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27/02/2014 | FRANCE | N°13LY00041

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 février 2014, 13LY00041


Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2013 présentée pour la commune de Bellerive-sur-Allier, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Bellerive-sur-Allier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102221 du 20 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté en date du 10 novembre 2011 par lequel le préfet de l'Allier a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Bellerive-sur-Allier, les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compag

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Vu la requête, enregistrée le 7 janvier 2013 présentée pour la commune de Bellerive-sur-Allier, représentée par son maire en exercice ;

La commune de Bellerive-sur-Allier demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102221 du 20 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté en date du 10 novembre 2011 par lequel le préfet de l'Allier a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Bellerive-sur-Allier, les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière, nécessaires à la réalisation du projet d'aménagement d'un parking et a condamné l'Etat à verser à la SARL Compagnie immobilière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de mettre à la charge de la SARL Compagnie immobilière une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Bellerive-sur-Allier soutient que :

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que la société Compagnie avait soulevé une exception d'illégalité de la déclaration d'utilité publique à l'occasion de sa contestation de l'arrêté de cessibilité contre lequel elle n'a soulevé aucun moyen propre ;

- c'est au terme d'une appréciation erronée des faits que le Tribunal a considéré que le périmètre de la déclaration d'utilité publique était disproportionné alors que l'acquisition de l'ensemble des parcelles était requise pour permettre la réalisation du projet portant sur la réhabilitation d'une ferme, nécessitant un soin particulier pour l'insertion du parking dans son environnement ;

- le Tribunal a apprécié en fait l'opportunité du projet de la ferme modèle et du château du Bost et s'est substitué à la commune dans l'appréciation de son rôle de maître d'ouvrage ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 6 juin 2013 fixant la clôture d'instruction au 24 juin 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2013, présenté pour la société à responsabilité Compagnie immobilière, dont le siège est domaine de Berthaud, Saint Gilles (30800), représentée par son gérant en exercice, qui conclut au rejet de la requête de la commune de Bellerive-sur-Allier, à la confirmation de l'annulation de l'arrêté de cessibilité du préfet de l'Allier du 10 novembre 2008 et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de Bellerive-sur-Allier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La SARL Compagnie immobilière soutient que :

- sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 10 novembre 2011 de cessibilité des parcelles cadastrées section AW, nos 148, 149 et 150 lui appartenant, était parfaitement recevable dès lors que le Tribunal avait été expressément saisi d'une exception d'illégalité de l'arrêté du 5 octobre 2011 portant déclaration d'utilité publique du projet d'aménagement de la ferme modèle et du château du Bost ;

- l'annulation prononcée par le Tribunal de l'arrêté de cessibilité du 10 novembre 2011 devra être confirmée du fait de l'absence d'utilité publique de l'opération d'aménagement de la ferme modèle et du château du Bost et du détournement de pouvoir opéré par la commune ; que, d'une part, le projet qui a fait l'objet de l'enquête publique et qui a abouti à la déclaration d'utilité publique ne portait que sur des emplacements de stationnement d'une dimension limitée ; que, d'autre part, la commune de Bellerive-sur-Allier ne peut prétendre pour justifier a posteriori, après enquête publique, la prétendue nécessité de disposer d'une emprise supérieure, produire des études réalisées à sa seule demande ; qu'à aucun moment le Tribunal ne s'est substitué à l'autorité administrative pour apprécier en opportunité l'existence d'une utilité publique mais, à l'inverse, a uniquement exercé le contrôle normal qui lui incombe, celui de vérifier l'utilité publique et la proportionnalité de la mesure d'expropriation permise par l'intervention de cette décision ;

- le détournement de pouvoir est avéré dès lors que l'utilisation de la procédure d'expropriation visait en fait un intérêt purement financier en permettant à la commune d'acquérir à bas coût les parcelles concernées ;

Vu le mémoire, enregistré le 8 juillet 2013, présenté pour la commune de Bellerive-sur-Allier qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par la reprise des mêmes moyens ;

La commune de Bellerive-sur-Allier soutient, en outre, que le moyen de l'intimée tiré du détournement de pouvoir commis par la commune devra être écarté dès lors que le prix proposé par la commune est sans incidence sur la validité de l'arrêté attaqué et qu'il appartiendra à la SARL Compagnie immobilière de faire valoir le moment venu ses prétentions devant le juge de l'expropriation ;

Vu l'ordonnance en date du 9 juillet 2013 reportant la clôture de l'instruction au 14 août 2013 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 1er octobre 2013 rouvrant l'instruction jusqu'au 20 décembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au ministre de l'intérieur qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...B..., représentant la commune de Bellerive-sur-Allier ;

1. Considérant que par une délibération du 7 décembre 2010, le conseil municipal de la commune de Bellerive-sur-Allier a sollicité l'ouverture d'une enquête publique conjointe préalable à la déclaration d'utilité publique et parcellaire relative à un projet de valorisation patrimoniale, dite de la " Ferme modèle ", pour lequel était prévue la création d'un parc de stationnement sur les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière ; qu'à l'issue de cette enquête, qui s'est déroulée du 11 avril au 13 mai 2011, le commissaire enquêteur a formulé, le 8 juin 2011, un avis favorable à cette opération ; que par arrêté du 5 octobre 2011, le préfet de l'Allier a prononcé la déclaration d'utilité publique dudit projet ; que l'acquisition des parcelles précitées n'ayant pu se faire à l'amiable, le préfet de l'Allier, sur demande du maire de Bellerive-sur-Allier, les a alors déclarées cessibles au profit de la commune par arrêté du 10 novembre 2011 ; que par la requête du 7 décembre 2011, la SARL Compagnie immobilière a demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer l'annulation de ce dernier arrêté ; que la commune de Bellerive-sur-Allier demande à la Cour d'annuler le jugement du 20 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté en date du 10 novembre 2011 par lequel le préfet de l'Allier a déclaré cessibles, pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Bellerive-sur-Allier, les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière et a condamné l'Etat à verser à la SARL Compagnie immobilière une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la légalité de l'arrêté du préfet de l'Allier du 10 novembre 2011 déclarant cessibles pour cause d'utilité publique les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Bellerive-sur-Allier a eu pour projet, afin notamment de renforcer son attractivité touristique, de mettre en valeur une ferme bourbonnaise du 19ème siècle implantée en son centre-ville, appelée " la ferme modèle ", dont le fonctionnement et l'animation seraient confiés à un maraîcher ; que la réalisation de ce projet nécessitait la création d'un parking d'une trentaine de places pour accueillir les véhicules des visiteurs ; que la commune ne disposant pas à proximité de " la ferme modèle " des terrains adéquats pour pouvoir réaliser un tel aménagement dans le respect des critères de sécurité requis pour les usagers, elle a souhaité acquérir les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière ; que faute d'accord amiable, la commune a sollicité le préfet de l'Allier afin qu'il déclare l'opération d'utilité publique, ce qui a été décidé par arrêté préfectoral du 5 octobre 2011 ; que, par arrêté du 10 novembre 2011, le préfet a déclaré cessibles les parcelles litigieuses ; que la SARL Compagnie immobilière a contesté l'arrêté du 10 novembre 2011 en excipant de l'illégalité de la déclaration d'utilité publique du 5 octobre 2011 ;

3. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

4. Considérant que pour déclarer illégal l'arrêté en date du 10 novembre 2011 par lequel le préfet de l'Allier a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Bellerive-sur-Allier les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a estimé que si l'emprise du parc de stationnement envisagé portait sur l'ensemble des parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150, ce qui représente selon l'arrêté de cessibilité attaqué une surface totale de 2 815 m², seule une partie de cette surface, au plus 60 %, était effectivement affectée au stationnement des véhicules et que, par suite, eu égard à la différence sensible entre la superficie requise par la construction du parking et les 2 815 m² expropriés, la SARL Compagnie immobilière était fondée à soutenir que l'opération en cause portait sur une surface beaucoup plus importante que celle nécessaire à la réalisation de cet équipement et ne pouvait déclarée d'utilité publique ;

5. Considérant, toutefois, qu'il ressort des pièces du dossier que le parking projeté répartit l'emplacement des places de stationnement de part et d'autre d'une allée centrale, le reste de la surface expropriée étant aménagé en espaces arborés ou sous la forme d'une esplanade destinée à l'organisation d'animations commerciales ou culturelles ; que cette esplanade, comme l'ensemble des surfaces plantées d'arbres ainsi que les cheminements piétonniers réalisés dans le cadre de ce projet, a été dessinée afin de restructurer l'espace situé devant la ferme modèle et de créer une perspective mettant en valeur le bâtiment qui l'abrite, dont l'intérêt architectural est reconnu, par un environnement arboré soigné ; qu'il ressort de même des pièces du dossier, que la commune n'avait pas à sa disposition d'autres espaces que ceux visés par la déclaration d'utilité publique contestée pour organiser un espace paysager devant la ferme modèle et qu'elle ne pouvait réaliser son projet sans utiliser la totalité des parcelles concernées ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a fait droit à l'exception d'illégalité opposée par la SARL Compagnie immobilière et a annulé l'arrêté du préfet de l'Allier du 10 novembre 2011 ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par la SARL Compagnie immobilière devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et devant la Cour ;

8. Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, le prix des parcelles étant fixé en dernier lieu non par la commune mais par le juge de l'expropriation ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Bellerive-sur-Allier est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé l'arrêté en date du 10 novembre 2011 par lequel le préfet de l'Allier a déclaré cessibles pour cause d'utilité publique au profit de la commune de Bellerive-sur-Allier, les parcelles cadastrées section AW nos 148, 149 et 150 appartenant à la SARL Compagnie immobilière ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Bellerive-sur-Allier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL Compagnie immobilière demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la commune de Bellerive-sur-Allier présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 novembre 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la SARL Compagnie immobilière devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Bellerive-sur-Allier tendant à la condamnation de la SARL Compagnie immobilière au paiement des frais exposés par elle et non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Compagnie immobilière, au ministre de l'intérieur et à la commune de Bellerive-sur-Allier.

Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 6 février 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Gazagnes, président-assesseur,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 27 février 2014.

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N° 13LY00041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY00041
Date de la décision : 27/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence - Opérations d'aménagement urbain.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles de procédure contentieuse spéciales - Pouvoirs du juge - Moyens - Acte déclaratif d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : DEVES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-02-27;13ly00041 ?
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