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16/10/2014 | FRANCE | N°14LY00403

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 14LY00403


Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014 au greffe de la Cour, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1305081 du 30 décembre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 27 mai 2013 qui a refusé à M. E...D...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ;

Le préfet soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que la commiss

ion du titre de séjour devait être saisie car M. D...B...ne justifie ni d'un visa de...

Vu la requête, enregistrée le 13 février 2014 au greffe de la Cour, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1305081 du 30 décembre 2013 en tant que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 27 mai 2013 qui a refusé à M. E...D...B...la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ;

Le préfet soutient que c'est à tort que le Tribunal administratif a jugé que la commission du titre de séjour devait être saisie car M. D...B...ne justifie ni d'un visa de long séjour ni d'une entrée régulière en France pour pouvoir bénéficier d'un visa de long séjour sur place ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 30 avril 2014 fixant la clôture d'instruction au 23 juin 2014 à 16 heures 30, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juin 2014, présenté pour M. E...D...B..., qui conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'Etat au remboursement d'une somme de 13 euros au titre des dépens ;

Il soutient que :

- c'est à bon droit que le Tribunal a jugé que la commission du titre de séjour devait être saisie car il remplit les conditions de l'article L. 313-11 4° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; au surplus, étant entré en France de manière régulière, il n'aurait pas dû se voir refuser la délivrance d'un visa de long séjour par les services préfectoraux conformément aux dispositions du 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code ; un visa de long séjour ne pouvait lui être refusé car il n'entrait pas dans les cas visés au 4ème alinéa de cet article permettant de refuser la délivrance d'un visa de long séjour au conjoint d'un ressortissant français ;

- il remplit les conditions prévues par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour l'obtention d'un titre de séjour en qualité de conjoint d'un ressortissant français ;

- l'arrêté attaqué, qui rend impossible à court terme le maintien de la vie commune avec son épouse, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance en date du 26 juin 2014 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 22 juillet 2014 fixant la clôture de l'instruction au 22 août 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application des articles L.732-1 et R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Mear, président ;

1. Considérant que M. E...D...B..., ressortissant dominicain, né le 19 mai 1984, a sollicité un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française ; que, par arrêté du 27 mai 2013, le préfet de la Haute-Savoie a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi au motif qu'il ne justifie pas d'un visa de long séjour et, dès lors, d'une entrée régulière sur le territoire français ; que par jugement du 30 décembre 2013 le Tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté ; que le préfet de la Haute-Savoie relève appel de ce jugement ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant que le Tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté litigieux au motif qu'il est entaché d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour ; qu'il a jugé que cette commission devait être saisie en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car M. D...B...remplissait effectivement les conditions pour prétendre à la délivrance de plein droit de la carte de séjour prévue au 4° de l'article L. 313-11 du même code alors même qu'il ne justifiait pas d'un visa de long séjour ;

3. Considérant, d'une part, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 312-2 du même code : " Le préfet ou, à Paris, le préfet de police saisit pour avis la commission lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler l'un des titres mentionnés aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 à l'étranger qui remplit effectivement les conditions qui président à leur délivrance " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 312-2, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de l'article L. 312-2 renvoient ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 de ce code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour "compétences et talents" sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ; qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour, délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 ; que, dès lors, compte tenu de ce qui a été dit au point 3, le préfet peut refuser une telle carte de séjour en se fondant sur le défaut de production par l'étranger d'un visa de long séjour sans avoir à saisir au préalable la commission du titre de séjour ;

5. Considérant que M. D...B...ne justifie pas d'un visa de long séjour ; que, dès lors, il ne remplissait pas l'ensemble des conditions prescrites par le 4° de l'article L. 313-11 pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que, par suite, le préfet n'était pas légalement tenu, avant de lui opposer un refus de séjour, de consulter la commission du titre de séjour ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que pour annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie en date du 27 mai 2013, le Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur le motif tiré de ce que cet arrêté est entaché d'un vice de procédure pour défaut de saisine de la commission du titre de séjour ;

7. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...B...devant le Tribunal administratif de Grenoble et devant la Cour ;

8. Considérant qu'aux termes des 1er et 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois donne lieu à la délivrance par les autorités diplomatiques et consulaires d'un récépissé indiquant la date du dépôt de la demande. (...) Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public " ; qu'aux termes du 6ème alinéa de ce même article : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

9. Considérant que M. D...B...ne peut utilement faire valoir qu'un visa de long séjour ne peut lui être refusé en application des dispositions précitées des 1er et 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par le préfet dès lors que ces dispositions ne sont applicables qu'au ressortissant étranger, conjoint d'un ressortissant français, qui sollicite à l'étranger l'obtention d'un visa de long séjour auprès des autorités consulaires ou diplomatiques ;

10. Considérant que si M. D...B...fait valoir que le préfet de la Haute-Savoie aurait dû lui accorder un visa de long séjour car il serait entré régulièrement en France, il n'en justifie pas en se bornant à faire valoir qu'il résiderait à proximité de la frontière suisse ; que s'il ne précise pas dans son mémoire en défense la date de sa dernière entrée sur le territoire français, il a toutefois indiqué dans sa demande de titre de séjour être entré en France en mai 2012 et s'est prévalu, devant les premiers juges, de la détention d'un visa Schengen de type C, d'une durée de trente jours, valable à compter du 21 octobre 2011, et de cartes d'embarquement d'une compagnie aérienne en date des 27 et 28 octobre 2011 pour des trajets de Santo Domingo à Madrid et de Madrid à Paris ; que, cependant, s'il entend soutenir être entré régulièrement en France le 28 octobre 2011 il ne l'établit pas par la seule production des documents présentés et ne justifie pas davantage d'une entrée régulière en mai 2012 ; que, par suite, il n'est pas fondé à soutenir que les dispositions précitées du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

11. Considérant qu'à défaut de justification de l'obtention d'un visa de long séjour, M. D... B...n'est pas fondé à soutenir que les dispositions du 4° l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

13. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...B...a épousé Mme A...C..., ressortissante française, le 6 septembre 2012 ; que s'il ne fait pas état devant la Cour d'une date d'entrée en France, il a indiqué dans sa demande de titre de séjour être entré en France en mai 2012 ; que, dans ces conditions, compte tenu du caractère récent de son mariage et de son séjour sur le territoire français, M. D...B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 27 mai 2013 ;

Sur les conclusions de M. D...B...tendant à la condamnation de l'Etat au paiement des dépens :

15. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction issue du décret n° 2011-1202 du 28 septembre 2011 : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens";

16. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la charge des dépens à M. D...B..., partie perdante ;

Sur les conclusions de M. D...B...présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

17. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a, dans la présente instance, ni la qualité de partie perdante ni celle de partie tenue aux dépens, verse à M. D...B...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble en date du 30 décembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...B...devant le Tribunal administratif de Grenoble et le surplus des ses conclusions devant la Cour sont rejetés.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Haute-Savoie, à M. E...D...B...et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 25 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, conseiller.

Lu en audience publique le 16 octobre 2014.

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N° 14LY00403

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00403
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEAR
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: Mme CHEVALIER-AUBERT
Avocat(s) : COSTA et MLADENOVA-MAURICE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-16;14ly00403 ?
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