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17/10/2013 | FRANCE | N°13LY00055

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2013, 13LY00055


Vu I) la requête n° 13LY00055, enregistrée au greffe de la cour le 10 janvier 2013, présentée pour M. et Mme A...H..., demeurant..., M. et Mme E... H..., demeurant..., Mlle G... H... et M. B...F..., demeurant ... ;

Ils demandent à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 0901716-0903820-0905760 du Tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2012 en tant qu'il a limité leur indemnisation à la somme de 16 000 euros ;

2°) de condamner la commune de Sallanches à leur verser, d'une part, la somme de 21 295, 48 euros, outre intérêts à taux légal

à compter du 7 avril 2009 avec capitalisation des intérêts au 13 août 2010, et, d...

Vu I) la requête n° 13LY00055, enregistrée au greffe de la cour le 10 janvier 2013, présentée pour M. et Mme A...H..., demeurant..., M. et Mme E... H..., demeurant..., Mlle G... H... et M. B...F..., demeurant ... ;

Ils demandent à la cour :

1°) d'annuler partiellement le jugement n° 0901716-0903820-0905760 du Tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2012 en tant qu'il a limité leur indemnisation à la somme de 16 000 euros ;

2°) de condamner la commune de Sallanches à leur verser, d'une part, la somme de 21 295, 48 euros, outre intérêts à taux légal à compter du 7 avril 2009 avec capitalisation des intérêts au 13 août 2010, et, d'autre part, la somme de 193 560 euros augmentée chaque mois de la somme de 1070 euros, outre intérêts à taux légal à compter du 17 octobre 2009 avec capitalisation des intérêts au 30 décembre 2010 ;

3°) de condamner la commune de Sallanches à leur verser la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que l'évocation par le tribunal d'une perte de chance de 80 % et non de 100 % n'est pas justifiée dans la mesure où ils n'ont commis aucune faute ; qu'ils n'ont pu accéder à leur chalet du 24 janvier 2009 au 10 novembre 2012 ; qu'ils produiront les quittances de loyer de mars 2010 à juin 2011 ; qu'ils ne pouvaient, au cours de cette période, vendre leur bien immobilier frappé d'une interdiction d'habiter ;

Vu, enregistré le 27 mars 2013, le mémoire en défense présentée pour la commune de Sallanches tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 6 novembre 2012 et au rejet de la requête susvisée ; elle demande en outre la condamnation des requérants à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal n'a pas procédé à la substitution de base légale qu'elle lui avait demandé pour fonder la légalité de l'arrêté du 23 janvier 2009 ; que cet arrêté a été retiré au bout de quatre jours ; que le tribunal, pour décider que l'arrêté du 23 janvier 2009 était illégal, a commis une erreur de fait en considérant que d'autres biens publics ou privés étaient menacés, et de droit en considérant que les travaux à réaliser étaient d'intérêt collectif et par conséquent à sa charge ; que l'arrêté du 26 février 2009 était purement confirmatif et qu'une irrégularité formelle n'est pas de nature à engager sa responsabilité si la décision est justifiée au fond ; qu'aucune inertie ne peut lui être reprochée ; que, subsidiairement, la faute des requérants est de nature à l'exonérer totalement ou partiellement de sa responsabilité ; que les requérants n'apportent pas les justificatifs de leur préjudice pour la période de mars 2010 à juin 2011 ; qu'ils ne rapportent pas plus la preuve de leur volonté de vendre leur bien ni de l'impossibilité d'y procéder ;

Vu le mémoire en réplique du 17 juin 2013 présenté pour M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. B...F...qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Vu l'ordonnance du président du 19 juin 2013 fixant la clôture d'instruction au 8 juillet 2013 ;

Vu II) la requête n° 13LY00131, enregistrée au greffe de la cour le 14 janvier 2013, présentée pour la commune de Sallanches, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Sallanches demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901716-0903820-0905760 du 6 novembre 2012 du Tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner les consorts H...et M. F...à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir, en ce qui concerne l'arrêté du 23 janvier 2009, que le tribunal n'a pas opéré la substitution de base légale demandée ; que cet arrêté, retiré au bout de quatre jours, n'a pas causé les préjudices retenus par le tribunal ; qu'en ce qui concerne l'arrêté du 27 janvier 2009, le tribunal a commis une erreur de fait en estimant que les risques concernaient une voie et une autre propriété privée et une erreur de droit en qualifiant les travaux nécessaires de travaux d'intérêt collectif ; qu'en ce qui concerne l'arrêté du 26 février 2009, les consorts H...et M. F...avaient parfaitement connaissance de la teneur de cet arrêté ; que cet arrêté a été pris en réponse à une demande des consorts H...et de M. F...dans la mesure où ils ont déposé un recours en référé ; qu'au demeurant une illégalité formelle de l'arrêté n'est pas susceptible d'entraîner la responsabilité de la commune de Sallanches ; que la commune n'a pas fait preuve d'inertie ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2013, présenté pour M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. B...F...qui concluent au rejet de la requête de la commune de Sallanches et sa condamnation à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que le retrait de l'arrêté du 23 janvier 2009 est sans incidence sur sa légalité ; que la substitution de base légale n'est possible que si le maire était en situation de compétence liée ; que cette substitution n'est pas possible entre les pouvoirs de police générale et celles de police spéciale ; que la situation n'était ni d'extrême urgence ni ne montrait l'existence d'un péril grave et imminent ; que la commune a fait preuve d'inertie ; que le risque, extérieur à leur propriété, concernait une voie publique et une autre propriété privée ; que les travaux devaient être exécutés par la commune et à ses frais ; que l'arrêté du 26 février 2009, pas plus que les précédents, n'a pas été précédé d'un entretien contradictoire ; que l'arrêté du 26 février 2009 instituait une interdiction permanente d'accéder à la propriété ; que subsidiairement, les arrêtés des 23 et 27 janvier 2009 étaient insuffisamment motivés ; que l'arrêté du 26 février 2009 était manifestement disproportionné ; que la commune de Sallanches a commis un détournement de pouvoir et de procédure ;

Vu l'ordonnance du président du 19 juin 2013 fixant la clôture d'instruction au 8 juillet 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la construction et de l'habitation ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :

- le rapport de M. Gazagnes, rapporteur ;

- les conclusions de Mme Vinet, rapporteur public ;

- les observations de Me D...pour les consorts H...et M. F...;

- les observations de Me C...pour la commune de Sallanches ;

1. Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la responsabilité de la commune de Sallanches :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " la police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers, les avalanches et autres accidents naturels " ; qu'aux termes de l' article L. 2214-4 dudit code : " en cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances (...) " ;

3. Considérant que de fortes pluies ont provoqué un glissement de terrain, le 23 janvier 2009, causant des dommages à la propriété appartenant à M. et Mme A... H..., dont la nue-propriété appartient à M. E...H...et qui était, à cette date, occupée par M. F...et MlleH..., ainsi qu'à la voie communale dite de Lavaud ; qu'une autre propriété, située en contrebas de la voie communale, s'est retrouvée menacée ; qu'un arrêté ministériel du 20 juillet 2009 a constaté que ce glissement de terrain résultait d'une catastrophe naturelle ;

4. Considérant qu'à la suite de ces événements, le maire de Sallanches a, par arrêté du 23 janvier 2009 pris sur le fondement du code de la construction et de l'habitation, ordonné l'évacuation immédiate de la propriétéH... ; que, par arrêté du 24 janvier 2009, le maire a mis en demeure M. E...H...de prendre toutes dispositions nécessaires en vue d'aboutir à la réouverture de la voie communale ; que, le 27 janvier, le maire a pris un nouvel arrêté, remplaçant l'arrêté du 23 janvier 2009 maintenant l'interdiction temporaire d'habiter et demandant à la famille H...de faire intervenir un bureau d'études spécialisé dans le délai d'un mois ; que cet arrêté a été retiré par un arrêté du 26 février 2009 ; qu'un autre arrêté du même jour a maintenu l'interdiction d'habiter dans l'attente de l'étude du bureau spécialisé en stabilité des sols ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a, en premier lieu, annulé l'arrêté du 26 février 2009 précité, en deuxième lieu retenu la responsabilité de la commune du fait de l'illégalité des arrêtés du maire de Sallanches et de l'inertie de la commune et, en troisième lieu, a condamné la commune de Sallanches à verser à la famille H...une somme de 16 000 euros en réparation de leurs divers préjudices ;

5. Considérant que si les dispositions précitées des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales autorisaient le maire de Sallanches de frapper le chalet de la famille H...d'une interdiction provisoire d'habiter, elles ne l'autorisaient pas à mettre à la charge de M. H...le coût de l'étude nécessaire pour déterminer la nature des travaux de sécurisation à réaliser dès lors que, plusieurs parcelles et un chemin communal étant intéressés par la coulée de boue, ces travaux revêtaient le caractère de travaux collectifs ; que, par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé l'arrêté du 26 février 2009 et, d'autre part, retenu que l'illégalité des arrêtés du maire de Sallanches était constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

6. Considérant qu'il appartenait à la commune de prendre dans un délai raisonnable les mesures nécessaires pour mettre fin à la situation et notamment de faire intervenir un bureau d'études ; que le tribunal administratif de Grenoble a justement estimé que la commune aurait pu disposer de l'étude géologique fin février 2009, si elle avait fait les diligences nécessaires ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, qu'il existera toujours, pour les occupants du chalet de M.H..., un risque de glissement de terrain après des périodes de très fortes précipitations mais que ce risque peut être réduit par la réalisation à l'arrière de la crête de talus d'un merlon avec en amont un fossé étanche ; que, par suite, l'interdiction d'habiter faite à la famille H...ne se justifiait plus après le 28 février 2009; qu'il suit de là que la famille H...est fondée à demander la réparation de l'intégralité de son préjudice ;

Sur le préjudice :

8. Considérant, en premier lieu, que les requérant font valoir qu'en conséquence de l'interdiction d'habiter, M. F...et MlleH..., occupants du chalet, ont dû louer une autre habitation ; qu'après avoir fourni au Tribunal les quittances de loyer pour la période de mars 2009 à février 2010, ils fournissent pour la première fois, devant la Cour, les nouvelles quittances de 630 euros de loyer pour les mois de mars 2010 à avril 2011, soit 8 680 euros ; qu'il y a lieu dans ces conditions, de porter l'indemnité due à ce titre à la somme de 17 552 euros ;

9. Considérant, en deuxième lieu, qu'il convient de leur accorder, pour l'ensemble de leurs troubles dans leur conditions d'existence liés à l'impossibilité d'occuper cette habitation, une somme de 10 000 euros ; qu'en revanche, les requérants n'apportent pas plus devant la Cour que devant le Tribunal, le moindre élément concernant leur volonté de vendre le bien immobilier en cause ni l'impossibilité d'y procéder ; que l'impossibilité alléguée de vendre le bien ou sa moins-value éventuelle ne présente pas dès lors un caractère certain, comme l'a indiqué le Tribunal, et ne peut faire l'objet d'une indemnisation ;

10. Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ce qui précède que l'indemnité de 16 000 euros fixée par le Tribunal administratif de Grenoble doit être portée à la somme de 27 552 euros ;

Sur les intérêts :

11. Considérant que la première demande indemnitaire de la famille H...est parvenue à la commune de Sallanches le 7 avril 2009 ; qu'il y est fait droit à hauteur de la somme de 6 300 euros ; que, par suite, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2009 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Grenoble le 13 août 2010 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

12. Considérant que la seconde demande indemnitaire de la famille H...est parvenue à la commune de Sallanches le 17 octobre 2009 ; qu'il y est fait droit à hauteur de la somme de 21 252 euros ; que, par suite, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2009 ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois par mémoire enregistré le 30 décembre 2010 ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la commune de Sallanches à verser à M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. F...la somme totale de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce que ces derniers, qui ne sont pas partie perdante dans la présente instance, soit condamnés à verser à la commune de Sallanches la somme qu'elle demande à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité que la commune de Sallanches a été condamnée à verser à M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. B...F...par le Tribunal administratif de Grenoble par son jugement du 6 novembre 2012 est portée à la somme de 27 552 euros.

Article 2 : La somme susmentionnée portera, à hauteur de 6 300 euros, intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2009. Les intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts au 13 août 2010 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 3 : A hauteur de 21 252 euros, elle portera intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2009. Les intérêts seront capitalisés pour porter eux-mêmes intérêts au 30 décembre 2010 puis à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 4 : La commune de Sallanches est condamnée à verser à M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. F...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...H..., M. et Mme E...H..., Mlle G...H...et M. B...F..., à la commune de Sallanches et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2013, où siégeaient :

- M. Wyss, président,

- M. Gazagnes, président assesseur,

- M. Dursapt, premier conseiller.

Lu en audience publique, 17 octobre 2013.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00055
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

49-04-03 Police. Police générale. Sécurité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: Mme VINET
Avocat(s) : LIOCHON et DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-10-17;13ly00055 ?
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