La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/10/2015 | FRANCE | N°14LY00863

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 5, 08 octobre 2015, 14LY00863


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...G...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité, chiffrée en dernier lieu à la somme de 204 537,72 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une biopsie et d'une embolisation artérielle rénales réalisées en février et mars 2011 à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon.

Par un jugement n° 1107120 du 21 janvier 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mm

e G...une indemnité de 7 815 euros et la somme de 9 596,26 euros, outre intérêts au tau...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...G...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité, chiffrée en dernier lieu à la somme de 204 537,72 euros, en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait d'une biopsie et d'une embolisation artérielle rénales réalisées en février et mars 2011 à l'hôpital Edouard Herriot à Lyon.

Par un jugement n° 1107120 du 21 janvier 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme G...une indemnité de 7 815 euros et la somme de 9 596,26 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 16 avril 2012, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2014 et un mémoire ampliatif, enregistré le 18 avril 2014, présentés pour les Hospices civils de Lyon, dont le siège social est 3 quai des Célestins à Lyon (69002), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1107120 du 21 janvier 2014 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter les demandes de Mme G...et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.

Ils soutiennent que :

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que les premiers juges ont conditionné la preuve de l'information des risques liés à la ponction biopsie à la production d'un document écrit signé par la patiente et estimé que Mme G...n'avait pas été informée de ces risques, alors qu'il est clairement établi par l'instruction qu'elle l'avait été, eu égard aux consultations annuelles avec le professeur qui l'a suivie durant toute la période de sa prise en charge, entre 2004 et 2011, démontrant un long délai au cours duquel l'intervention a été repoussée, aux documents écrits mentionnant l'information délivrée rédigés par plusieurs médecins, et à l'importance du risque ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré que ce défaut d'information était à l'origine d'une perte de chance d'éviter la constitution de faux anévrismes évaluée à 30 % alors que l'intervention était impérieusement requise ;

- à titre subsidiaire, l'évaluation des préjudices retenus est excessive.

Par un mémoire, enregistré le 17 juin 2014, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie conclut au rejet de la requête et à ce que soient mises à la charge des Hospices civils de Lyon une indemnité forfaitaire de 1 028 euros et la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que par le jugement attaqué, dont la motivation n'est pas utilement et sérieusement remise en cause, a été démontré le défaut d'information de la patiente du risque de constitution de faux anévrismes lors de la ponction biopsie, que c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé à 30 % la perte de chance pour la patiente de se soustraire à ce risque, et que sa créance définitive en lien direct avec les complications de la biopsie du 23 février 2011 n'est pas contestée.

Par un mémoire enregistré le 11 septembre 2015 Mme G...conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 7 815 euros l'indemnité mise à la charge des Hospices civils de Lyon ;

3°) à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité d'un montant total de 502 259 euros ;

4°) à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon la somme de 3 000 euros au titre des frais d'expertise, la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la responsabilité des Hospices civils de Lyon doit être engagée pour une double faute du praticien, lors de la biopsie puis de l'embolisation, caractérisée par le fait de ne pas avoir donné des soins attentifs, consciencieux, conformes aux données acquises de la science, le geste médical maladroit étant avéré, et pour un double manquement à l'obligation d'information alors que le lien de causalité entre ces fautes et le préjudice subi est évident ;

- elle est fondée à demander réparation de ses préjudices au titre des souffrances endurées, d'un préjudice esthétique temporaire, d'un bouleversement dans les conditions d'existence, d'un préjudice sexuel, de ses dépenses de santé futures, de l'assistance par une tierce personne post consolidation, de son déficit fonctionnel permanent, de son préjudice esthétique permanent et de son préjudice d'agrément.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- les arrêtés des 3 décembre 2012, 10 décembre 2013 et 19 décembre 2014 relatifs aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale à compter, respectivement, du 1er janvier 2013, du 1er janvier 2014 et du 1er janvier 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 17 septembre 2015 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant qu'en raison de troubles rénaux dont souffrait Mme G... depuis plusieurs années, pour lesquels elle était suivie depuis 2004 dans le service de néphrologie de l'hôpital Edouard Herriot, établissement relevant des Hospices civils de Lyon, et à la suite de la constatation d'une protéinurie de 2 g / 24 heures, a été posée l'indication d'une ponction biopsie rénale préalable à un éventuel traitement par corticothérapie ; que l'intéressée a subi, dans ce service, le 24 février 2011, ladite ponction biopsie rénale ; que, dans les suites de ce prélèvement, deux faux anévrismes se sont constitués, dont l'un, à l'origine d'un hématome, a justifié une embolisation artérielle ; que Mme G... a recherché la responsabilité des Hospices civils de Lyon ; que par jugement du 21 janvier 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné les Hospices civils de Lyon à verser à Mme G...une indemnité de 7 815 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie la somme de 9 596,26 euros, au motif d'une faute résultant d'un défaut d'information de la patiente relatif au risque qui s'est effectivement réalisé lors de l'intervention, et ayant engendré pour elle une perte de chance d'échapper à la réalisation dudit risque, évaluée à 30 %, ; que les Hospices civils de Lyon font appel de ce jugement en tant qu'il prononce leur condamnation ; que Mme G... conclut à la réformation du jugement et à la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité d'un montant total de 502 259 euros ;

Sur la responsabilité des Hospices civils de Lyon :

2. Considérant que qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen " ;

3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, les praticiens des établissements publics de santé ont l'obligation d'informer le patient des investigations pratiquées et de leurs résultats, en particulier lorsqu'ils comportent des risques pour sa santé ; qu'il appartient aux établissements publics de santé d'établir que cette information a été délivrée ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital lorsqu'il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention, en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que peut être niée l'existence d'une perte de chance ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport, rédigé le 14 décembre 2012 par l'expert désigné à la suite du jugement avant dire droit du 22 mai 2012, que Mme G... a reçu une information afférente à l'intervention qu'elle devait subir, ainsi qu'il ressort en particulier, d'une part, de la mention " patiente informée (Dr F...) des risques de la PBR " figurant dans le dossier de consultation lors d'une hospitalisation en ambulatoire le 7 février 2011 de Mme G... pour un bilan biologique complet et, d'autre part, de la fiche de traçabilité renseignée à l'occasion de l'intervention du 24 février 2011, mentionnant que l'information de la patiente a été effectuée ; que par ces pièces, complétées par le compte-rendu d'intervention qui précise que Mme G... a bénéficié d'une ponction biopsie rénale " après information ", et alors que la patiente avait été suivie dans le même service de l'hôpital Edouard Herriot depuis 2004, dont les praticiens avaient évoqué avec elle à plusieurs reprises la possibilité d'une telle investigation chirurgicale, les Hospices civils de Lyon établissent avoir informé Mme G... des risques que comportaient pour elle cette ponction et ainsi, nécessairement, du risque de faux anévrisme dont il n'est pas contesté qu'avec un taux de fréquence de 33 % , il constitue l'un des principaux aléas de cette intervention ; que, dès lors, c'est à tort que, pour condamner les Hospices civils de Lyon à indemniser Mme G..., le tribunal s'est fondé sur le motif tiré d'une faute résultant d'un défaut d'information de l'intéressée sur le risque effectivement réalisé ;

5. Considérant qu'il résulte également de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que, comme l'ont relevé d'ailleurs les premiers juges, en l'absence de mise en place de traitement des pseudo anévrismes causés par la ponction biopsie, Mme G...était exposée à un risque engageant le pronostic vital, et qu'ainsi, cette intervention était impérieusement requise ; que le défaut d'information sur les risques liées à celle-ci ne lui a, dès lors, fait perdre aucune chance de se soustraire à la complication d'embolisation qu'elle a connue ;

6. Considérant qu'il résulte encore de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que, comme l'ont également relevé les premiers juges, les traitements et interventions dont a bénéficié Mme G... ont été consciencieux, attentifs, diligents et conformes tant aux règles de l'art qu'aux données acquises de la science, et que ces traitements relèvent d'un fonctionnement et d'une organisation du service sans reproche ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les Hospices civils de Lyon sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon les a condamnés à verser à Mme G... une indemnité de 7 815 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie la somme de 9 596,26 euros ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : "Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts, ainsi que les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties." ;

9. Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 000 euros, mis initialement à la charge des Hospices civils de Lyon, doivent être mis à la charge de Mme G... ;

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des Hospices civils de Lyon, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme au titre des frais exposés par Mme G... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie et non compris dans les dépens ;

Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie n'est pas fondée à demander la condamnation des Hospices civils de Lyon à lui rembourser les débours exposés pour son assurée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à leur condamnation à lui verser une indemnité forfaitaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Les articles 1er à 4 du jugement n° 1107120 du 21 janvier 2014 du tribunal administratif de Lyon sont annulés.

Article 2 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 2 000 euros, sont mis à la charge de Mme G....

Article 3 : Les conclusions de Mme G... et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié aux Hospices civils de Lyon, à Mme A...G...et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Savoie.

Copie en sera adressée à M.E..., expert.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2015 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet et M.B..., présidents-assesseurs,

M. C...et MmeD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 8 octobre 2015.

''

''

''

''

1

6

N° 14LY00863


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 5
Numéro d'arrêt : 14LY00863
Date de la décision : 08/10/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ROSE

Origine de la décision
Date de l'import : 07/11/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-10-08;14ly00863 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award