La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/11/2015 | FRANCE | N°15LY00901

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 novembre 2015, 15LY00901


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions en date du 22 septembre 2014 par lesquelles de préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement,

ou, à titre subsidiaire, de procéder dans le même délai au réexamen de sa situation, et, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions en date du 22 septembre 2014 par lesquelles de préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, ou, à titre subsidiaire, de procéder dans le même délai au réexamen de sa situation, et, en toute hypothèse, de lui délivrer dans un délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour Me B... de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par ordonnance du 9 février 2015, le président du tribunal administratif de Grenoble a transmis sa demande au tribunal administratif de Lyon.

M. C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler la décision en date du 9 février 2015 par laquelle le préfet de l'Isère a ordonné son placement en rétention administrative ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer, dans un délai de trois jours à compter de la notification du jugement à intervenir, un récépissé renouvelable ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 100 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1500993 du 11 février 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du préfet de l'Isère en date du 22 septembre 2014 obligeant M. C...à quitter le territoire français, la décision du préfet de l'Isère en date du 9 février 2015 ordonnant son placement en rétention administrative, a enjoint au préfet de l'Isère de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai de trois mois suivant la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des dispositions de l'article L. 600-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 mars 2015, le préfet de l'Isère demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter les conclusions présentées pour M. C...en première instance.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge n'a pas fait droit à la fin de non-recevoir qu'il avait soulevée, dès lors qu'il appartenait à M. C...de demander l'annulation de la décision d'assignation à résidence dont il a fait l'objet le 5 janvier 2015, ainsi que de l'obligation de quitter le territoire français dans les 48 heures suivant sa notification, qu'une demande d'aide juridictionnelle ne suspend pas l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français, que la procédure spéciale souhaitée par le législateur ne peut être vidée de son sens ;

- c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation pour annuler la mesure d'éloignement et la décision de placement en rétention ;

- les autres moyens invoqués par M.C..., tirés de l'insuffisante motivation du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement, de l'erreur manifeste d'appréciation, de l'erreur de fait, du défaut d'examen personnalisé,, ne sont pas fondés ; l'intéressé ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012, dépourvue de caractère réglementaire et qui ne confère aucun droit au séjour ; le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué contre le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 mai 2015, M. A...C..., représenté par MeB..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour d'annuler les décisions du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français et placement en rétention administrative, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un récépissé renouvelable dans le délai de 3 jours et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 100 euros au titre des frais irrépétibles.

Il soutient que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il écarte la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté, dès lors qu'il avait sollicité l'aide juridictionnelle le 24 octobre 2014, en vue de contester le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français qui lui avaient été notifiés le 2 octobre 2014 et que le fait qu'il avait fait l'objet d'un arrêté d'assignation à résidence rendait seulement applicable les règles d'instruction et de jugement prévues par l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au titre de l'exception d'illégalité, le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de fait, de défaut d'examen personnalisé de sa situation, d'erreur de droit pour défaut d'examen de sa situation au regard de la circulaire du 28 novembre 2012, d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, de défaut d'examen circonstancié et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le placement en rétention administrative n'était pas nécessaire ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, d'erreur de fait et d'insuffisance de motivation.

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à M. C...par décision du 17 novembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public.

1. Considérant que le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 22 septembre 2014 obligeant M.C..., ressortissant turc, à quitter le territoire français et du 9 février 2015 ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet de l'Isère à la demande de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. (...) " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de cette loi : " Lorsqu'une action en justice doit être intentée avant l'expiration d'un délai devant la juridiction du premier degré, (...) l'action est réputée avoir été intentée dans le délai si la demande d'aide juridictionnelle s'y rapportant est adressée au bureau d'aide juridictionnelle avant l'expiration dudit délai et si la demande en justice est introduite dans un nouveau délai de même durée à compter : a) De la notification de la décision d'admission provisoire ; b) De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; c) De la date à laquelle la décision d'admission ou de rejet de la demande est devenue définitive ; d) Ou, en cas d'admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné. " ; qu'en vertu de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991, les décisions du bureau d'aide juridictionnelle peuvent faire l'objet d'un recours qui peut être exercé par l'intéressé lui-même lorsqu'il y a intérêt ou par d'autres autorités énumérées au troisième alinéa de cet article ; que l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 susvisé prévoit que le délai de recours ouvert au pétitionnaire de l'aide, est de quinze jours à compter du jour où la décision du bureau d'aide juridictionnelle lui est notifiée et de deux mois pour les autres autorités à compter du jour de la décision du bureau ; qu'ainsi, en cas de décision d'admission ou de rejet du bureau d'aide juridictionnelle, le délai de recours recommence à courir le jour où cette décision devient définitive, c'est-à-dire le jour où il n'est plus possible d'exercer contre elle l'un des recours prévus à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1991 dans les délais prévus à l'article 56 du décret du 19 décembre 1991 ou, si un tel recours est exercé, le jour où il est statué sur ce recours ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, lorsqu'un étranger fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français avec délai de départ volontaire, le délai de recours contentieux de trente jours dont il dispose est interrompu par une demande d'aide juridictionnelle déposée dans ce délai et, en cas d'admission à l'aide juridictionnelle totale, court de nouveau à l'expiration du délai de deux mois suivant la date de la décision du bureau d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, de la date de désignation de l'auxiliaire de justice ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 septembre 2014 obligeant M. C...à quitter le territoire français dans le délai de 30 jours lui a été notifié le 4 octobre 2014 ; que, le 24 octobre 2014, soit dans le délai de recours contentieux de trente jours, il a sollicité le bénéfice de l'aide juridictionnelle en vue de contester ces décisions ; que cette demande a prorogé le délai de recours contentieux ; que le bénéfice de l'aide juridique totale lui a été accordé par décision du 27 novembre 2014 ; que le délai de recours contentieux de 30 jours a recommencé à courir à compter du 27 janvier 2015 ; qu'il n'était donc pas expiré le 30 janvier 2015, date à laquelle l'avocat de M. C...a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2014 ;

6. Considérant par ailleurs que, si le préfet se prévaut de l'intention du législateur de mettre en oeuvre une procédure contentieuse spéciale, imposant au juge de statuer dans le délai de 72 heures suivant sa saisine, lorsque l'intéressé est assigné à résidence ou placé en rétention administrative, l'existence de cette procédure est sans incidence, par elle-même, sur la recevabilité du recours de l'intéressé, dès lors qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire que la circonstance que M. C...avait fait l'objet d'une assignation à résidence, par arrêté du 15 janvier 2015, aurait eu pour effet de l'obliger, à peine d'irrecevabilité, à saisir le tribunal administratif de conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de 48 heures suivant la notification de cet arrêté, délai que le préfet n'avait d'ailleurs pas mentionné à l'intéressé à l'occasion de son assignation à résidence ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a relevé que la demande tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire française n'était pas tardive ;

Sur la légalité de la mesure d'éloignement et du placement en rétention administrative :

8. Considérant que M.C..., qui a sollicité un titre de séjour en mai 2012, peu avant sa majorité, vit en France depuis 2008, soit depuis ses 14 ans, sa scolarisation sur le territoire national étant justifiée au titre de l'année scolaire 2008-2009 par une attestation du proviseur du collège olympique de Grenoble et le caractère continu de son séjour ressortant de manière suffisante des pièces du dossier ; qu'il justifie ainsi d'un séjour en France d'environ six ans, à la date de l'arrêté litigieux ; que, s'il n'est pas contesté que l'intéressé est retourné à plusieurs reprises dans son pays d'origine, cette circonstance n'est pas de nature à établir, en absence de précisions suffisantes sur la durée et la fréquence de ces retours, que M. C...aurait en réalité conservé le centre de ses intérêts en Turquie ; que l'autorité parentale le concernant a été déléguée à son frère, de nationalité française, par jugement du tribunal de grande instance de Grenoble du 4 janvier 2010 et qu'il réside toujours chez ce frère ; que, par ailleurs, il est salarié depuis janvier 2011 comme employé polyvalent dans un restaurant géré par des membres de sa famille ; que, dans ces conditions et alors même qu'il dispose d'attaches familiales dans son pays d'origine et, pour regrettable que fut la circonstance qu'il a exercé une activité professionnelle sans disposer d'une autorisation de travail, l'obligation de quitter le territoire français qui a été prise à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation particulière de l'intéressé ; que l'annulation de cette décision, entraîne par voie de conséquence, celle du placement en rétention administrative dont elle constitue le fondement ; que, dès lors, le préfet de l'Isère n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, pour ces motifs, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées par M. C...:

9. Considérant que le présent arrêt rejette les conclusions de la requête et confirme l'annulation des décisions en litige ; que, dès lors, il n'y a pas lieu d'examiner les conclusions aux fins d'annulation, qui devaient être regardées comme présentées à titre subsidiaire, par M. C... ; que cet arrêt n'appelle aucune autre mesure d'exécution que celles qui ont été ordonnées par le premier juge et dont il n'a pas été interjeté appel ; qu'il y a lieu par suite de rejeter les conclusions aux fins d'injonction ;

Sur les conclusions tendant au remboursement de frais irrépétibles :

10. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du préfet de l'Isère une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de l'Isère est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de M. C...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président de chambre,

- Mme Gondouin, premier conseiller

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2015.

''

''

''

''

N° 14LY00768

N° 15LY00901 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00901
Date de la décision : 19/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Introduction de l'instance - Délais.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : LEBLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-19;15ly00901 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award