La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2013 | FRANCE | N°12LY01336

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 juillet 2013, 12LY01336


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2012, présentée pour M. A...Ducros de Lafarge de Romefort, domicilié " ... ;

M. Ducros de Lafarge de Romefort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004190 en date du 8 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des délibérations prises les 12 et 27 mai 2010 par le conseil municipal de la commune de Régnié-Durette, relatives à l'acquisition et à l'aménagement d'un multiservices ;

2°) d'annuler les délibérations susmentionnées ;

3°) de mettr

e à la charge de la commune de Régnié-Durette, la somme de 3 000 euros en application des dis...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2012, présentée pour M. A...Ducros de Lafarge de Romefort, domicilié " ... ;

M. Ducros de Lafarge de Romefort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004190 en date du 8 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des délibérations prises les 12 et 27 mai 2010 par le conseil municipal de la commune de Régnié-Durette, relatives à l'acquisition et à l'aménagement d'un multiservices ;

2°) d'annuler les délibérations susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Régnié-Durette, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. Ducros de Lafarge de Romefort soutient que :

- les premiers juges ont omis de répondre à certains moyens entachant ainsi le jugement d'irrégularité ;

- le projet de multiservices ne répond pas à un besoin constituant un intérêt public local et ne peut se prévaloir d'une carence manifeste de l'initiative privée ;

- les conseillers ont reçu une information insuffisante concernant le projet, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

- dès lors que MmeC..., qui a rapporté le projet devant le conseil municipal et qui a participé à tous les votes, exprimait les intérêts patrimoniaux d'une partie de sa belle famille ainsi que la volonté de son époux d'influencer les affaires locales dans le sens de ses pôles d'intérêt, les délibérations ont été prises en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;

- les informations contenues dans les délibérations préparatoires du 27 mai 2010 auraient dû être communiquées au conseil municipal en vue de la séance du 12 mai 2010 ;

Vu le jugement et les délibérations attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 octobre 2012, présenté pour la commune de Régnié-Durette, représentée par son maire en exercice, qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. Ducros de Lafarge de Romefort sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a veillé à informer régulièrement et préalablement l'ensemble des conseillers, qui ont été destinataires d'un dossier concernant le projet d'acquisition de la " MaisonB... " et qui ont assisté à des réunions d'information ;

- Mme C...qui ne connaît pas les héritiers de Mme B...et n'a aucun contact avec eux, ne peut être considérée comme constituant un conseiller municipal intéressé à l'affaire ;

- si la Cour devait considérer recevables les conclusions dirigées contre la délibération du 27 mai 2010, elle s'en rapporte à ses observations de première instance concernant le bien fondé de cette décision ;

- l'opération concernée constitue un projet d'intérêt public qui répond bien à une insuffisance de l'initiative privée sur la commune ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2012, présenté pour M. Ducros de Lafarge de Romefort qui conclut aux mêmes fins ;

Il soutient en outre que les informations contenues dans les dossiers de demande de subvention à l'intention du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce et de la Région Rhône-Alpes, présentées lors du conseil municipal du 27 mai 2010 ont un caractère décisionnel, rendant recevable sa demande d'annulation des délibérations prises ce même jour ; en outre, ces informations communiquées à cette date démontrent l'insuffisance des informations fournies aux conseillers concernant les délibérations du 12 mai 2010 ;

Vu la lettre, en date du 14 juin 2013, par laquelle la Cour a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de soulever d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité interne tenant à l'absence d'intérêt public local et de carence de l'initiative privée soulevé pour la première fois en appel à l'encontre de la délibération du 12 mai 2010 ;

Vu les ordonnances en date des 17 septembre et 23 octobre 2012 par lesquelles, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la Troisième chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 26 octobre 2012, puis l'a reportée au 6 novembre 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 juin 2013 :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Schmerber, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ferlay, avocat de M. A...Ducros de Lafarge de Romefort , et celles de Me Cadoux, avocat de la commune de Régnié-Durette ;

1. Considérant qu'afin de pouvoir aménager un centre multiservices, par délibérations du 12 mai 2010, le conseil municipal de Régnié-Durette a décidé d'acquérir dans le centre-bourg de la commune un bien immobilier, " propriétéB... ", au prix de 350 000 euros, de contracter auprès de la Caisse d'Epargne un prêt-relais de 576 000 euros et de procéder à la décision modificative du budget communal 2010 ; que, par délibération du 27 mai 2010, le conseil municipal de Régnié-Durette a sollicité pour cette opération, une subvention du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC) et une subvention de la Région Rhône-Alpes, et a approuvé le plan de financement prévisionnel ; que M. Ducros de Lafarge de Romefort, conseiller municipal, relève appel du jugement en date du 8 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces délibérations ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Lyon a répondu de manière suffisante aux moyens qui étaient présentés devant lui en première instance ; qu'ainsi le jugement attaqué n'est pas entaché d'une omission à statuer ;

Sur la légalité des délibérations du 12 mai 2010 :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, qu'avant la réunion du conseil municipal du 12 mai 2010, chaque conseiller a été destinataire d'une note de présentation du projet d'acquisition de la " propriétéB... " précisant les objectifs de l'opération, les conditions économiques et financières de l'acquisition, la description des lieux, la conformité du prix proposé avec l'évaluation du service des domaines ainsi que les différentes hypothèses de financement du projet ; que si M. Ducros de Lafarge de Romefort fait valoir que le conseil n'a pas été suffisamment informé des estimations financières relatives au coût d'installation du centre multiservices et de réhabilitation du bâtiment, il est constant que la note précitée comprenait en annexes plusieurs tableaux représentant le chiffrage exhaustif des différentes hypothèses de financement du projet intégrant en particulier les divers travaux envisagés concernant tant l'installation du centre multiservices que la réalisation éventuelle de logements à l'étage du bâtiment ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier, qu'au cours de la séance du 12 mai 2010, les conseillers municipaux se sont vus communiquer des plans concernant le réaménagement du bâtiment et la répartition des activités, ainsi qu'un tableau représentant le budget prévisionnel des travaux accompagné d'un échéancier de réalisation; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que des conseillers auraient fait des demandes d'information particulières concernant le modèle économique retenu pour le projet ainsi que les prévisions relatives à sa gestion ; qu'il est constant que l'étude de marché concernant ce projet, réalisée par la chambre de commerce de Villefranche-sur-Saône n'était pas achevée à la date du 12 mai 2010 ; que dans ces conditions, et alors même que certaines incertitudes concernant notamment les modalités de transfert d'un tabac-presse dans le centre multiservices restaient encore pendantes, le moyen tiré du défaut d'information des membres du conseil municipal ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales : " Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part un ou plusieurs membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet, soit en leur nom personnel, soit comme mandataires " ; que si M. Ducros de Lafarge de Romefort fait état de ce que la belle-soeur et les neveux et nièces de Mme C...conseillère municipale, sont propriétaires en indivision du bien dont l'acquisition fait l'objet des délibérations litigieuses et que l'époux de cette dernière serait notoirement attaché à la réalisation du projet d'ouverture d'un bar, il ne ressort pas des pièces du dossier, que Mme C...aurait influencé le vote du conseil municipal ; qu'en tout état de cause, l'existence d'un lien de parenté avec une personne dont les intérêts sont concernés par l'objet d'une délibération ne suffit pas, à elle seule, à faire regarder un conseiller municipal comme personnellement intéressé à l'affaire dont il est délibéré par le conseil municipal, au sens des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions doit être écarté ;

6. Considérant, en troisième et dernier lieu, que les délibérations litigieuses ont été prises notamment, à la suite d'un sondage effectué auprès des habitants de la commune dont il ressort que 97 % des réponses étaient favorables à la création d'un centre multiservices, la quasi totalité précisant leur souhait de voir s'installer une épicerie et un bar ; qu'il est constant que la commune ne comprenait aucun commerce permettant d'assurer l'approvisionnement régulier des habitants de la commune et qu'aucun candidat ne s'était présenté pour reprendre l'exploitation du café qui avait fermé ; qu'il ressort des pièces du dossier que les délibérations litigieuses avaient pour objet de permettre à la population locale de continuer à s'approvisionner sur place et de contribuer à l'animation de la vie locale ; qu'ainsi, même si la boulangerie et un caveau implanté au centre-bourg bénéficiant d'une licence IV pouvaient ponctuellement fournir quelques produits du terroir, les délibérations litigieuses répondaient à un besoin de la population et par suite, à un intérêt public local ;

Sur la légalité des délibérations du 27 mai 2010 :

7. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que les informations contenues dans ces décisions relatives à une demande de subvention de l'Etat auraient dû être portées à la connaissance des conseillers en vue de la réunion du conseil municipal susmentionnée du 12 mai 2010, le requérant ne conteste pas utilement en appel l'irrecevabilité opposée par les premiers juges à sa demande d'annulation de ces actes ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Ducros de Lafarge de Romefort n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Régnié-Durette, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Ducros de Lafarge de Romefort demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. Ducros de Lafarge de Romefort, sur le fondement des mêmes dispositions, à verser une somme de 1 500 euros à ladite commune ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...Ducros de Lafarge de Romefort est rejetée.

Article 2 : M. A...Ducros de Lafarge de Romefort versera à la commune de Régnié-Durette une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...Ducros de Lafarge de Romefort et à la commune de Régnié-Durette.

Délibéré après l'audience du 20 juin 2013 à laquelle siégeaient :

M. Tallec, président de chambre,

M. Rabaté, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 11 juillet 2013.

''

''

''

''

1

2

N° 12LY01336


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01336
Date de la décision : 11/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

135-02-01-02-01 Collectivités territoriales. Commune. Organisation de la commune. Organes de la commune. Conseil municipal.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : BAZY AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-07-11;12ly01336 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award