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05/05/2015 | FRANCE | N°14LY01284

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 05 mai 2015, 14LY01284


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014, présentée pour Mme A...C...veuveB..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302305 du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 août 2013 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et fixé ses obligations avant son départ ;

2°) d'annuler,

pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expert...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014, présentée pour Mme A...C...veuveB..., domiciliée ...;

Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302305 du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 2 août 2013 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné le pays de destination et fixé ses obligations avant son départ ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions ;

3°) à titre subsidiaire d'ordonner une expertise médicale permettant à la cour d'apprécier les conséquences d'un retour en Arménie sur sa santé ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Côte d'Or de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler dans le délai de quarante-huit heures suivant la notification de l'arrêt ou une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa demande ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat, au profit de son conseil, une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à charge pour ce dernier de renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat à sa mission d'aide juridictionnelle ou, à défaut, si elle ne bénéficie pas de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat la même somme à son profit ;

Elle soutient que la décision de refus de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, compte tenu de l'absence de traitement approprié à son état de santé en Arménie ; qu'aucun des médicaments visés sur la prescription médicale qu'elle produit, qui ne peuvent être remplacés par d'autres, ne se trouvent sur la liste des médicaments disponibles en Arménie ; que la décision de refus de séjour a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision l'obligeant à quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence ; qu'elle a été prise en méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'arrêté litigieux, en ce qu'il fixe des obligations de présentation une fois par semaine au commissariat de police doit être annulé par voie de conséquence ; que ces obligations sont disproportionnées au regard du but poursuivi et de ses garanties de représentation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2014, présenté par le préfet de la Côte-d'Or, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du 20 mai 2014 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme B...;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative par le président de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 avril 2015 :

- le rapport de M. Besse, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme C...veuveB..., née en 1963, de nationalité arménienne, est entrée en France irrégulièrement en octobre 2010 ; qu'après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile, elle a bénéficié d'un titre de séjour délivré sur le fondement de son état de santé, valable du 2 juillet 2012 au 1er juillet 2013 ; que, par décisions du 2 août 2013, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler ce titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et astreint MmeB..., dans l'attente, à se présenter à la brigade de gendarmerie de Messigny et Vantoux une fois par semaine ; que Mme B...relève appel du jugement du 17 mars 2014 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur le refus de séjour :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées, éclairées par les travaux parlementaires qui ont précédé l'adoption de la loi susvisée du 16 juin 2011 dont elles sont issues, qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 du même code, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans le pays dont l'étranger est originaire ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;

5. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par avis du 2 juillet 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de MmeB..., qui souffre d'un syndrome anxio-dépressif post-traumatique, nécessitait des soins dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, et qu'un traitement approprié à son état de santé n'existait pas en Arménie ; que le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas lié par cet avis, a estimé, au regard de la liste des médicaments disponibles en Arménie, des éléments fournis par l'ambassade de France en Arménie en date des 10 avril 2012 et 12 avril 2013 et du rapport du 20 novembre 2009 de l'Organisation Internationale pour les Migrations, que les institutions de santé arméniennes étaient à même de traiter la majorité des maladies courantes, en particulier psychiatriques ; qu'il résulte notamment de la liste des médicaments disponibles dans ce pays fournie par le préfet de la Côte-d'Or que sont commercialisés en Arménie plusieurs médicaments traitant des maladies psychiatriques, notamment des antidépresseurs, des anxiolytiques, des antipsychotiques, sans que Mme B...n'établisse qu'ils ne seraient pas équivalents aux médicaments qui lui sont prescrits ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise sur ce point, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que Mme B...fait valoir qu'elle est bien intégrée en France, qu'elle parle, lit et écrit le français, que sa fille réside en France et qu'elle est dépourvue d'attaches familiales en Arménie, son mari étant décédé et son second enfant vivant en Russie, où elle a séjourné entre 2004 et 2010 ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que sa fille, dont la demande d'asile a été rejetée, se maintient en situation irrégulière sur le territoire français ; que, dans ces conditions, et compte tenu du caractère récent du séjour en France de l'intéressée, à la date de la décision attaquée, la décision de refus de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ; que Mme B...s'étant vu refuser, par décision du même jour, la délivrance d'un titre de séjour, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

10. Considérant que, pour les motifs exposés ci-dessus, le moyen tiré de ce que la décision obligeant Mme B...à quitter le territoire français méconnaîtrait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre et de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants. " ; que Mme B...soutient que son mari, qui travaillait comme cuisinier pour le compte d'un général, a été tué par ce dernier en 2003 et qu'elle-même a alors été séquestrée pendant dix jours avant de réussir à s'enfuir, elle ne produit aucun document probant à l'appui de ses allégations et n'établit pas, en tout état de cause, la réalité de risques actuels en cas de retour en Arménie ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté ;

Sur la décision imposant une obligation de présentation aux unités de gendarmerie pendant le délai de départ volontaire :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé en application du II de l'article L. 511-1 peut, dès la notification de l'obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. " ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision l'obligeant à se présenter aux unités de gendarmerie ;

15. Considérant qu'au regard du pouvoir d'appréciation dont dispose, aux termes de la loi, l'autorité administrative pour apprécier la nécessité d'imposer une obligation de présentation sur le fondement de l'article L. 513-44 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'administration n'a pas commis d'erreur manifeste tant dans sa décision de recourir à cette mesure que dans le choix des modalités de celle-ci ; que Mme B...ne fait état d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à ce qu'elle se présente une fois par semaine à l'unité de gendarmerie de Messigny et Vantoux ; qu'en lui imposant cette obligation, le préfet de la Côte-d'Or n'a entaché sa décision d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...veuve B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme C...veuve B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...veuve B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2015 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Bouissac, président-assesseur,

M. Besse, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mai 2015.

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N° 14LY01284

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01284
Date de la décision : 05/05/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : FYOT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-05-05;14ly01284 ?
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