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29/09/2016 | FRANCE | N°15LY03786

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15LY03786


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé le 23 juillet 2015 au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 5 décembre 2014 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à inte

rvenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé le 23 juillet 2015 au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les décisions du 5 décembre 2014 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-67 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Par jugement du 15 septembre 2015, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination du 5 novembre 2014.

Par un jugement n° 1504604 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision portant refus de titre de séjour et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, présentée pour le préfet de la Drôme, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B...présentées à l'encontre des décisions préfectorales susmentionnées du 5 décembre 2014 ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision de refus de titre de séjour en estimant que M. B...ne pouvait pas être soigné en Albanie d'une symptomatologie post-traumatique dès lors qu'il n'établit par aucun justificatif d'une pathologie ayant pour source son pays et d'un risque de réactivation ou d'aggravation de son état de santé en cas de retour en Albanie ;

- M. B...peut bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en Albanie ;

Par courrier du 4 avril 2016, l'avocat de M. B...a été mis en demeure de produire dans un délai de 15 jours.

Par mémoire enregistré le 27 juillet 2016 pour M.B..., il conclut au rejet de la requête. Il demande également la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;

- ce refus méconnaît les dispositions de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la saisine de la commission du titre de séjour ;

- ce refus méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il souffre d'une phobie post-traumatique empêchant toute possibilité de traitement en Albanie ;

- ce refus méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B...par décision du 18 août 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 septembre 2016 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de M. A...B....

1. Considérant que M. A... B..., de nationalité albanaise, né le 17 novembre 1984, est, selon ses déclarations, entré en France le 10 janvier 2013 en compagnie de son épouse et de ses deux enfants ; que le statut de réfugié lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2014 ; que cette décision a été contestée devant la Cour nationale du droit d'asile qui a rejeté son recours par décision du 23 juillet 2014 ; qu'il a également présenté, le 18 septembre 2014, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 5 décembre 2014, le préfet de la Drôme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que le 23 juillet 2015, M. B...a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à l'annulation desdites décisions du 5 décembre 2014 ; que suite au placement en rétention de M.B..., le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a, par jugement du 15 septembre 2015, annulé les décisions portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination du 5 novembre 2014 ; que par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision de refus de titre de séjour du 5 novembre 2014 et a enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois ; que le préfet de la Drôme interjette appel de ce jugement du 10 novembre 2015 ;

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale "est délivrée de plein droit : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que devant les premiers juges, le requérant s'est prévalu tout d'abord de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 6 octobre 2014 mentionnant que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins doivent en l'état actuel être poursuivis pendant 12 mois, ensuite, d'un certificat du 20 mai 2014 du Dr D...du 20 mai 2014 du centre " Droit éthique de la santé " du centre hospitalier universitaire de Lyon relatant ses dires sur sa vie en Albanie et ses conditions d'entrée en France et faisant mention de séquelles psychologiques et, enfin, d'un certificat médical du 26 août 2014 du DrC..., médecin psychiatre évoquant une symptomatologie post-traumatique (phobie et dépression) et indiquant qu'il ne peut recevoir aucun traitement en Albanie alors qu'il pourrait guérir en France ; que toutefois, comme indiqué par le préfet de la Drôme, les certificats médicaux produits reprennent les seules déclarations de l'intéressé et ne mentionnent pas un lien direct de la pathologie actuelle de M. B...avec certains éléments précis vécus en Albanie par ce dernier, et susceptibles d'aggraver ou de réactiver ses troubles en cas de retour en Albanie ; que le préfet a en première instance produit différentes pièces établissant à la date de refus de séjour l'existence d'un suivi des maladies psychiatriques et psychologiques y compris les stress post-traumatiques en Albanie ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les traumatismes, au demeurant non étayées par des justificatifs probants, liés aux événements, notamment familiaux, et aux menaces que M. B... indique avoir subies, seraient tels qu'ils feraient obstacle à l'efficacité de tout traitement ou suivi qui y serait prodigué ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision de refus de séjour en litige, les premiers juges, après avoir estimé inexactement qu'aucun traitement adapté à la pathologie de M. B...n'existait en Albanie, se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet de la Drôme des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de la demande par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

Sur les autres moyens invoqués par M. B...:

En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, que cette décision qui précise les conditions d'entrée et de séjour du requérant et de sa famille, qui mentionne notamment les refus opposés à sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ainsi que le fondement de sa demande de titre de séjour et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est suffisamment motivée en fait et en droit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qu'indique M.B..., il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a été consulté par le préfet de la Drôme ; que ce moyen manque donc en fait ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. B...fait valoir qu'il a vécu deux ans en France dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour au titre de son état de santé ; qu'il indique n'avoir jamais causé de trouble à l'ordre public et avoir appris rapidement le français, montrant ainsi sa volonté d'intégration ; qu'il mentionne que son état de santé est défaillant ; que toutefois, M. B...et sa famille ne résidaient en France que depuis 22 mois à la date de l'arrêté contesté ; que la circonstance qu'il a suivi des cours de français entre septembre 2013 et juin 2014 ne saurait suffire en tant que telle à démontrer l'existence de liens stables et durables en France ; que comme exposé plus haut, il peut avoir accès à un traitement adapté en Albanie ; qu'il est constant que M. B...conserve des liens familiaux et sociaux en Albanie, pays dans lequel il a vécu 29 ans avant son entrée en France ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée de résidence en France de M.B..., la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, M. B...ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, contrairement à ce qu'il soutient, le préfet de la Drôme n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 5 décembre 2014 refusant un titre de séjour à M.B... ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais d'instance non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande de M. A...B...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

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N° 15LY03786


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03786
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DEBBACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-29;15ly03786 ?
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