des frais engagés et du mode de calcul des honoraires, alors que des économies d'échelle avaient été réalisées ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2012, présenté pour M.B..., qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions ;

Il soutient en outre que :

- il n'est rien dit du détail de la rémunération jugée excessive, la réduction pratiquée par le président du Tribunal étant arbitraire ;

- après un tronc commun, les rapports détaillent les désordres des propriétés ;

- le découpage entre l'intérieur et l'extérieur des propriétés est justifié ; il a permis de procéder plus rapidement ;

- le Tribunal a implicitement donné son aval à ces opérations ;

- le taux de 82 euros est justifié, les diligences requises étant les mêmes pour un constat ou une expertise ;

- il n'a jamais excédé sa mission ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2012, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 30 novembre 2012, présenté par le président du Tribunal administratif de Limoges, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 3 janvier 2013, fixant au 25 janvier 2013 la date de clôture de l'instruction en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 6 juin 2013, présentée pour M.B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2013 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- les observations de M.B..., requérant ;

1. Considérant que dans la perspective de la réalisation de travaux d'aménagement à deux fois deux voies de la route nationale n° 141 entre les communes de La Barre et du Breuil, le juge des référés du Tribunal administratif de Limoges, saisi par le préfet de la Haute-Vienne sur le fondement de l'article R. 531-1 du code de justice administrative, a, par une ordonnance du 26 avril 2010, désigné M. B...comme expert aux fins de constater l'état des immeubles situés à 200 mètres de part et d'autre de cette route, sur une distance de 7,6 km ; que par une ordonnance du 10 juin 2011, le président du Tribunal administratif de Limoges, après avoir avisé M. B...de son intention, a liquidé et taxé les frais et honoraires demandés par celui-ci, qui s'élevaient à 191 694,47 euros TTC, à la somme de 62 192 euros TTC ; que M. B...fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette ordonnance ainsi qu'à l'allocation de la somme de 191 694,47 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 531-1 du code de justice administrative : " S'il n'est rien demandé de plus que la constatation de faits, le juge des référés peut, sur simple requête qui peut être présentée sans ministère d'avocat et même en l'absence d'une décision administrative préalable, désigner un expert pour constater sans délai les faits qui seraient susceptibles de donner lieu à un litige devant la juridiction. /Avis en est donné immédiatement aux défendeurs éventuels. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 621-11 du même code, applicable en matière de constat, en vertu de l'article R. 531-2 de ce code : " Les experts et sapiteurs mentionnés à l'article R. 621-2 ont droit à des honoraires, sans préjudice du remboursement des frais et débours. /Chacun d'eux joint au rapport un état de ses vacations, frais et débours. /Dans les honoraires sont comprises toutes sommes allouées pour étude du dossier, frais de mise au net du rapport, dépôt du rapport et, d'une manière générale, tout travail personnellement fourni par l'expert ou le sapiteur et toute démarche faite par lui en vue de l'accomplissement de sa mission. /Le président de la juridiction, après consultation du président de la formation de jugement (...) fixe par ordonnance, conformément aux dispositions de l'article R. 761-4, les honoraires en tenant compte des difficultés des opérations, de l'importance, de l'utilité et de la nature du travail fourni par l'expert ou le sapiteur et des diligences mises en oeuvre pour respecter le délai mentionné à l'article R. 621-2. Il arrête sur justificatifs le montant des frais et débours qui seront remboursés à l'expert. /S'il y a plusieurs experts, ou si un sapiteur a été désigné, l'ordonnance mentionnée à l'alinéa précédent fait apparaître distinctement le montant des frais et honoraires fixés pour chacun. /Lorsque le président de la juridiction envisage de fixer la rémunération de l'expert à un montant inférieur au montant demandé, il doit au préalable l'aviser des éléments qu'il se propose de réduire, et des motifs qu'il retient à cet effet, et l'inviter à formuler ses observations. " ; que selon ledit article R. 621-2, le président du tribunal administratif choisit les experts et fixe le délai dans lequel ils seront tenus de déposer leur rapport au greffe ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les opérations de l'expert, qui ont donné lieu à des rapports provisoires et comporté des mesures d'humidité des points à risque, ainsi que des investigations sur les désordres affectant un immeuble à la suite de tirs de mine sur le chantier, ont intéressé 104 propriétés différentes et fait l'objet de 248 rapports portant distinctement sur l'intérieur et l'extérieur des bâtiments ou traitant séparément les constructions selon leur nature ou leur configuration, chacun de ces rapports contenant, en outre, une partie commune de 6 pages comprenant un document graphique et rappelant le déroulement des opérations ; que les rapports définitifs ont été déposés le 23 avril 2011 ;

4. Considérant que la méthode suivie par l'expert, dont il n'est pas établi qu'elle aurait été intégralement approuvée par le président du Tribunal administratif de Limoges ou l'administration, a été facteur de confusion, n'ayant pas, notamment, permis de s'assurer précisément du montant des frais et honoraires demandés ou de leur bien-fondé ; qu'en particulier, tout en rendant possibles des économies d'échelle, un seul rapport par propriété aurait suffi aux opérations de constat, sans qu'il soit absolument nécessaire de recourir à des rapports d'étape ; que, par ailleurs, les mesures d'humidité et les recherches particulières auxquelles s'est livré l'expert sur les dommages résultant, pour l'une des propriétés, de tirs de mine, ont excédé le champ de sa mission ; que les indications données par l'expert en ce qui concerne les rectifications apportées aux références cadastrales, à l'extension de sa mission à deux parcelles par ordonnance du 24 novembre 2010 et à l'absence de réponse rapide de l'administration à sa demande du 30 novembre 2010 sur les conditions matérielles d'envoi de l'ensemble des documents définitifs, ne sauraient suffire à expliquer le dépôt tardif, plus de 8 mois après la date initialement fixée au 1er septembre 2010, des rapports de constat ; qu'il s'en suit que la somme de 191 694,47 euros TTC réclamée par celui-ci présente un caractère excessif ;

5. Considérant, toutefois, que les opérations de constat ont porté sur des biens présentant une grande diversité, qu'il s'agisse en particulier de leur affectation à usage ou non d'habitation, de leurs dimensions ou de leur ancienneté ; que ces opérations ont ainsi été d'une difficulté très variable justifiant que, compte tenu du temps passé pour visiter chacune des 104 propriétés, estimé à 8 heures, le montant des honoraires, fixé à 26 000 euros HT par le président du Tribunal administratif de Limoges, soit porté à la somme de 58 240 euros HT, calculée sur la base d'un tarif horaire moyen de 70 euros HT obtenu à partir des tarifs horaires appliqués par l'expert de, respectivement, 82 euros pour l'étude, la rédaction et la visite technique, 50 euros pour la visite technique par un assistant et 41 euros pour déplacement ; que, par ailleurs, le montant des frais et débours de l'expert, arrêté à 26 000 euros HT, doit être porté à 41 600 euros HT, correspondant en moyenne à 400 euros par propriété visitée ; que, dès lors, le montant global de ses frais et honoraires doit être fixé à 99 840 euros HT, soit 119 408,64 euros TTC ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 24 avril 2012 est annulé.

Article 2 : Les frais et honoraires dus à M. B...sont liquidés et taxés à la somme de 119 408,64 euros TTC.

Article 3 : L'article 1er de l'ordonnance du président du Tribunal administratif de Limoges du 10 juin 2011 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Il en sera adressé copie au président du Tribunal administratif de Limoges.

Délibéré après l'audience du 30 mai 2013, à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

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N° 12LY01594 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01594
Date de la décision : 20/06/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

54-04-02-02-02 Procédure. Instruction. Moyens d'investigation. Expertise. Honoraires des experts.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP JEAY, MARTIN DE LA MOUTTE, JAMES-FOUCHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-06-20;12ly01594 ?
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