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05/07/2016 | FRANCE | N°16LY00665

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 juillet 2016, 16LY00665


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer u

ne autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours suivant la notification du jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2016 par lequel le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et l'arrêté du même jour ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification du jugement à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de deux jours suivant la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600344 du 25 janvier 2016, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 février 2016, M.A..., représenté par la Selarl Deschamps et Villemagne, Avocats associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 25 janvier 2016 en tant qu'il rejette ses demandes tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire prononcée le 19 janvier 2016 par le préfet de l'Isère ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, dès lors qu'elle ne repose pas sur un refus de titre de séjour motivé ; à supposer que la motivation de cette obligation soit faite par référence à celle du refus de titre séjour pris à son encontre le 3 novembre 2014, ce refus n'accompagnait pas la mesure d'éloignement contestée ; en tout état de cause, ce refus de titre de séjour est antérieur de plusieurs mois à la mesure contestée et sa situation a nécessairement évolué dans l'intervalle ;

- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- cette obligation n'a pas été précédée de l'examen particulier de sa situation personnelle et procède d'une erreur manifeste d'appréciation de cette situation ;

- le refus de lui accorder un délai de départ volontaire est insuffisamment motivé ;

- il est illégal en ce qu'il est fondé sur une obligation de quitter le territoire français illégale ;

- il n'a pas été précédé de l'examen particulier de sa situation personnelle ;

- il méconnaît les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, ayant rejoint l'Italie en novembre 2015.

Un mémoire en défense, enregistré le 10 juin 2016, et présenté par le préfet de l'Isère, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Peuvrel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., ressortissant marocain né le 11 septembre 1994, entré en France le 30 juin 2010, selon ses déclarations, a sollicité un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette demande a été rejetée par décision du préfet de l'Isère du 3 novembre 2014, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi ; que M. A...a été assigné à résidence par arrêté du 29 janvier 2015 ; que, par arrêtés du 19 janvier 2016, le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, a fixé un pays de renvoi et ordonné son placement en rétention administrative ; que M. A...relève appel du jugement du 25 janvier 2016 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français et du refus de lui accorder un délai de départ volontaire ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. " ;

3. Considérant qu'il ressort des termes de l'obligation de quitter le territoire français contestée, prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle a été prise à la suite du refus de titre de séjour opposé à M. A...le 3 novembre 2014 ; que l'arrêté du 3 novembre 2014 du préfet de l'Isère, en tant qu'il refuse la délivrance d'un titre de séjour à M.A..., vise les textes applicables et comporte les éléments de fait sur lesquels il se fonde et est, par suite, suffisamment motivé ; que M.A..., qui, ayant reçu notification de ce refus de titre de séjour le 15 décembre 2014, a eu connaissance des motifs sur lesquels il était fondé, n'est, dans ces conditions, pas fondé à soutenir que l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français serait insuffisamment motivée ; que la circonstance, au demeurant non établie, que sa situation aurait changé entre ces deux dates, qui ne se rattache pas à la légalité externe de la mesure en litige, mais à sa légalité interne, est sans incidence sur l'appréciation du caractère suffisant de la motivation de cette mesure ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

5. Considérant que, comme en a jugé à bon droit le premier juge, par des motifs qu'il y a lieu d'adopter, l'obligation faite à M. A...de quitter le territoire français ne peut être regardée comme portant, par elle-même, une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni comme entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte ni des termes de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à l'examen préalable de la situation personnelle de M. A...;

En ce qui concerne l'absence de délai de départ volontaire :

7. Considérant qu'aux termes du II. de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2. (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, que le refus de délai de départ volontaire, qui comporte le visa des textes applicables et expose de manière précise et détaillée les motifs sur lesquels s'est fondé le préfet de l'Isère, et en particulier l'existence d'un risque que M. A...se soustraie à la mesure d'éloignement, est suffisamment motivé ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que M.A..., n'ayant pas démontré l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui des conclusions dirigées contre le refus du préfet de l'Isère de lui accorder un délai de départ volontaire ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte ni des termes de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'aurait pas procédé à l'examen préalable de la situation personnelle de M. A...;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'à supposer même que M.A..., qui a spontanément déclaré lors de son audition par les services de police qu'il était retourné en Italie d'avril à septembre 2015 et produit un billet de bus établi à son nom pour un trajet de Ciro' Marina à Turin le 2 septembre 2015, démontre avoir exécuté l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 3 novembre 2014, il ressort des termes de l'acte attaqué que le préfet de l'Isère s'est également fondé, pour estimer qu'un risque existait que M. A...se soustraie à la mesure d'éloignement, sur le fait qu'ayant été assigné à résidence en janvier 2015, il avait cessé de respecter les termes de cette décision à partir du 10 février 2015, qu'ayant été placé en rétention administrative, il avait refusé d'embarquer à bord d'un vol à destination de son pays d'origine, le 21 mai 2015, et qu'il avait ensuite présenté une demande d'asile, le 22 mai 2015, en vue de faire échec à son éloignement ; qu'il aurait pris la même décision s'il ne s'était fondé que sur ces derniers motifs ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que le refus du préfet de l'Isère de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaîtrait les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il aurait exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à l'avocat du requérant de la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 juin 2016, à laquelle siégeaient :

- M. Drouet, président de la formation de jugement ;

- Mme Dèche, premier conseiller ;

- Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 juillet 2016.

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N° 16LY00665


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00665
Date de la décision : 05/07/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : SELARL DESCHAMPS et VILLEMAGNE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-07-05;16ly00665 ?
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