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08/01/2015 | FRANCE | N°14LY01506

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2015, 14LY01506


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée par le préfet du Rhône ; le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1402423 en date du 10 avril 2014 du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il annule sa décision du 4 avril 2014 portant placement en rétention administrative de M. B...A..., et de mettre à la charge de

M. A...une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que le placement en rétention a été annulé, dès lors que :

- les dispositions de

s articles L. 562-1 et L. 562-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée par le préfet du Rhône ; le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1402423 en date du 10 avril 2014 du Tribunal administratif de Lyon, en tant qu'il annule sa décision du 4 avril 2014 portant placement en rétention administrative de M. B...A..., et de mettre à la charge de

M. A...une somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que c'est à tort que le placement en rétention a été annulé, dès lors que :

- les dispositions des articles L. 562-1 et L. 562-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables ; il ne pouvait donc pas apprécier la situation de l'intéressé au regard de ces dispositions ;

- en tout état de cause, les conditions permettant une assignation à résidence n'étaient pas réunies, dès lors que l'intéressé ne justifiait pas d'un hébergement suffisamment stable ;

Vu l'ordonnance en date du 5 août 2014 portant clôture de l'instruction au 8 septembre 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 6 août 2014 accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A...;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 septembre 2014, présenté pour M. B...A...; M. A...conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 400 euros à verser à son conseil, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que c'est à juste titre que l'assignation à résidence a été annulée, dès lors que :

- les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne pouvaient être regardées comme privées de toute valeur juridique en l'absence du décret prévu par l'article L. 562-3 ;

- le préfet n'a pas respecté l'obligation d'examen particulier de la possibilité d'une assignation à résidence, au regard de sa situation familiale ;

- il appartenait à tout le moins au préfet de viser l'article L. 562-1 et de prendre sa situation en considération ;

- l'objectif et l'esprit de ces dispositions résultent de la transposition de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, le placement en rétention de ressortissants membres d'une famille comportant des enfants mineurs ne pouvant être envisagé qu'en dernier ressort ;

- il justifiait d'un lieu de résidence stable, au sens de l'article L. 562-1 ;

- en tout état de cause, il justifiait de garanties de représentation et il n'existait pas de risque de fuite ;

Vu l'ordonnance en date du 10 septembre 2014 reportant la clôture de l'instruction au 29 septembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me Pochard, représentant M. A...;

1. Considérant que, par décisions du 25 février 2014, le préfet du Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B... A..., de nationalité géorgienne, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de destination ; qu'il l'a placé en rétention administrative par arrêté du 4 avril 2014 ; que, par jugement du 10 avril 2014, le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision portant placement en rétention et rejeté le surplus des conclusions de M.A... ; que le préfet du Rhône relève appel de ce jugement, en tant qu'il annule cette décision ;

Sur la légalité des décisions préfectorales :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6°) Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-1 de ce code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, lorsque l'étranger est père ou mère d'un enfant mineur résidant en France dont il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans et lorsque cet étranger ne peut pas être assigné à résidence en application de l'article L. 561-2 du présent code, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique, après accord de l'étranger. / La décision d'assignation à résidence avec surveillance électronique est prise par l'autorité administrative pour une durée de cinq jours. / La prolongation de la mesure par le juge des libertés et de la détention s'effectue dans les mêmes conditions que la prolongation de la rétention administrative prévue au chapitre II du titre V du présent livre " ;

3. Considérant que l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit, par dérogation aux cas dans lesquels un ressortissant étranger est susceptible d'être placé en rétention, la faculté de prendre une mesure d'assignation à résidence lorsque l'étranger présente des garanties propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à son obligation de quitter le territoire français ; qu'en vertu des dispositions du 3° du II de l'article L. 511-1 du même code, ce risque doit être notamment regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas où l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement ; que le constat par l'autorité administrative de faits relevant du 3° du II de l'article L. 511-1, s'il est de nature à faire présumer l'existence d'un risque que le ressortissant étranger se soustraie à son obligation de quitter le territoire, ne dispense pas cette même autorité, avant toute décision de placement en rétention, de l'examen particulier des circonstances propres à l'espèce ; que, s'agissant des étrangers parents d'enfants mineurs ne présentant pas de garanties suffisantes de représentation, visés à l'article L. 562-1 de ce code, et conformément aux objectifs de l'article 17 de la directive 2008/115/CE, le recours au placement en rétention ne doit constituer qu'une mesure d'exception réservée au cas où l'étranger ne disposerait pas, à la date à laquelle l'autorité préfectorale prend les mesures nécessaires à la préparation de l'éloignement, d'un lieu de résidence stable ;

4. Considérant qu'il ressort du jugement attaqué que, pour annuler pour erreur de droit la décision du préfet du Rhône, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur la circonstance que M. A...était le père deux enfants âgés de quatre ans et de trois ans, par ailleurs scolarisés à Lyon ; qu'il a considéré qu'il appartenait au préfet d'examiner si M. A...pouvait bénéficier d'une assignation à résidence en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le magistrat désigné a estimé, au vu des mentions de la décision en litige, qu'une telle possibilité n'avait pas été envisagée, et qu'ainsi, le préfet n'avait pas recherché si une mesure moins coercitive que la rétention était possible ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, les dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile lui étaient opposables à la date de la décision litigieuse, en tant qu'elles prévoyaient, conformément à la directive précitée du 16 décembre 2008, la possibilité pour les père et mère d'enfants mineurs de bénéficier d'une assignation à résidence alors même qu'ils ne présenteraient pas de garanties de représentation leur permettant de rentrer dans le champ d'application de l'article L. 561-2 ; que, contrairement à ce que soutient le préfet du Rhône, la circonstance que le décret d'application nécessaire à l'entrée en vigueur du dispositif de surveillance électronique n'ait pas été adopté est, dès lors, sans incidence sur son obligation d'envisager une mesure d'assignation à résidence moins coercitive qu'un placement en rétention à l'égard de tels étrangers, quand bien même ils ne justifieraient pas de garanties de représentation ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en litige, qui ne vise pas spécifiquement l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que l'intéressé ne justifie ni de circonstances exceptionnelles, ni de garanties de représentation, en précisant que M. A...n'a pas su tirer les conséquences de l'obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet, qu'il n'a pas été en mesure de produire un document transfrontière en cours de validité, qu'il ne justifie pas de ses moyens d'existence effectifs ou d'un hébergement stable car l'adresse qu'il déclare correspond à un foyer et qu'il a été interpellé pour soustraction frauduleuse de lames de rasoir ; qu'il en déduit que, compte tenu de ces éléments de fait, une mesure d'assignation à résidence telle que prévue à l'article L. 561-2 n'a pas paru justifiée ; que, compte tenu de cette rédaction, le préfet doit être regardé comme s'étant borné à rechercher l'existence de garanties de représentation, sans s'interroger sur l'application des dispositions spécifiquement applicables aux parents d'enfants mineurs ; que, par suite, il a entaché sa décision d'erreur de droit ; que le préfet, qui ne sollicite pas expressément, même à titre subsidiaire, de substitution de motif, ne peut utilement soutenir que l'intéressé ne justifiait pas, en réalité, d'un hébergement suffisamment stable ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 4 avril 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par le préfet du Rhône au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

9. Considérant, en second lieu, que Me Pochard, avocat de M. A..., peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros, au profit de Me Pochard, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 000 euros à Me Pochard, sous réserve qu'elle renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône et à Me Pochard.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.

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N° 14LY01506

N° 14LY01506 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01506
Date de la décision : 08/01/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : POCHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-08;14ly01506 ?
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