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18/12/2014 | FRANCE | N°13LY01980

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2014, 13LY01980


Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004862 du 24 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Grenoble soit condamné à lui verser une indemnité de 24 515 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes en lien avec une intervention d'extraction dentaire pratiquée dans cet établissement le 25 février 1994 ;

2°) d'ordonner une mesure d'expe

rtise médicale confiée à un spécialiste en chirurgie dentaire et stomatologie et à u...

Vu la requête, enregistrée le 24 juillet 2013, présentée pour Mme A...B..., domiciliée ... ;

Mme B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004862 du 24 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à ce que le centre hospitalier universitaire de Grenoble soit condamné à lui verser une indemnité de 24 515 euros en réparation des préjudices subis en raison des fautes en lien avec une intervention d'extraction dentaire pratiquée dans cet établissement le 25 février 1994 ;

2°) d'ordonner une mesure d'expertise médicale confiée à un spécialiste en chirurgie dentaire et stomatologie et à un sapiteur pour apprécier la douleur ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Grenoble à lui verser une provision de 5 000 euros ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Grenoble la somme de 2 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens ;

Elle soutient que :

- les rapports d'expertise, rédigés par un expert médecin généraliste de formation, alors que l'expertise aurait dû être confiée à un spécialiste en chirurgie dentaire et stomatologie et à un sapiteur ORL, comportent des contradictions et des inexactitudes, en particulier en ce qui concerne l'origine du corps étranger ;

- la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble est engagée pour négligence fautive lors de l'intervention du 25 février 1994, résultant de l'oubli d'un corps étranger, ainsi que lors du suivi postopératoire ; le centre hospitalier a également commis une faute résultant de l'omission à lui révéler la présence d'un corps étranger visible sur une radiographie effectuée en 2004 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 4 juillet 2013, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B... ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 septembre 2014, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Grenoble, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- la créance dont se prévaut Mme B... était prescrite, au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1968, à la date d'entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, dès lors que la date de consolidation de son état de santé a été fixée au 25 février 1996 et qu'elle n'a saisi le Tribunal administratif de Grenoble qu'au cours de l'année 2010, soit après l'expiration du délai de prescription, le 31 décembre 2000 ;

- la requérante ne saurait dénier toute compétence à l'expert, auquel ne peut davantage être reproché un défaut d'impartialité ;

- il ressort du rapport d'expertise que le corps étranger, dont il a été émis l'hypothèse qu'il est constitué d'un fragment de fraise, ne peut être en lien avec l'intervention du 25 février 1994, au cours de laquelle l'extraction de la dent n° 28 est intervenue sans recours à un fraisage ;

- l'expert a considéré que l'intervention réalisée le 25 février 1994 était licite et a été réalisée selon les règles de l'art ;

- l'absence de diagnostic de la présence d'un corps étranger, visible sur une radiographie réalisée en 2004, a été sans conséquence, dès lors que le corps étranger n'a pu être extrait par la suite ; de même, a été sans incidence le délai mis pour réaliser la radiographie de contrôle alors que la date d'introduction d'un corps étranger dans la mâchoire de Mme B... est ignorée ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 novembre 2014, présenté pour Mme B..., qui maintient les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que le délai de prescription de sa créance n'a pu courir dès lors qu'elle était dans l'ignorance de ses droits ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2014 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme B..., née en 1967, a subi, le 25 février 1994, au centre hospitalier universitaire de Grenoble, une intervention consistant en l'extraction de quatre dents de sagesse algiques, dont la dent n° 28, correspondant à la 3ème molaire supérieure gauche ; que si les suites opératoires ont été simples, Mme B..., suivie par ailleurs par son chirurgien-dentiste traitant, a ressenti des douleurs, notamment au cours d'épisodes d'hypoesthésie ou de tuméfaction jugale, sans qu'aucun examen d'imagerie médicale n'ait été pratiqué ; qu'un cliché rétro alvéolaire pratiqué le 19 avril 2006 a mis en évidence la présence d'un corps étranger radio-opaque dans la région de la dent n° 28 dont la disposition et la taille ont été déterminées lors d'un scanner maxillaire pratiqué le 21 octobre 2006 ; que Mme B... a sollicité du juge des référés du Tribunal administratif de Grenoble l'organisation d'une mesure d'expertise, confiée par une ordonnance du 6 août 2008 au Dr C..., qui a rendu son rapport le 1er décembre 2008 ; que postérieurement à ce rapport, Mme B... a subi une nouvelle intervention, pratiquée le 19 mai 2009 dans un centre hospitalier de Créteil, afin de tenter l'extraction du corps étranger, qui n'a pu être réalisée, compte tenu d'un risque de lésion directe du nerf, et au cours de laquelle a été constatée une oxydation de ce corps étranger métallique ; que le même expert, désigné par une ordonnance du juge des référés du Tribunal de grande instance de Grenoble, a rendu un nouveau rapport, le 4 mai 2010, concluant notamment à ce que le corps étranger, compte tenu de son diamètre et de son oxydation, correspondait vraisemblablement à un fragment de fraise, l'expert mentionnant toutefois ne pouvoir en préciser l'origine ; que Mme B... a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble à raison des douleurs ressenties, qu'elle impute à l'intervention pratiquée le 25 février 1994 dans cet établissement et à son suivi postopératoire ; qu'elle fait appel du jugement du 24 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la réparation par le centre hospitalier universitaire de Grenoble des conséquences dommageables de ladite intervention d'extraction dentaire et sollicite l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ;

Sur l'expertise :

2. Considérant que les circonstances que le médecin auquel ont été confiées les missions d'expertise, dont les rapports mentionnent la spécialité en chirurgie maxillo-faciale, et qui a été désigné en exécution de jugements du Tribunal administratif de Grenoble et du Tribunal de grande instance de Grenoble, ne soit pas chirurgien-dentiste et qu'il ait tiré des mentions du compte-rendu opératoire et d'une attestation rédigée par le chirurgien ayant procédé à l'extraction dentaire lors de l'intervention du 25 février 1994 la conclusion qu'aucun fraisage n'avait été pratiqué lors de cette intervention, pour en déduire que le corps étranger ne pouvait trouver son origine dans ladite intervention, après avoir relevé que ledit praticien n'avait pas mentionné la présence de ce corps étranger après un bilan réalisé en 2004 qui mettait en évidence cette présence, ne sont pas, à elles seules, de nature à établir que ledit expert, dont il ne résulte pas, par ailleurs, de l'instruction qu'il n'aurait pas fait preuve d'impartialité, n'a pas accompli sa mission, ni à remettre en cause ses conclusions, qui peuvent être critiquées de manière contradictoire, et à justifier l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Grenoble :

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise mentionnés au point 1 et du compte-rendu opératoire rédigé lors de l'intervention d'extraction dentaire pratiquée le 25 février 1994, qui, s'il mentionne un " fraisage " de l'os alvéolaire pour l'extraction des dents de sagesse inférieures, n'évoque pas l'utilisation d'une telle technique pour les dents supérieures, dont la dent 28 à proximité de laquelle a été constatée la présence du corps étranger en cause, et qui ont été extraites à l'aide d'un syndesmotome, que le chirurgien aurait fait usage, pour procéder à l'extraction de la dent 28 de Mme B..., qui n'était ni enclavée ni incluse, d'une fraise ni, par suite, que le corps étranger présent dans la région de cette dent, correspondant vraisemblablement, selon l'expert, à un fragment de fraise, habituellement réalisée en carbure de tungstène, trouverait son origine dans un bris du matériel de fraisage utilisé lors de cette intervention ; que, dès lors, Mme B... ne peut rechercher la responsabilité du centre hospitalier universitaire à raison d'une faute résultant d'un bris de ce matériel ou de l'oubli de ce corps étranger à l'issue de l'intervention ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise que si le suivi postopératoire de Mme B... a été initialement satisfaisant, aucune radiographie de contrôle n'a été réalisée dans les suites de l'intervention, nonobstant la persistance de la gêne douloureuse ; qu'il en résulte également que, alors que le corps étranger était visible au regard de l'alvéole de la dent 28 sur le bilan radiographique réalisé en 2004, le chirurgien du centre hospitalier universitaire de Grenoble a interprété ce cliché comme étant normal ; qu'il en résulte toutefois également que, même si l'existence d'un corps étranger avait été diagnostiquée plus tôt, ce diagnostic n'aurait sans doute pas abouti à une décision opératoire, alors que, depuis la mise en évidence de la présence de ce corps étranger, aucune intervention n'a conduit à une modification de l'état de santé de Mme B... et, en particulier, à une diminution de ses souffrances ; que, dès lors, Mme B... n'est pas fondée à se prévaloir des manquements commis par le centre hospitalier universitaire dans sa prise en charge postopératoire, à défaut d'un lien de causalité entre ces manquements et les dommages qu'elle subit en conséquence des souffrances endurées ;

5. Considérant, en dernier lieu, que si Mme B... soutient que le centre hospitalier universitaire aurait manqué à son obligation d'information, à raison d'omissions tant dans le compte rendu opératoire que dans l'analyse du cliché radiographique réalisé en 2004, elle n'allègue pas qu'à raison desdites omissions, elle aurait été privée d'une chance d'échapper à un risque qui se serait réalisé, ni n'établit, plus généralement, que ces omissions seraient à l'origine de préjudices dont elle serait fondée à demander réparation ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle mesure d'expertise ni de statuer sur l'exception de prescription opposée en défense par le centre hospitalier universitaire de Grenoble, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère et au centre hospitalier universitaire de Grenoble. Copie en sera communiquée à l'expert.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2014.

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N° 13LY01980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01980
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : BOUMAZA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-18;13ly01980 ?
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