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02/07/2015 | FRANCE | N°14LY02445

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 02 juillet 2015, 14LY02445


Vu la procédure suivante :

La commune de Craponne a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de condamner in solidum Mme VanDenN..., MM. G...et I...et les sociétés Abac ingénierie, bureau Véritas et Franck Saine, à lui verser une somme de 602 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des désordres affectant la toiture de l'école communale ;

- de mettre à leur charge une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- de condamner la société Franck Saine à lui verser la somme d

e 76 744 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des désordres af...

Vu la procédure suivante :

La commune de Craponne a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- de condamner in solidum Mme VanDenN..., MM. G...et I...et les sociétés Abac ingénierie, bureau Véritas et Franck Saine, à lui verser une somme de 602 000 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des désordres affectant la toiture de l'école communale ;

- de mettre à leur charge une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- de condamner la société Franck Saine à lui verser la somme de 76 744 euros, outre intérêts et capitalisation des intérêts, au titre des désordres affectant la charpente du bâtiment ;

- de condamner la Société de location de matériel agricole et de travaux publics (SOLOMATP) à lui verser la somme de 19 886,48 euros au titre des fissures affectant les voiles bétons, outre intérêts et capitalisation des intérêts ;

- de condamner la société SOLOMATP à lui rembourser les frais de la deuxième expertise de M. F...liquidés à la somme de 10 238,54 euros ;

- de condamner la société Franck Saine à lui rembourser les frais d'expertise de M. B... liquidés à la somme de 4 843,77 euros ;

- de condamner solidairement Mme VanDenN..., MM. G...etI..., la société Abac ingénierie et la société Bureau Véritas à lui rembourser les frais de la première expertise de M.F... ;

- de mettre à la charge de la société SOLOMATP une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par jugement n° 1105887 du 15 mai 2014, le tribunal administratif de Lyon :

- n'a pas admis l'intervention de la compagnie MAAF Assurances, assureur de la société Franck Saine ;

- a condamné Mme VanDenN..., MM. G...et I...et les sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine in solidum à verser à la commune de Craponne la somme de 226 888,38 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant la toiture de l'école, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011, capitalisés à compter du 22 septembre 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

- a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 5 404,60 euros, à la charge solidaire et définitive de Mme VanDenN..., MM. G...et I...et des sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine ;

- a condamné la société Franck Saine à garantir, d'une part, Mme VanDenN..., MM. G...et I...et la société Abac ingénierie, solidairement, et d'autre part, la société Bureau Véritas, à concurrence de 70 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- a condamné solidairement Mme VanDenN..., MM. G...et I...et la société Abac ingénierie, à garantir la société Bureau Véritas à concurrence de 20 % des condamnations prononcées à l'encontre de cette dernière ;

- a condamné la société Bureau Véritas à garantir Mme VanDenN..., MM. G... et I...et la société Abac ingénierie à concurrence de 10 % des condamnations prononcées à leur encontre ;

- a condamné la société Franck Saine à verser à la commune de Craponne la somme de 76 544 euros au titre des désordres affectant la charpente de l'école, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011, capitalisés à compter du 22 septembre 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

- a mis à la charge définitive de la société Franck Saine les frais de la deuxième expertise, taxés et liquidés à la somme de 4 843,77 euros ;

- a condamné la société SOLOMATP, représentée par son liquidateur judiciaire, Me M..., à verser à la commune de Craponne la somme de 19 886,48 euros au titre des désordres affectant les voiles de béton du bâtiment de l'école, avec intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2011, capitalisés à compter du 22 septembre 2012 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

- a mis à la charge définitive de la société SOLOMATP les frais de la troisième expertise, taxés et liquidés à la somme de 10 238,54 euros ;

- a mis à la charge, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 2 000 euros, à la charge solidaire de Mme VanDenN..., de MM. G...et I...et des sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine, la somme de 1 000 euros, à la charge de la société SOLOMATP, à verser à la commune de Craponne, la somme de 800 euros à la charge de la société Franck Saine, à verser à Mme VanDenN..., à MM. G...et I...et à la société Abac ingénierie, et la somme de 800 euros à la société Bureau Véritas ;

Par une requête et un mémoire enregistrés le 29 juillet 2014 et le 8 avril 2015, la commune de Craponne, représentée par MeD..., demande à la cour :

1°) d'annuler les articles 2 et 7 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2014, fixant à 226 888,38 euros et 76 544 euros les sommes qui lui sont dues au titre des désordres affectant respectivement la toiture et la charpente de l'école ;

2°) de condamner in solidum Mme VanDenN..., MM. G...et I...et les sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine à lui verser une somme de 657 344,57 euros au titre des désordres affectant la toiture et la charpente de l'école, outre les intérêts et leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge des défendeurs, in solidum, une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- elle a droit à être indemnisée de l'intégralité de son préjudice, tenant compte des prix des marchés publics qu'elle a été amenée à passer pour réaliser les réparations correspondant à celles préconisées par l'expert ; la société Saine, qui avait rédigé un devis sur la base duquel l'expert s'était prononcé, n'a pas déposé d'offre, ce qui justifie que le devis qu'elle avait produit lors des opérations d'expertise était sous-évalué ; après déduction de travaux supplémentaires, ce montant s'élève à 375 539,14 euros hors taxe soit 450 646,57 euros toutes taxes comprises ; le chiffrage retenu par M.F..., expert, pour un montant de 172 444,80 euros, est sous-évalué ; il convient d'ajouter la somme de 6 697,60 euros, retenue par le tribunal, au titre des travaux de remplacement de certaines plaques de plafond et des travaux de reprise de peinture ; elle avait l'obligation de recourir à un coordinateur SPS dès lors qu'elle avait lancé un marché portant sur les deux lots correspondant aux désordres identifiés par l'expertise et qu'au moins deux entreprises intervenaient en même temps sur le chantier ; elle ne disposait pas d'effectifs suffisants pour assurer elle-même la maîtrise d'oeuvre ; elle avait l'obligation de faire appel à un bureau de contrôle s'agissant de travaux réalisés dans un équipement recevant du public de 4ème catégorie ; les articles 3 et 4 du CCTP sont en rapport avec les désordres de toiture, les contestations sur les points 6, 11, 13 et 14 d du CCTP ne sont pas suffisamment précisées alors qu'ils répondent aux préconisations de l'expert ; s'agissant du point 16, le rajout d'environ 20 centimètres de sur-toiture nécessite de rehausser les exutoires de désenfumage ; s'agissant du point 19, il a été nécessaire de mettre les nervures des bacs aciers, antérieurement perpendiculaires au sens d'écoulement des eaux, dans le sens de la pente et de réaliser un caniveau de récupération ;

- elle a droit en outre à être indemnisée du préjudice lié aux inondations dont elle a été victime dès l'ouverture de l'école, qui l'ont privée d'une partie des équipements initialement prévus, et qui ont contraint les services communaux à intervenir à chaque orage ; ce préjudice de jouissance et ces troubles divers peuvent être estimés à 20 000 euros par an pendant 10 ans, soit 200 000 euros ; la somme de 10 000 euros accordée à ce titre par le tribunal est manifestement sous-évaluée ; elle ne pouvait prendre aucune mesure de protection particulière ; la somme demandée correspond pour partie à la non-utilisation d'une salle et aux préjudices liés au caractère spécifique des inondations dans une école, tels que l'obligation pour les services communaux d'intervenir à chaque orage pour éviter que le sol ne glisse et le remplacement des plaques de faux-plafond.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2014, M. E...I..., M. K...G..., Mme Vanden Bossche-Girard et la société Abac Ingénierie, représentés par MeH..., demandent à la cour de rejeter la requête, de confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions et de mettre à la charge de la commune de Craponne une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Ils soutiennent que :

- le montant retenu par l'expert pour la reprise de la toiture n'est pas une simple évaluation mais s'est fondé sur la lecture de deux devis, l'un, peu détaillé et d'un montant élevé, de la société Le Ny, et l'autre, détaillé et d'un montant plus modeste, de la société Franck Saine, qui a été vérifié par un métreur vérificateur ; l'expert s'est fondé sur ce second devis, auquel il a ajouté les travaux de reprise des boîtes à eau, une indemnisation de 10 % au titre des travaux de maîtrise d'oeuvre, il a en outre retenu 6 697,60 euros au titre de travaux de reprise à l'intérieur des locaux ;

- la commune ne peut se fonder sur un document, qualifié d'avant-projet sommaire, avec des travaux en complément et des travaux en option, non diffusé dans le cade de l'expertise judiciaire et non discuté contradictoirement entre les parties ; c'est à juste titre que le tribunal a estimé que la commune ne pouvait se prévaloir d'une estimation intégrant des travaux allant au-delà de la réparation des désordres ;

- la commune, qui produit de nouveaux justificatifs en appel, doit produire l'avis de publication de l'avis d'appel à la concurrence, le rapport de présentation et en tous cas présenter les résultats de l'appel d'offres pour justifier que la proposition de la société Le Ny était la moins disante ;

- le document produit présente un chiffrage unique pour les travaux de reprise de la toiture et de la charpente alors qu'elle bénéficie de condamnations distinctes impliquant des débiteurs différents ; la cour n'a pas à suppléer à la carence de la commune dans l'administration de la preuve ;

- la commune fait état des honoraires de maîtrise d'oeuvre provisoire alors que l'estimation est plus élevée que la réalité du coût des travaux ;

- la commune prétend recourir à un coordinateur SPC alors qu'il n'est nécessaire que lorsque plusieurs entreprises travaillent sur le chantier, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, et alors que l'expert judiciaire ne l'a pas estimé utile ;

- à tout le moins, les articles 3 et 4 du cahier des clauses techniques particulières du contrat de la société Le Ny sont sans lien avec les désordres de toiture ; plusieurs prestations ont été ajoutées par rapport au projet sommaire présenté devant le tribunal ou étaient présentées à titre d'option, et correspondent à des prestations hors litige ; il n'est pas produit de chiffrage tel qu'un DPGF permettant de contrôler le coût des prestations et leurs métrés ; le document produit par la commune pour identifier les travaux en lien avec ceux recommandés par l'expert judiciaire, qui consiste en un simple échange entre le maître d'oeuvre et la société Le Ny comportant une mention manuscrite, n'est pas valable, seuls un marché et une DPGF seraient de nature à justifier du montant des travaux ;

- les conclusions de la commune au titre du préjudice de jouissance ne sont ni sérieuses ni justifiées par des pièces ; l'école n'a pas manqué de locaux pour assurer le service ; les équipements d'une école maternelle et primaire ne sont pas aussi importants que ce qui est soutenu ; rien ne justifie l'existence d'un préjudice à compter de 2001, la déclaration de dommages à l'assureur datant du 27 novembre 2003 et l'action judiciaire ayant été entamée en juillet 2006 ; le préjudice n'est pas continu mais se manifeste uniquement lors de pluies particulièrement importantes ; la commune ne justifie d'aucune dépense extraordinaire par rapport à ses frais de fonctionnement ordinaires ;

Par un mémoire enregistré le 17 octobre 2014, la société Franck Saine, représentée par MeC..., demande à la cour de rejeter la requête, de confirmer le jugement attaqué en ses articles 2 et 7, de rejeter les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens et de statuer ce que de droit sur les dépens ;

Elle soutient que :

- les experts et le sapiteur sont des professionnels compétents pour évaluer le coût des travaux ;

- la commune a choisi de s'adresser à une société notoirement connue pour le coût élevé de ses prestations ; ses prestations sont sans commune mesure avec celles qui lui avaient été originellement commandées ;

Par ordonnance du 20 mars 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 8 avril 2015.

Par un mémoire enregistré le 1er avril 2015, la société Bureau Véritas, représentée par MeL..., demande à la cour :

1°) à titre principal, de rejeter la requête ;

2°) à titre subsidiaire, de prononcer sa mise hors de cause et de rejeter les conclusions dirigées à son encontre ;

3°) plus subsidiairement, de réduire à de plus juste proportions les sommes qui seraient éventuellement allouées à la commune ;

4°) de condamner solidairement, ou à défaut in solidum, la commune de Craponne et tous les succombants à lui verser une somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et aux dépens ;

Elle soutient que :

- les conclusions présentées à son encontre, pour la première fois en appel, s'agissant des travaux relatifs à la charpente, sont irrecevables ; les conclusions fondées sur un devis qui n'a pas été produit en cours d'expertise ou durant la procédure de première instance, qui n'a pas fait l'objet d'un débat contradictoire en cours d'expertise, et qui comporte de nouveaux postes d'intervention, constituent des demandes nouvelles ;

- sa responsabilité ne saurait être engagée au regard de la charpente, compte tenu des missions qui lui avaient été confiées ; l'expert a estimé que sa responsabilité n'était pas engagée ; le premier juge ne l'a pas condamnée à ce titre ; la commune n'articule à son encontre aucun grief concernant la charpente ; elle avait émis des réserves au sujet de la charpente dont il n'est pas démontré qu'elles auraient été prises en considération et qu'elle n'a jamais levées ;

- les nouvelles pièces produites par la commune prévoient des prestations sans lien avec les désordres affectant la couverture ; elle s'associe aux écritures des maîtres d'oeuvre ; il appartient à la commune de distinguer entre les différents travaux ; la commune ne justifie pas des documents permettant de justifier que l'offre de l'entreprise Le Ny était la mieux-disante ; le chiffrage des prestations ne correspond pas précisément aux préconisations de l'expert ;

- aucun document n'établit la matérialité de son propre préjudice de jouissance ; la somme demandée est, en tout état de cause, excessive ;

Par ordonnance du 9 avril 2015, la clôture d'instruction a été reportée au 27 avril 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation,

- le code du travail,

- le code des marchés publics,

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2015 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- les observations de Me L..., représentant la société Bureau Véritas, et de Me C..., représentant la société Franck Saine ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les travaux de réception de la restructuration de l'école maternelle et élémentaire de la commune de Craponne, menés sous la maîtrise d'ouvrage de cette commune, ont été réceptionnés le 24 septembre 2001 ; que la commune a recherché la responsabilité de divers constructeurs, sur le fondement de la garantie décennale, devant le tribunal administratif de Lyon ; que l'article 2 du jugement de ce tribunal en date du 15 mai 2014 condamne Mme VanDenN..., MM. G...et I...et la société Abac ingénierie, membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, la société Bureau Véritas, contrôleur technique, et la société Franck Saine, titulaire du lot 3 " Charpente Bois couverture tuile ", in solidum, à verser à la commune une somme de 226 888,38 euros toutes taxes comprises au titre des désordres affectant la toiture ; que l'article 7 du même jugement condamne la société Franck Saine à verser à la commune la somme de 76 544 euros au titre des désordres affectant la charpente de l'école ; que la commune de Craponne relève appel de ces deux articles du jugement ; que les autres parties ne présentent pas de conclusions d'appel incident ou d'appel provoqué ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par la société Bureau Véritas :

2. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'appel de la commune de Craponne se fonde sur des pièces nouvelles, qui n'avaient ni été produites lors des opérations d'expertise, ni été soumises aux premiers juges, n'est pas, par elle-même, de nature à faire regarder ses conclusions comme des prétentions nouvelles ;

3. Considérant, en second lieu, que la commune de Craponne n'avait recherché la responsabilité de la société Bureau Véritas, devant les premiers juges, qu'en ce qui concerne les désordres affectant la toiture de l'école ; qu'elle doit être regardée comme sollicitant, en appel, sa condamnation à réparer ces désordres mais aussi ceux affectant la charpente de l'école, dès lors qu'elle présente des conclusions indemnitaires globales concernant ces deux désordres ; que, cependant, ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et tendent à la mise en oeuvre de la garantie décennale des constructeurs ; qu'ainsi, la commune peut, sous réserve que ses prétentions demeurent... ; qu'en l'espèce, alors que la commune de Craponne avait sollicité la condamnation de cette société, in solidum avec d'autres constructeurs, à lui verser la somme de 602 000 euros, elle demande en appel sa condamnation à lui verser la somme de 657 344,57 euros, sans qu'il ne résulte de l'instruction que cet accroissement résulterait d'une aggravation de son préjudice postérieure au jugement attaqué ; que, dans ces conditions, la société Bureau Véritas est seulement fondée à soutenir que les conclusions de la commune de Craponne sont irrecevables, à son égard, en tant qu'elles excèdent la somme de 602 000 euros ;

Sur les responsables des désordres :

4. Considérant que la commune demande, ainsi qu'il a été dit, la condamnation globale des membres du groupement de maîtrise d'oeuvre, du titulaire du lot n° 3 et du contrôleur technique à l'indemniser au titre des désordres affectant la toiture et la charpente de l'école ; que, cependant, elle ne critique pas le jugement en tant qu'il a procédé à une condamnation divise et visant des personnes différentes pour chacun de ces deux chefs de préjudice et ne démontre pas en quoi les désordres affectant la charpente seraient imputables à d'autres constructeurs que la société Franck Saine, qui a été seule condamnée à ce titre par les premiers juges ; que la requérante n'est, dans ces conditions, pas fondée à obtenir une condamnation in solidum de l'ensemble des constructeurs précédemment énumérés s'agissant de ce désordre ;

Sur le préjudice indemnisable :

En ce qui concerne la réparation des désordres :

5. Considérant qu'il n'est pas contesté que la commune a droit, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, à une somme de 6 697,60 euros toutes taxes comprises en remboursement de travaux de remplacement de certaines plaques de plafond et de travaux de reprise de peinture ;

6. Considérant que l'expert, qui avait été nommé par le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon, avait estimé que la solution réparatrice qu'il préconisait, consistant en la mise en place d'une sur-toiture et à la reprise des boîtes à eau ; que, pour déterminer le montant de ces réparations, il bénéficiait de deux devis, l'un émanant de la société Le Ny, qu'il a estimé peu précis et onéreux, et l'autre présenté par l'entreprise Franck Saine, qu'il a regardé comme plus détaillé et mieux disant ; qu'il a retenu, conformément à ce dernier devis, la somme de 210 190,78 euros toutes taxes comprises ; que les premiers juges ont retenu ce montant ;

7. Considérant qu'il résulte cependant des écritures de la commune, non contestées, en particulier, par l'entreprise Franck Saine, que cette dernière n'a pas présenté d'offre pour le marché de travaux passé pour la réparation des désordres, suite au rapport déposé par l'expert ; que la commune allègue, sans être efficacement contredite, que les prix proposés par le devis soumis par l'entreprise Franck Saine et retenu par l'expert étaient sous-évalués ; que la commune a attribué le marché des travaux de réparation, portant tout à la fois sur la réparation de la charpente et de la toiture, à la société Le Ny, pour un prix nettement supérieur à l'évaluation des travaux de reprise de ces deux désordres retenue par les premiers juges ; que, si la société Franck Saine allègue que la commune a fait le " choix de s'adresser à une société notoirement connue pour le coût élevé de ses prestations ", il ne résulte pas de l'instruction que la commune aurait sciemment entendu ne pas opter pour la solution la plus avantageuse qui se proposait à elle ; qu'il suit de là que la commune doit être regardée comme étant dans l'impossibilité d'obtenir réparation intégrale du préjudice subi avec la somme qui lui a été allouée par le tribunal, sur la base du montant identifié par l'expert, sans qu'une négligence fautive du maître d'ouvrage ne puisse, dans les circonstances de l'espèce, être regardée comme étant à l'origine de cette impossibilité ;

8. Considérant que la circonstance que les pièces sur lesquelles se fonde la commune au soutien de cette argumentation aient seulement été présentées en cause d'appel et n'aient pu être discutées ni devant l'expert, ni devant les premiers juges, n'a pas pour effet d'interdire à la cour d'en tenir compte ; que, de même, la circonstance que les pièces portent tout à la fois sur les travaux relatifs à la toiture et à la charpente, alors que ces désordres justifient la condamnation de personnes différentes, ne saurait obliger la cour à écarter ces documents ; qu'il appartient au juge de distinguer les montants relatifs à l'un ou l'autre de ces chefs de préjudices et, en cas de dépenses communes, d'affecter une quote-part de ces dépenses à la réparation de chaque désordre ;

9. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la décomposition du prix global et forfaitaire de la société Le Ny annexé au marché des travaux de réparation, que le montant des travaux de révision et renforcement des charpentes, faisant l'objet de l'article 3 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), après déduction des sommes dont la commune elle-même reconnaît qu'elles correspondent à des travaux supplémentaires et dont elle renonce à solliciter le remboursement, est de 39 134,33 euros hors taxe, soit 46 804,66 euros TTC ;

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la décomposition du prix global et forfaitaire (DPGF), que le montant des travaux liés strictement à la reprise de la toiture est prévu par une partie des montants figurant aux rubriques " déposes et remplacement des matériaux ", " couverture en plaques nervurées ", " évacuations pluviales " et " travaux annexes " ; que, contrairement à ce que soutiennent les maîtres d'oeuvre, le poste " couverture en plaques nervurées ", faisant l'objet de l'article 4 du CCTP, correspond à la mise en place d'une sur-toiture, conformément aux préconisations de l'expert ; qu'il ressort des explications données par la commune, qui n'ont pas été efficacement contredites, que la modification du système de désenfumage, prévue au point 16 du CCTP et à la rubrique 6.2 de la DPGF, est directement rendue nécessaire par l'installation de cette sur-toiture ; que la seule circonstance que les travaux mentionnés aux points 6, 11, 14 d et 16 à 19 du CCTP ne figuraient pas dans un avant-projet sommaire que la commune avait produit devant les premiers juges ne permet pas, contrairement à ce que soutiennent les maîtres d'oeuvre, d'en déduire que ces travaux ne sont pas indispensables pour réparer les désordres ; qu'en revanche, il y a lieu d'exclure les montants figurant sur ce document aux points 2.6 et 4.5, relatifs à un passage couvert dont la reprise n'est pas indispensable à la réparation du désordre en cause, l'expert n'ayant d'ailleurs émis aucune recommandation à ce sujet ; que doivent également être exclus des travaux apparaissant sous la rubrique " travaux annexes " et relatifs à une toiture en chien assis dont la nécessité en vue de réparer les désordres en cause n'est pas établie ; que le montant des travaux liés strictement à la reprise des toitures peut être évalué à 234 848,91 euros hors taxe, soit 280 879,30 euros toutes taxes comprises ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses concourant à la réparation des désordres affectant la toiture et la charpente de l'école incluent le montant du marché de travaux relatif à la sécurité et aux installations du chantier commun, pour 39 299,11 euros hors taxe ; qu'elles incluent en outre 3 200 euros hors taxe au titre de l'intervention du contrôleur technique, qui n'avait pas été envisagée par l'expert, mais dont la nécessité s'agissant de travaux portant sur un établissement recevant du public de 4ème catégorie, en application de l'article R. 111-38 du code de la construction et de l'habitation, n'est pas sérieusement contestée ; qu'il en va de même s'agissant de l'intervention du coordinateur SPS, pour un montant de 2 280 euros hors taxe, dont il n'est pas sérieusement contesté qu'elle présente une utilité dès lors que les travaux de reprise en cause seront concomitants à des travaux de maçonnerie, nécessités par la reprise d'autres désordres ; qu'en revanche, il y a lieu de ne pas retenir l'intégralité du montant demandé au titre des frais de maîtrise d'oeuvre, dès lors que le montant provisoire des honoraires du maître d'oeuvre est déterminé sur la base d'une enveloppe financière prévisionnelle de 500 000 euros, excédant de manière significative le montant des travaux et dépenses annexes relatives à la réparation des désordres en cause, et portant, d'une part, sur des travaux de maçonnerie qui ne font pas l'objet du présent appel, et, d'autre part, sur des travaux de réfection des charpentes dont la commune a elle-même reconnu qu'ils excédaient la simple réparation du dommage ; qu'il sera, dans ces conditions, fait une juste appréciation des frais de maîtrise d'oeuvre dédiés spécifiquement à la reprise des désordres en litige en retenant un montant de 35 000 euros hors taxe ; qu'il suit de là que ces dépenses mixtes représentent un montant de 79 779,11 euros hors taxe ; qu'il résulte de l'instruction que ces dépenses doivent être imputées, à hauteur de 65 %, au désordre affectant la toiture et, à hauteur de 35%, au désordre affectant la charpente ; que la part de ces dépenses liées à la toiture représente, par suite, 51 856,42 euros hors taxe, soit 62 020,28 euros toutes taxes comprises, et celles liées à la charpente 27 922,69 euros hors taxe, soit 33 395,54 euros toutes taxes comprises ;

En ce qui concerne les troubles de jouissance :

12. Considérant que, si la commune soutient que la somme de 10 000 euros que les premiers juges lui ont accordée à ce titre, s'agissant des désordres affectant la toiture, est insuffisante, elle n'apporte aucun élément suffisamment probant pour démontrer que son préjudice s'établirait à une somme supérieure ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préjudice indemnisable de la commune de Craponne au titre du désordre affectant la toiture de l'école s'établit à 359 597,18 euros toutes taxes comprises ; qu'il y a lieu de condamner, in solidum, Mme VanDenN..., MM. G...et I...et les sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine à verser cette somme à la commune ; que le préjudice indemnisable de la commune de Craponne au titre du désordre affectant la charpente de cet ouvrage, dont la réparation incombe à la société Franck Sain, est de 80 200,20 euros toutes taxes comprises ; que la commune est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges lui ont accordé des sommes inférieures à ces montants ;

Sur les dépens :

14. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat./ Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens. " ;

15. Considérant, d'une part, que les parties ne contestent pas la répartition des frais d'expertise décidée par les premiers juges et qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait lieu de la modifier ;

16. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que les parties auraient, au titre de la procédure d'appel, exposé des frais susceptibles d'être qualifiés de dépens au sens de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

17. Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions des maîtres d'oeuvre et de la société Bureau Véritas doivent être rejetées ;

18. Considérant, en second lieu, que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées à ce titre par la commune de Craponne ;

DÉCIDE :

Article 1er : La condamnation prononcée à l'article 2 du jugement n° 1105887 du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2014 est portée à 359 597,18 euros toutes taxes comprises.

Article 2 : La condamnation prononcée à l'article 7 du jugement n° 1105887 du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2014 est portée à 80 200,20 euros toutes taxes comprises euros toutes taxes comprises.

Article 3 : Les articles 2 et 7 du jugement n° 1105887 du tribunal administratif de Lyon du 15 mai 2014 sont réformés en ce qu'ils ont de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Craponne, à Mme VanDenN..., MM. G...etI..., aux sociétés Abac ingénierie, Bureau Véritas et Franck Saine.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2015, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme J...et Mme Samson-Dye, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 2 juillet 2015.

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N° 14LY00768

N° 14LY02445 10


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02445
Date de la décision : 02/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Responsabilité décennale.

Marchés et contrats administratifs - Rapports entre l'architecte - l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage - Réparation - Préjudice indemnisable.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : COTTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-02;14ly02445 ?
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