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02/07/2015 | FRANCE | N°14LY00050

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14LY00050


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Lyon

(5ème chambre)

La SAS Financière d'Eschbach a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1104823 du 19 novembre 2013, le tribunal admini

stratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2014,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

La cour administrative d'appel de Lyon

(5ème chambre)

La SAS Financière d'Eschbach a demandé au tribunal administratif de Lyon la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2007 et 2008 et des pénalités y afférentes.

Par un jugement n° 1104823 du 19 novembre 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2014, la SAS Financière d'Eschbach, représentée par Me Clocher, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 19 novembre 2013 du Tribunal administratif de Lyon ;

2°) de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes.

Elle soutient :

- qu'il résulte de la convention conclue entre la société Financière d'Eschbach et la société Roth-Rothelec que la mission de conseil réalisée par M. A...correspond aux fonctions de président de cette société, pour lesquelles celle-ci ne lui verse que 500 euros bruts mensuels ; que le choix de la SA Roth-Rothelec de recourir à des prestations de services plutôt que de payer des salaires relève d'une décision de gestion qui ne lèse pas l'administration fiscale ;

- que l'administration ne peut se fonder sur les rémunérations que M. A...perçoit au sein de la société EBM dans la mesure où les deux sociétés n'ont ni la même activité ni la même taille ; que l'administration aurait dû rechercher si le coût de ces prestations correspondait à l'importance et à la nature du service rendu à la société Roth-Rothelec, dont il est le président ;

- qu'en outre, l'administration devait si elle considérait cette rémunération comme étant anormale, recourir à des termes de comparaison ;

- que la rémunération versée à M. A...n'est pas excessive eu égard à la progression du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation due à son action.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2014, le ministre de l'économie et des finances soulève, d'une part, une fin de non-recevoir tirée l'irrecevabilité de la requête au motif qu'elle se borne à reprendre l'argumentation déjà présentée devant le tribunal administratif de Lyon sans critiquer le jugement attaqué et conclut, d'autre part, au rejet de la requête.

Il soutient :

- que le montant des honoraires correspondant à la mise à disposition de M.A..., versés par la société Roth-Rothelec à la société requérante, ne relève pas d'une gestion commerciale normale ; qu'en effet, M. A...préside les sociétés Roth-Rothelec et EBM et la société EBM détient 25 % du capital de la SAS Financière d'Eschbach ; qu'ainsi la société EBM n'est pas un véritable tiers et les prestations sont réalisées entre sociétés liées ; que la convention conclue entre les sociétés Financière d'Eschbach et Roth-Rothelec ne fixe aucun mode de rémunération des prestations rendues ; que les notes d'honoraires de la société Financière d'Eschbach ne comportent aucune indication sur le mode de calcul de la redevance forfaitaire versée à M. A...; que la société Financière d'Eschbach n'est qu'un simple intermédiaire dans l'opération de refacturation des honoraires de mise à disposition de M. A...par la société EBM à la société Roth-Rothelec ; que le taux de marge pratiqué par la société EBM sur ces prestations est de 390 % en 2007 et 383 % en 2008 ;

- que le litige ne porte pas sur le mode de rémunération du dirigeant de la société Roth-Rothelec mais sur le caractère exagéré de son montant par rapport au coût de revient des prestations pour la société EBM qui les fournit ;

- qu'aucune jurisprudence n'impose à l'administration de recourir à des termes de comparaison pour établir le caractère anormal de la rémunération d'un dirigeant ;

- que compte tenu de la décision de gestion de recourir à une convention de services, l'administration n'avait pas à comparer le coût des prestations rendues par M.A... facturées à la société Roth-Rothelec avec ses fonctions exercées au sein de cette dernière société ni avec les rémunérations perçues par d'autres collaborateurs de cette société.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 25 juin 2014, la SAS Financière d'Eschbach, conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens et fait par ailleurs valoir que sa requête est recevable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bourion,

- les conclusions de Mme Chevalier-Aubert, rapporteur public.

1. Considérant que la SAS Financière d'Eschbach, qui détient 100 % du capital de la SAS Roth-Rothelec, exerce une mission d'assistance et de conseil permanente auprès de sa filiale, membre du groupe fiscal dont elle est la société mère ; que la SAS Roth-Rothelec a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés au titre de ses exercices clos les 31 décembre 2007 et 2008 ; qu'à l'issue de ce contrôle, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés, assorties d'intérêts de retard, lui ont été notifiées au titre de ces exercices et ont été mises à la charge de la SAS Financière d'Eschbach en sa qualité de société mère du groupe fiscal auquel elle appartient ; que l'administration a constaté que la société EBM a mis à la disposition de la société Financière d'Eschbach M.A..., son dirigeant et seul salarié, et que cette dernière a, par une convention de prestations de services, mis cette même personne à la disposition de la société Roth-Rothelec ; qu'elle a considéré que les taux des marges pratiqués par la société EBM sur le coût des prestations facturées au titre de l'activité de M. A...étaient excessifs et non justifiés, que cela avait pour conséquence de faire supporter à la société Roth-Rothelec une fraction de charges étrangères à ses intérêts, ce qui ne relevait pas d'une gestion commerciale normale ; que la SAS Financière d'Eschbach relève appel du jugement du 19 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes, mis à sa charge au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête (...) contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge (...) " ;

3. Considérant que, contrairement à ce que fait valoir l'administration, la requête d'appel de la SAS Financière d'Eschbach énonce les motifs pour lesquels cette société conteste le jugement de première instance et demande la décharge des impositions contestées ; qu'elle répond ainsi aux exigences de motivation prévues par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'économie et des finances ne peut pas être accueillie ;

Sur le bien-fondé des impositions :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'oeuvre (...)." ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ;

5. Considérant qu'en vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que la seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l' administration ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 29 juin 2006, la société EBM a conclu avec la SAS Financière d'Eschbach une convention en application de laquelle elle a mis à la disposition de cette dernière, M.A..., son gérant, afin de lui fournir des prestations de conseil et d'assistance, en contrepartie de versements d'honoraires qui se sont élevés à 444 200 euros au titre de 2007 et 428 150 euros au titre de 2008 ; que, par ailleurs, en application d'une convention conclue le 18 juillet 2006, la SAS Financière d'Eschbach a mis M. A...à la disposition de la société Roth-Rothelec pour y exercer des fonctions de direction de cette société en contrepartie de versements d'honoraires de mêmes montants ; que l'administration a considéré que la société Financière d'Eschbach n'était qu'un simple intermédiaire dans l'opération de refacturation des honoraires de mise à disposition de M. A...par la société EBM à la société Roth-Rothelec, que ces honoraires étaient d'un montant excessif par rapport aux montants de la rémunération de M. A...comptabilisés en charges d'exploitation par la société EBM, soit 90 593 euros en 2007 et 88 735 euros en 2008 et que cela a eu pour conséquence de faire supporter à la SAS Roth-Rothelec " une fraction de charges, étrangère à ses intérêts qu'elle n'est pas en mesure de justifier " ; qu'elle a, par suite, considéré que le montant des prestations de services rendues par M. A... à la société Roth-Rothelec devait être estimé à 120 791 euros et 118 313 euros respectivement au titre des exercices clos en 2007 et 2008, ce qui correspond aux montants des rémunérations versées par la Société EBM à M. A...majorés de 33 % ; qu'elle a, en conséquence, réintégré au bénéfice de la société Roth-Rothelec les sommes de 323 409 euros et 309 837 euros au titre de ces mêmes exercices ;

7. Considérant que l'administration, pour établir le caractère excessif du montant des honoraires versés par la société Roth-Rothelec au titre des prestations de services rendues par M.A..., fait valoir que les sociétés EBM, Financière d'Eschbach et Roth-Rothelec ont des liens capitalistiques, la société EBM détenant 25 % de la SAS Financière d'Eschbach laquelle détient 100 % du capital de la SAS Roth-Rothelec et des liens personnels, M. A...étant à la fois gérant de la société EBM et dirigeant de la société Roth-Rothelec ; qu'elle fait également état de ce que le coût des prestations de services facturées à la société Roth-Rothelec est supérieur de 390 % et de 383 % au montant des rémunérations de M. A...déduites en charge par la SARL EBM au titre des années 2007 et 2008 et que les notes d'honoraires émises par la société financière d'Eschbach ne comportent aucune indication sur les prestations rendues par M. A...et sur le mode de calcul de la redevance forfaitaire versée à ce dernier ;

8. Considérant, toutefois, que la société requérante soutient que le coût des prestations de M. A...au sein de la SAS Rothelec ne peuvent être évaluées sur la base des traitements perçus dans la société EBM pour ses fonctions de gérant, mais sur la base de la fonction de président qu'il assume dans la société Roth-Rothelec ; qu'elle fait également valoir que le montant de rémunération perçu par M. A...est justifié par sa contribution aux " performances brillantes " accomplies par la société Roth-Rothelec, par le fait que ce montant n'excède pas 6 % du résultat d'exploitation de cette société et par le fait que ses proches collaborateurs dans la société Roth-Rothelec, à savoir le directeur commercial, qui exerce des fonctions largement moins étendues, et le directeur général, récemment recruté, perçoivent des rémunérations brutes, hors charges patronales respectivement de 150 000 euros et de 180 000 euros, soit d'un montant supérieur à celui retenu pour M. A...par l'administration ; que l'administration ne conteste pas la réalité et l'importance des prestations de M. A...et leur intérêt pour la société Roth-Rothelec ; qu'en se bornant à se fonder sur les charges salariales de la société EBM pour évaluer le coût réel des prestations rendues par M. A...à la société Roth-Rothelec, l'administration n'établit pas ainsi que la société Rothelec a commis un acte anormal de gestion en acceptant de payer les prestations de M. A...aux tarifs fixés ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Financière d'Eschbach est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104823 du tribunal administratif de Lyon en date du 19 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La SAS Financière d'Eschbach est déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007 et 2008 ainsi que des pénalités y afférentes.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Financière d'Eschbach et au ministre des finances et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 4 juin 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Mear, président,

Mme Bourion, premier conseiller,

M. Meillier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 14LY00050


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