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18/12/2014 | FRANCE | N°13LY03299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2014, 13LY03299


Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour Mme B...A...domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300232-13003462 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 8 novembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire et l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français da

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Vu la requête, enregistrée le 16 décembre 2013, présentée pour Mme B...A...domiciliée... ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300232-13003462 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 8 novembre 2013 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 décembre 2012 par laquelle le préfet de l'Isère a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire et l'arrêté du 7 juin 2013 par lequel le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office ;

2°) d'annuler la décision du 11 décembre 2012 et l'arrêté du 7 juin 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de la mettre en possession d'une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de ce réexamen, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État, sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

À l'encontre de la décision du 11 décembre 2012, Mme A...soutient que :

- cette décision qui a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire est insuffisamment motivée ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de fait en retenant qu'elle est de nationalité arménienne, alors qu'elle est d'origine arménienne, mais de nationalité géorgienne ;

À l'encontre de l'arrêté du 7 juin 2013, la requérante soutient que :

- le préfet n'a pas démontré la réalité de la délégation de signature au secrétaire général de préfecture ni la régularité de cette délégation ;

- cet arrêté est insuffisamment motivé ;

- le refus de titre et l'obligation de quitter le territoire ont été pris en méconnaissance de son droit à être entendue ;

- l'arrêté est entaché d'erreur de droit et dépourvu de base légale, le préfet s'étant fondé sur le 3° du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'elle n'est pas dans une situation prévue par l'article L. 511-1 et que le préfet ne pouvait refuser de lui délivrer un titre sur le fondement du 8° de l'article L. 314-11 et de l'article L. 313-13 du code précité ;

- le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire violent les articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la désignation du pays de renvoi est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de fait puisque, ainsi qu'il a été précédemment dit, elle n'est pas de nationalité arménienne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 23 janvier 2014 accordant à Mme A... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance du 9 avril 2014 prise sur le fondement de l'article R. 613-1 du code de justice administrative et fixant la date de clôture de l'instruction au 28 avril 2014 ;

Vu le mémoire enregistré le 2 mai 2014 par lequel Mme A...conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Mme A...indique qu'étant de nationalité géorgienne et non arménienne, elle ne pouvait voir sa demande d'asile traitée selon la procédure prioritaire et ne pouvait faire l'objet d'une décision de refus de séjour alors que la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) n'était pas encore intervenue ;

Vu l'ordonnance du 2 juin 2014 prononçant, sur le fondement de l'article R 613-4 du code de justice administrative, la réouverture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2014, par lequel le préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête :

Le préfet fait valoir, en demandant à la Cour de se reporter à ses écritures de première instance, qu'il n'a commis aucune erreur de fait concernant la nationalité de la requérante qui s'était déclarée de nationalité arménienne, que la décision de la CNDA est postérieure à la sienne et au jugement attaqué, que le recours devant la CNDA étant dépourvu d'effet suspensif en raison du refus d'admission provisoire au séjour, il pouvait légalement prendre une mesure d'éloignement sans attendre la décision de cette Cour ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 27 novembre 2014, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur,

1. Considérant que MmeA..., née en 1962 à Tbilissi (Géorgie), est entrée irrégulièrement en France en novembre 2012 avec sa fille mineure ; qu'elle a sollicité l'asile et présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par une décision du 11 décembre 2012, le préfet de l'Isère a rejeté sa demande d'admission au séjour sur le fondement du 2° de l'article L. 741-4 du code précité et l'a informée que l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) devrait statuer selon la procédure prioritaire comme le prévoit l'article L. 723-1 du même code ; que, par une décision du 29 mars 2013, l'OFPRA a refusé à Mme A...le statut de réfugié ; qu'à la suite de cette décision, que Mme A...a contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, le préfet de l'Isère a refusé, par un arrêté du 7 juin 2013, de l'admettre au séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ; que, par le jugement attaqué dont Mme A... relève appel, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes dirigées contre la décision du 11 décembre 2012 et l'arrêté du 7 juin 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'admission au séjour d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que dans les situations limitativement énumérées à cet article, au nombre desquelles figure le fait que : " (...) / 2°L'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève susmentionnée ou d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr . Un pays est considéré comme tel s'il veille au respect des principes de la liberté, de la démocratie et de l'État de droit, ainsi que des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La prise en compte du caractère sûr du pays d'origine ne peut faire obstacle à l'examen individuel de chaque demande " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France (...), l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " et, qu'enfin, aux termes de l'article L. 742-6 : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. (...) " ;

3. Considérant que le préfet de l'Isère a refusé d'admettre Mme A...au séjour et a placé sa demande d'asile en procédure prioritaire en se fondant sur la circonstance que l'intéressée, bien que née en Géorgie, était de nationalité arménienne, comme elle s'en était elle-même prévalue au moment du dépôt de sa demande d'asile en préfecture ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de la décision de la Cour nationale du droit d'asile du 3 février 2014, que Mme A...est de nationalité géorgienne ; qu'au moment où celle-ci a déposé sa demande d'asile, si l'Arménie figurait sur la liste des pays considérés comme sûrs au sens des dispositions du 2° de l'article L. 741-4 précitées, il n'en allait pas de même de la Géorgie ; que, dès lors, sa demande d'asile ne pouvait être traitée selon la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il résulte de ce qui précède qu'elle est fondée à demander l'annulation de la décision contestée du 11 décembre 2012 ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; que le demandeur d'asile qui ne rentre pas dans le champ d'application de ces dispositions doit être admis à séjourner en France et bénéficie conformément à l'article L. 742-3 du même code, du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " ;

5. Considérant que la demande d'asile présentée par Mme A...n'aurait pas dû être placée en procédure prioritaire sur le fondement des dispositions combinées du 2° de l'article L. 741-4 et de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de l'Isère devait délivrer un document provisoire de séjour à Mme A...et le renouveler jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile statue, l'intéressée bénéficiant du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de cette Cour ; que, par voie de conséquence, le préfet de l'Isère ne pouvait, à la date de l'arrêté contesté du 7 juin 2013, prendre une décision portant refus de titre de séjour, la Cour nationale du droit d'asile ne s'étant prononcée que le 3 février 2014 ; que Mme A... est fondée, pour ce motif, à demander l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2013 en ce qu'il refuse de l'admettre au séjour ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il y a lieu de prononcer par voie de conséquence, l'annulation des autres décisions contestées par Mme A...l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination du pays dont elle a la nationalité ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble, par son jugement du 8 novembre 2013, a rejeté ses demandes dirigées contre les décisions du préfet de l'Isère du 11 décembre 2012 et du 7 juin 2013 ;

Sur les autres conclusions :

8. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

9. Considérant que, par sa décision du 3 février 2014, la Cour nationale du droit d'asile a rejeté le recours de Mme A...formé contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides refusant de lui reconnaître la qualité de réfugié ou, à défaut, de lui accorder le bénéfice de la protection subsidiaire ; que le motif d'annulation des décisions contestées qui a été retenu implique dès lors seulement que le préfet de l'Isère procède à un nouvel examen de la situation de Mme A...dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ; qu'il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

10. Considérant, en second lieu que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Schürmann, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cet avocat de la somme de 1 200 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble n° 1300232 - 1303462 en date du 8 novembre 2013 ainsi que la décision du préfet de l'Isère du 11 décembre 2012 et son arrêté du 7 juin 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de procéder à un nouvel examen de la situation de Mme B...A...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Schürmann, avocat de Mme B...A..., la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B...A...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A..., au préfet de l'Isère et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2014 où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 décembre 2014.

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N° 13LY03299


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY03299
Date de la décision : 18/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SCHÜRMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-12-18;13ly03299 ?
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