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03/06/2014 | FRANCE | N°13LY02993

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 03 juin 2014, 13LY02993


Vu la décision n° 347665 du 6 novembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour n° 09LY00771 du 18 janvier 2011 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par la SCI Chamer à l'encontre de la commune de Méribel les Allues et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la Cour ;

Vu l'arrêt susvisé par lequel la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2009 et condamné la commune de Méribel les Allues à payer à la SCI Chamer une indemnité de 2 433 euros, re

jetant le surplus des conclusions présentées par cette dernière ;

Vu le...

Vu la décision n° 347665 du 6 novembre 2013 par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt de la Cour n° 09LY00771 du 18 janvier 2011 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par la SCI Chamer à l'encontre de la commune de Méribel les Allues et a, dans cette mesure, renvoyé l'affaire à la Cour ;

Vu l'arrêt susvisé par lequel la Cour a annulé le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2009 et condamné la commune de Méribel les Allues à payer à la SCI Chamer une indemnité de 2 433 euros, rejetant le surplus des conclusions présentées par cette dernière ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er avril 2014, présenté pour la SCI Chamer qui conclut à la confirmation de l'arrêt susvisé en tant que la Cour a condamné la commune de Méribel les Allues au versement d'une indemnité et, en outre, à ce que l'indemnité mise à la charge de cette collectivité soit portée à la somme totale de 275 722,57 euros en réparation de son préjudice, majorée des intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2005 et de la capitalisation des intérêts à partir du 11 avril 2008 et qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Méribel les Allues au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient par ailleurs que la commune a commis une faute et qu'elle n'a elle-même commis aucune faute exonératoire ; qu'au titre des honoraires d'architecte, elle a droit à une somme de 4 866 euros et non seulement 2 433 euros ; qu'elle a acquis son terrain 239 009,57 euros et l'a revendu 15 750 euros, sa perte étant de 223 259,57 euros; que ses frais financiers s'élèvent à 47 597 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 4 avril 2014, présenté pour la commune de Méribel les Allues, qui conclut principalement au rejet de la requête de la commune de la SCI Chamer, au rejet de l'ensemble des conclusions complémentaires présentées par celle-ci devant la Cour et, subsidiairement, à ce qu'une part de responsabilité soit laissée à la charge de la SCI Chamer et, plus subsidiairement, que l'indemnisation encourue soit limitée, une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative devant en toute hypothèse être mise à la charge de cette SCI ;

Elle expose que la prescription quadriennale doit jouer ; qu'elle n'a commis aucune faute ; que la SCI a commis une faute exonératoire, compte tenu en particulier de la qualité de professionnels de la SCI, du géomètre expert et du notaire ; que la somme allouée au titre des honoraires d'architecte est justifiée ; que la vente du terrain est intervenue à vil prix ; que rien ne permet de dire que la SCI était assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ; que les frais financiers n'ont pas à être pris en compte ;

Vu l'ordonnance en date du 7 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 28 avril 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 avril 2014, présenté pour la SCI Chamer, qui persiste dans ses précédents moyens et conclusions, soutenant en outre que la prescription quadriennale a été définitivement tranchée par le Conseil d'Etat ; que la commune a bien commis une faute et qu'elle n'a, elle-même, commis aucune faute exonératoire ; que son terrain n'a pas été cédé à vil prix ; qu'elle a exposé le paiement de la TVA dont elle ne pourra pas récupérer le montant ; qu'elle peut être indemnisée des frais financiers encourus ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 14 et 26 mai 2014, présentées pour la SCI Chamer ;

Vu les notes en délibéré, enregistrées les 22 et 30 mai 2014, présentées pour la commune des Allues ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 2014 :

- le rapport de M. Picard, président-rapporteur ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me Barraquand, avocat de la SCI Chamer, et celles de Me Xynopoulos, avocat de la commune des Allues ;

1. Considérant que M. A...B..., qui a conclu en janvier 1997 une promesse de vente en vue de l'acquisition d'un terrain situé au lieudit " Dessus l'Adret " constitué de parcelles cadastrées n° 85, 379, 384, 386 et 389, d'une superficie totale de 985 m2 sur le territoire de la commune des Allues, a obtenu du maire de cette commune la délivrance, le 13 novembre 1997, d'un certificat d'urbanisme positif indiquant que, à l'exception des parcelles n° 379, 384, 386 comprises en secteur non aedificandi, le terrain était constructible sous les seules réserves qu'il n'était pas desservi par la voirie et que, l'isolement par les pistes de ski rendant l'accès impossible en hiver, il serait fait application des dispositions du code de l'urbanisme relatives au paiement de la participation financière correspondant aux places de stationnement manquantes ; que créée ultérieurement par M.B..., la SCI Chamer, qui a acquis la propriété de ce terrain, a obtenu le 16 juillet 1999 le permis d'y édifier un chalet ; que par un jugement du 29 décembre 1999, confirmé par un arrêt de la Cour du 2 novembre 2004, aujourd'hui définitif, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ce permis par le motif que les parcelles concernées, situées à plus de cent mètres d'une voie déneigée, ne permettaient pas, contrairement aux prescriptions de l'article UD 3.2.1 du règlement du plan d'occupation de sols, de garantir l'accès des constructions aux services de lutte contre l'incendie ; que, se fondant sur le caractère erroné du certificat d'urbanisme mentionné plus haut, la SCI Chamer a recherché la responsabilité de la commune devant le Tribunal administratif de Grenoble qui, par un jugement du 29 janvier 2009, a rejeté sa demande ; que, par un arrêt du 18 janvier 2011, la Cour a annulé ce jugement, retenu la responsabilité de la commune à hauteur de 50 %, limitant à 2 433 euros l'indemnité accordée à la SCI ; que la SCI s'est pourvu en cassation contre cet arrêt et la commune des Allues a formé un pourvoi incident ; que, par la décision susvisée du 6 novembre 2013, le Conseil d'Etat a rejeté le pourvoi incident de la commune mais censuré l'arrêt de la Cour en tant qu'il avait rejeté le surplus des conclusions indemnitaires présentées par la SCI Chamer et renvoyé l'affaire à la Cour ;

2. Considérant que, par l'arrêt susvisé du 18 janvier 2011, la Cour a définitivement jugé que l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune devait être écartée ; que le moyen, de nouveau invoqué par la commune, tiré de ce que la créance de la SCI Chamer serait prescrite ne peut donc qu'être écarté ;

3. Considérant par ailleurs que la commune des Allues n'est pas davantage fondée à soutenir qu'elle serait exempte de toute responsabilité à l'égard de la SCI Chamer alors que, pour écarter son pourvoi incident, le Conseil d'Etat, par sa décision du 6 novembre 2013, a précisément estimé que la Cour n'avait commis aucune erreur de droit en jugeant que la délivrance par le maire des Allues d'un certificat d'urbanisme erroné était de nature à engager la responsabilité de la commune ;

4. Considérant toutefois que, sur le pourvoi principal de la SCI Chamer, le Conseil d'Etat a estimé que, pour retenir l'existence d'une faute de cette société " de nature à limiter à 50 % la part de responsabilité de la commune, la Cour s'est fondée sur la circonstance qu'en acquérant le terrain en dépit d'un certificat d'urbanisme mentionnant son enclavement par les pistes de ski et les conditions particulières de desserte en découlant, la société avait commis une imprudence ; qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait auparavant relevé que le certificat déclarait le terrain constructible, sans que les mentions relatives à l'enclavement et aux conditions de desserte soient présentées comme susceptibles de faire obstacle à la délivrance du permis, et qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que l'intéressé était un acheteur non-professionnel et que la plupart des terrains voisins, placés dans des conditions similaires, étaient déjà construits, la Cour a inexactement qualifié les faits de la cause " ;

5. Considérant ainsi que, eu égard au caractère précis et sans ambigüité du certificat d'urbanisme mentionné précédemment, qui affirmait le caractère constructible du terrain en litige, aucune faute d'imprudence ne pouvait être imputée à la SCI Chamer ; que si la commune des Allues persiste à soutenir que cette société, assistée de son géomètre expert et de son notaire, aurait commis une faute de nature à l'exonérer, au moins partiellement, de la responsabilité encourue, aucune des circonstances dont elle se prévaut, en particulier l'absence de discernement dont aurait fait preuve la SCI, n'est de nature à caractériser un tel manquement ; que par suite, et alors que la SCI Chamer n'est pas un professionnel de l'immobilier, aucune part de responsabilité n'est susceptible d'être laissée à sa charge ; que, en conséquence, la responsabilité de la commune des Allues est intégralement engagée à son égard ;

6. Considérant que la SCI Chamer, alors même qu'elle n'avait pas manifesté l'intention de revendre le terrain en cause, désormais inconstructible dans son ensemble, a droit au remboursement des frais qu'elle a exposés pour son acquisition au prix de 198 184 euros, déduction faite de sa valeur vénale ; que, eu égard à l'inconstructibilité d'une partie de ce terrain, dont faisait état le certificat d'urbanisme du 13 novembre 1997, ainsi qu'au prix du terrain inconstructible tel qu'il ressort d'une expertise immobilière produite par la SCI Chamer, et non sérieusement contestée, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice, dont il y a lieu d'exclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, faute pour cette société de démontrer l'impossibilité pour elle de la récupérer, en l'évaluant à la somme de 53 698 euros ;

7. Considérant que la société a droit au remboursement des frais financiers afférents aux dépenses d'acquisition du terrain en question ; que, compte tenu de la part des apports de la SCI Chamer pour l'achat de ce terrain, le montant des frais ainsi exposés, qui trouvent directement leur origine dans la faute commise par la commune, s'élève à 31 731 euros ;

8. Considérant que la SCI justifie avoir exposé en pure perte la somme de 4 866 euros d'honoraires d'architecte afférents à la conception du projet et au dépôt de la demande de permis de construire ; que ce préjudice procède directement de l'illégalité fautive commise par la commune, alors même qu'il se rattacherait également à la faute résultant de la délivrance le 16 juillet 1999 d'un permis de construire irrégulier ; qu'il y a lieu d'allouer cette somme à la SCI Chamer ;

9. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la commune des Allues à payer à la SCI Chamer une indemnité totale de 90 295 euros ;

10. Considérant que la société a droit aux intérêts au taux légal sur la somme qui lui est due à compter du 24 mars 2005, date de réception par la commune de sa demande préalable ; que la capitalisation des intérêts a été demandée pour la première fois dans un mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif le 11 avril 2008 ; que les intérêts échus seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

11. Considérant que les conclusions de la commune des Allues tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, dès lors qu'elle est partie perdante ; que sur le fondement des mêmes dispositions il y a lieu de mettre à sa charge le versement à la SCI Chamer d'une somme de 1 200 euros ;

DECIDE :

Article 1er : La commune des Allues est condamnée à payer à la SCI Chamer une indemnité de 90 295 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 mars 2005. Les intérêts échus le 11 avril 2008 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts ainsi qu'à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 2 : La commune des Allues versera à la SCI Chamer une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Chamer et à la commune des Allues.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2014, à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de la formation de jugement,

M. Chenevey, premier conseiller,

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 juin 2014.

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N° 13LY02993

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02993
Date de la décision : 03/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-05 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services de l'urbanisme.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP BARRAQUAND LAPISARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-03;13ly02993 ?
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