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17/12/2013 | FRANCE | N°12LY02063

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 17 décembre 2013, 12LY02063


Vu la requête et la " requête modificative ", enregistrées respectivement les 30 juillet et 17 août 2012, présentées pour la Commune de Cusy (74540), représentée par son maire en exercice ;

La commune de Cusy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802401 du 7 juin 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A...B..., annulé un certificat d'urbanisme négatif qui lui avait été délivré par son maire le 25 mars 2008 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;>
3°) de condamner M. B...à verser à la commune une somme de 2 500 euros en application d...

Vu la requête et la " requête modificative ", enregistrées respectivement les 30 juillet et 17 août 2012, présentées pour la Commune de Cusy (74540), représentée par son maire en exercice ;

La commune de Cusy demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802401 du 7 juin 2012, par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de M. A...B..., annulé un certificat d'urbanisme négatif qui lui avait été délivré par son maire le 25 mars 2008 ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de condamner M. B...à verser à la commune une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La requérante soutient :

- que le tribunal administratif a jugé à tort que la route départementale est bordée de terrains bâtis, hormis celui de M.B... ; que de nombreux terrains limitrophes de cette route ne supportent pas de constructions, comme cela ressort des photographies et des plans versés au dossier, la commune de Cusy entendant sauvegarder un habitat diffus dans ce secteur conformément aux orientations du rapport de présentation du plan local d'urbanisme, qui entend " donner un coup d'arrêt à l'urbanisation linéaire pour revenir à une forme d'urbanisation plus respectueuse du paysage traditionnel de Cusy, plus concentrée autour du bourg et moins consommatrice d'espace ; que le plan local d'urbanisme a classé le terrain de M. B...en zone A, " zone à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique de l'espace agricole ", et où le règlement n'autorise que " les constructions et installations reconnues indispensables à l'activité agricole " ; que le projet de M.B..., qui ne remplit pas ces conditions, prend place sur une parcelle exploitée par un agriculteur ; que le jugement remet en cause les choix exprimés par les élus locaux dans le plan local d'urbanisme voté en 2006, et modifié en 2007, et la spécificité de la commune, caractérisée par une urbanisation diffuse assumée pour des raisons historiques, esthétiques et environnementales ; que la délivrance d'un certificat d'urbanisme positif aurait également pour effet d'accroître l'urbanisation dans le village et les hameaux, contrairement aux orientations du schéma de cohérence territoriale de l'Albanais, qui vise à lutter contre l'étirement urbain ; que le schéma de cohérence territoriale a par ailleurs diagnostiqué une forte pression foncière et un mitage de l'espace auxquels est confrontée l'agriculture du territoire ; que les avis favorables émis par le directeur du Parc naturel régional des Bauges, le préfet de Haute-Savoie, et la Chambre d'agriculture de Haute-Savoie confirment le bien fondé de ces choix ;

- que le maire de Cusy s'est fondé à bon droit sur les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif, en raison des risques résultant pour la circulation publique, de la desserte du projet par un chemin rural, déjà emprunté par de nombreux habitants des maisons voisines ; qu'une commune peut se fonder sur des considérations d'intérêt communal, notamment en matière d'urbanisme, pour assurer la gestion des chemins ruraux, qui, en application de l'article L. 161-1 du code rural, appartiennent à son domaine privé ; qu'un maire est fondé à refuser un permis de construire si la construction projetée a pour effet d'augmenter la circulation sur une voie qui ne s'y prête pas ; que, pour apprécier l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de cette disposition, le juge tient compte de la gravité et de prévisibilité du risque, des précautions prises pour éviter sa survenance, mais aussi du fait que le demandeur a été convenablement informé et invité à prendre les mesures de sécurité nécessaires ;

- qu'au cours de l'enquête publique qui a précédé l'approbation du plan local d'urbanisme, M. B...a demandé que sa parcelle A 411 soit constructible pour un quart de sa superficie ; qu'il a été fait droit à sa demande, le classement UB appliqué à plus du quart de sa parcelle permettant la construction d'une maison individuelle d'habitation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 octobre 2012, présenté pour M. A...B..., domicilié ... qui conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Cusy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B...soutient :

- que la commune de Cusy n'a, à aucun moment, justifié le classement en zone A d'une partie de cette parcelle par les orientations du schéma de cohérence territoriale du pays albanais ; que ce document justifie le renforcement des bourgs afin d'assurer la croissance démographique des villages et de conserver leurs équipements et services de proximité ; que ces orientations, qui imposent l'accueil d'une population nouvelle autour des chefs-lieux impliquait, pour les communes, de prévoir des terrains constructibles afin de l'accueillir ; que, de par sa situation, la parcelle 411 se prête à un développement du bourg de Cusy, voulu par cette orientation ; que l'opération envisagée était compatible avec une diminution de la superficie de terrain consommée par chaque construction, également prescrite par le schéma de cohérence territoriale ; que la nécessité de respecter cette orientation n'a pas motivé la réponse négative à la demande de certificat d'urbanisme ; que cette parcelle n'appartient ni à un grand espace agricole identifié par ce document, ni à une urbanisation de piémont ;

- qu'en classant, postérieurement à l'enquête publique, une partie de la parcelle A 411 en zone U, la commune a reconnu l'appartenance de cette parcelle aux secteurs urbanisés qui la jouxtent ; que ce reclassement n'a été contesté ni par l'Etat, dans le cadre du contrôle de la légalité des actes, ni par une association ; que le classement étant illégal, il convient de se référer au plan d'occupation des sols antérieurement opposable, qui classait en zone UC l'ensemble de la parcelle A 411, qui est desservie par tous les équipements publics ;

- que la parcelle A 411 constitue une " dent creuse ", comprise entre la route départementale, située au Sud, à laquelle la collectivité gestionnaire interdit l'accès, et les espaces urbanisés situés à l'Ouest et à l'Est ; que la protection des terres agricoles ne concerne que les terrains qui présentent un intérêt pour l'activité agricole ou pour une exploitation existante pérenne, ce qui n'est pas le cas ; que le classement de cette parcelle en zone A ne se justifie pas par son intérêt paysager, qui aurait impliqué son classement en zone N ; que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme souligne que le secteur de Balevaz, où se situe la parcelle A 411, correspond à un " paysage résidentiel " ; que la route départementale n° 3 est considérée dans ce document comme une ligne de force moins puissante, ce qui sous-entend que le secteur ne présente, sur le plan paysager comme sur le plan de l'intérêt agricole, aucun enjeu à l'échelon communal ; que la partie de cette parcelle classée en zone agricole accueille un transformateur d'électricité ; que le plan de zonage, qui n'a pas tenu compte du bâti existant, ne fait pas apparaître les constructions implantées sur les parcelles 259 et 262, situées de l'autre côté de la route, sur la parcelle 410, en limite séparative de la parcelle 411 et sur les parcelles A 1372 et 1175 ; qu'une photographie aérienne confirme l'enclavement, dans le tissu urbain, de la parcelle A 411, par ailleurs desservie par tous les équipements publics et par le chemin des Covasses, et qui ne peut dès lors être considérée comme étrangère au bâti qui l'entoure ; qu'aucun élément ne justifie le partage de la parcelle entre la zone A et la zone U, le reliquat laissé en zone agricole ne présentant, par sa superficie limitée à 2 769 m², aucun enjeu pour la défense des intérêts agricoles ; que le classement en zone constructible, appliqué par le précédent plan d'occupation des sols, est conforme aux dispositions de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme qui impose l'urbanisation en continuité des bourgs, villages, hameaux, et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants ; que de plus, la parcelle, non exploitée, ne fait l'objet d'aucun bail ; qu'il n'existe aucune exploitation agricole à proximité ; qu'à l'inverse, le classement en zone A de cette parcelle dépourvue d'intérêt agronomique n'est justifié ni par les dispositions des articles L. 123-1-5° ou L. 123-1-9° du code de l'urbanisme, ni par celles de l'article R. 123-7 du même code ; que le règlement de la zone UC, antérieurement applicable à l'ensemble de la parcelle, permettait la division en deux lots constructibles faisant l'objet de la demande de certificat d'urbanisme ;

- que l'opération envisagée ne compromet pas la desserte actuelle des parcelles bâties n° A 765 et A 1347, notamment, le chemin d'accès, dont la largeur est suffisante pour le passage des engins agricoles, ne pouvant justifier ni le classement du terrain en zone agricole, ni la réponse négative à la demande de certificat d'urbanisme ; que la commune n'écarte pas la possibilité d'élargir ce chemin rural ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2013 :

- le rapport de M. Bézard, président ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me C...représentant Me Ballaloud, avocat de M. B...;

1. Considérant que le maire de Cusy (Haute-Savoie) a délivré, le 25 mars 2008 à M. A... B...un certificat d'urbanisme déclarant non réalisable un projet de division en deux lots, en vue de la réalisation d'un projet de construction, sur sa parcelle cadastrée A 411 ; que, par un jugement du 7 juin 2012, le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de M. B..., annulé ce certificat d'urbanisme négatif en retenant l'exception d'illégalité du plan local d'urbanisme, en tant qu'il classe cette parcelle en zone A, et en jugeant non fondée l'application, par le maire, des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que la commune de Cusy relève appel du jugement ;

Sur la légalité du certificat d'urbanisme délivré le 25 mars 2008 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus.(...) " ;

3. Considérant que la parcelle A 411 appartenant à M.B..., d'une superficie totale de 4 019 m2 sur laquelle, après division, il projette d'édifier deux maisons est classée en zone A inconstructible pour une superficie de 2 769 m² et en zone UB constructible pour 1 250 m² ; que le maire de Cuzy s'est notamment fondé sur le classement partiel de ladite parcelle en zone A pour délivrer un certificat d'urbanisme négatif à M.B... ;

4. Considérant que le schéma de cohérence territoriale de l'Albanais sur lequel s'appuie la détermination du zonage arrêté par le plan local d'occupation des sols de la commune de Cusy est nettement orienté en faveur d'un mouvement de densification des bourgs et des hameaux en prohibant l'étirement linéaire de l'urbanisation par le maintien de coupures vertes entre les villages, pôles et hameaux en vue de sauvegarder le caractère rural des perspectives paysagères en évitant leur banalisation ; que la seule circonstance qu'un quart environ de la parcelle A 411 ait été classé en zone UB désormais construite ne justifie pas automatiquement un même classement pour la partie classée en zone A de cette même parcelle, laquelle, alors même qu'elle est située dans le rapport de présentation dans un secteur d'urbanisation diffuse, forme néanmoins, d'après les documents graphiques du plan local d'urbanisme, un couloir non bâti reliant deux vastes secteurs naturels et agricoles et ne constitue pas, dès lors, un pôle d'urbanisation fort devant être densifié selon le parti d'urbanisme adopté par la commune, mais une coupure d'urbanisation devant, selon un autre parti d'urbanisme adopté par la commune, être préservé ; que la présence sur des photographies récentes de bâtiments situés à l'intérieur du couloir susvisé n'est pas de nature à faire regarder la parcelle litigieuse comme une " dent creuse " en l'absence de précision d'une part, sur la nature de ces bâtiments et, d'autre part, sur leur existence à la date d'approbation du plan local d'urbanisme ; que l'absence actuelle d'exploitation agricole sur le terrain en cause et la desserte par les réseaux et par la voie dénommée le " chemin des Covasses ", n'étaient pas, à eux seuls, de nature à faire obstacle à son classement en zone A ; qu'il s'ensuit que c'est à tort que les premiers juges ont accueilli l'exception d'illégalité invoquée par M. B...et tirée de ce que le classement d'une partie de la parcelle A 411 en zone A était entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant que pour les motifs exposés ci-dessus le maire de la commune de Cusy était fondé à opposer à M. B...le classement du terrain litigieux en zone A et, pour ce seul motif, à lui délivrer un certificat d'urbanisme négatif ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 7 juin 2012 doit être annulé et la demande présentée par M. B...devant cette juridiction annulée ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que M.B..., qui succombe dans l'instance, puisse obtenir le remboursement des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. B...à verser la somme de 1 500 euros à la commune de Cusy sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802401 du tribunal administratif de Grenoble en date du 7 juin 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...B...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée ainsi que le surplus des conclusions qu'il a présentées devant la cour.

Article 3 : M. A...B...est condamné à verser la somme de 1 500 euros à la commune de Cusy en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cuzy et à M. A...B....

Délibéré après l'audience du 26 novembre 2013, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Bézard, président,

M. Picard, président-assesseur.

Lu en audience publique, le 17 décembre 2013.

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N° 12LY02063

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY02063
Date de la décision : 17/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-025 Urbanisme et aménagement du territoire. Certificat d'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Alain BEZARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DROITS ET TERRITOIRES - VIGNOT JEAN-CHARLES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-12-17;12ly02063 ?
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