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05/07/2016 | FRANCE | N°15LY03973

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 15LY03973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler les décisions du 30 novembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et l'a placé en rétention administrative et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du

code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juil...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de l'admettre à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'annuler les décisions du 30 novembre 2015 par lesquelles le préfet du Rhône l'a obligé à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé et l'a placé en rétention administrative et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1510074 du 4 décembre 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a admis M. E... à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle, a annulé les décisions susmentionnées du 30 novembre 2015 et a mis à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 décembre 2015, le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler ce jugement n° 1510074 du 4 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il a annulé ses décisions susmentionnées du 30 novembre 2015.

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en considérant que les stipulations du point 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant avaient été méconnues, dès lors que la sincérité des déclarations retenues à l'audience n'est pas établie, que M. E... n'a jamais sollicité de délivrance de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français ou de conjoint de français et ne produit pas de jugement de divorce lui accordant un droit de garde, que sa reconnaissance de paternité ne se justifie pas en raison de son mariage, que la présence en France de l'enfant n'est pas démontrée et que le requérant ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ce dernier.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Drouet, président assesseur, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant qu'aux termes 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

2. Considérant que M. E..., né le 6 juin 1978 et de nationalité marocaine, fait valoir dans sa demande de première instance qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille, née le 8 juin 2011 et de nationalité française, en la voyant régulièrement, l'accompagnant à l'école et lui envoyant de l'argent et que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre entraînera la séparation d'avec sa fille mineure ; que le premier juge, pour estimer par son jugement attaqué que les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 avaient été méconnues, s'est fondé sur les déclarations de l'intéressé à l'audience selon lesquelles, ayant divorcé en septembre 2011 d'avec la mère de sa fille, il assure la garde de l'enfant le mercredi après-midi et une partie des fins de semaine, il est employé le matin dans une boulangerie où son ex-épouse travaille l'après-midi, et il verse chaque mois au profit de sa fille une somme de 100 euros ; que, toutefois, l'intéressé, qui a déclaré lors de son audition le 30 novembre 2015 par les services de police avoir démissionné de son emploi en boulangerie, être sans profession, sans ressources et sans domicile fixe, n'apporte aucun commencement de preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant mineur ; que, par suite, le préfet, par sa décision contestée du 30 novembre 2015, n'a pas méconnu les stipulations précitées du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 en obligeant M. E... à quitter le territoire français ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la méconnaissance de ces stipulations pour annuler l'obligation de quitter le territoire français du 30 novembre 2015 et a annulé, par voie de conséquence, les décisions préfectorales subséquentes prises le même jour à l'encontre de M. E... ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Lyon ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que par un arrêté du 31 août 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département du 1er septembre 2015, le préfet du Rhône a notamment donné à Mme G...D..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux de la direction de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration à la préfecture du Rhône et signataire de la décision contestée, délégation à l'effet de signer notamment tous documents relevant des attributions de la direction de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, en cas d'empêchement ou d'absence de Mme H...C..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration et de M. A...F..., chef du service de l'immigration et de l'intégration ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que Mme C... et M. F...n'auraient pas été absents ou empêchés simultanément ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu du deuxième alinéa du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français doit être motivée ;

7. Considérant que l'obligation de quitter le territoire français contestée énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

8. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel et notamment pas des termes de la décision en litige, que le préfet ne soit pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. E... ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / (...) " ;

10. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 2, que M. E... n'apporte aucun commencement de preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant français mineur ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en dernier lieu, que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

12. Considérant que M. E..., né le 6 juin 1978 et de nationalité marocaine, fait valoir qu'il est entré sur le territoire français en 2009, que, de son mariage le 30 novembre 2009 avec une ressortissante française, est née, le 8 juin 2001, une enfant de nationalité française qu'il a reconnue et qu'il contribue à l'entretien et à l'éducation de sa fille en la voyant régulièrement, l'accompagnant à l'école et lui envoyant de l'argent ; que, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 2, que l'intéressé, qui a divorcé en septembre 2011 d'avec la mère de sa fille, n'apporte aucun commencement de preuve de sa contribution à l'entretien et à l'éducation de son enfant français mineur ; qu'il ne justifie pas de son entrée régulière ni de son maintien régulier sur le territoire français ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée obligeant M. E... à quitter le quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire :

13. Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;

14. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision en litige : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : / (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. / (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, la décision refusant d'accorder un délai de départ volontaire doit être motivée ;

15. Considérant que la décision contestée n'accordant pas un délai de départ volontaire énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

16. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel et notamment pas des termes de la décision en litige, que le préfet ne soit pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. E... ;

17. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel que M. E... détienne un passeport revêtu d'un visa, ni soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il a déclaré, lors de son audition par les services de police à la suite de son interpellation dans le cadre d'un tentative de vol avec effraction, qu'il était sans domicile fixe ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du f) du 3° du deuxième alinéa du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur la décision de placement en rétention administrative :

18. Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que la décision contestée de placement en rétention administrative énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement ; qu'elle satisfait ainsi à l'obligation de motivation résultant du premier alinéa de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisance de motivation de cette décision doit être écarté ;

20. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel et notamment pas des termes de la décision en litige, que le préfet ne soit pas livré à un examen particulier de la situation personnelle de M. E... ;

21. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : / (...) / 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé ; / (...) " ; que selon l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (...) " ;

22. Considérant, ainsi qu'il a été dit au point 17, que M. E... a déclaré lors de son audition par les services de police qu'il était sans domicile fixe ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du 6° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en plaçant l'intéressé en rétention administrative au lieu de l'assigner à résidence ;

23. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a, en son article 2, annulé ses décisions du 30 novembre 2015 par lesquelles il a obligé M. E... à quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination duquel il sera renvoyé et l'a placé en rétention administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du 4 décembre 2015 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande auxquelles il a été fait droit par l'article 2 du jugement précité sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... E....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Drouet, président de la formation de jugement ;

- Mme Dèche, premier conseiller ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique le 5 juillet 2016.

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N° 15LY03973


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03973
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-05;15ly03973 ?
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