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29/09/2016 | FRANCE | N°15LY03787

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2016, 15LY03787


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...A...a demandé le 23 juillet 2015 au tribunal administratif de Grenoble:

- d'annuler les décisions du 5 décembre 2014 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à

intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexamine...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D...A...a demandé le 23 juillet 2015 au tribunal administratif de Grenoble:

- d'annuler les décisions du 5 décembre 2014 par lesquelles le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours tout en fixant le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-67 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Par un jugement n° 1504602 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 5 décembre 2014 et a enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois ;

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2015, présentée pour le préfet de la Drôme, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 ;

2°) de rejeter les conclusions de Mme A...à fin d'annulation des décisions du 5 décembre 2014 susmentionnées ;

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont annulé sa décision de refus de titre de séjour en estimant que Mme A...ne pouvait pas être soignée en Albanie d'une symptomatologie post-traumatique dès lors qu'elle n'établit par aucun justificatif d'une pathologie ayant pour source son pays et d'un risque de réactivation ou d'aggravation de son état de santé en cas de retour en Albanie ;

- Mme A...peut bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en Albanie ;

- il persiste dans ses écritures et confirme l'ensemble des motifs développés en première instance pour écarter tous les moyens exposés par Mme A...devant les premiers juges ;

Par courrier du 4 avril 2016, l'avocat de Mme A...a été mis en demeure de produire dans un délai de 15 jours ;

Par mémoire enregistré le 27 juillet 2016 pour MmeA..., elle conclut au rejet de la requête. Elle demande également la condamnation de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- en ce qui concerne le refus de titre de séjour : il est insuffisamment motivé ; il méconnaît les dispositions de l'article L.312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur la saisine de la commission du titre de séjour ; il méconnaît les dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire : cette décision ne repose sur aucune base légale dès lors que le refus de titre est illégal ; le préfet a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée par rapport au refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation ;

- en ce qui concerne le délai de départ de 30 jours : un délai supplémentaire supérieur à 30 jours aurait dû lui être accordé compte tenu de sa situation familiale ;

- en ce qui concerne le pays de destination : cette décision est insuffisamment motivée par rapport à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est dépourvue de fondement légal dès lors que le refus de titre et l'obligation de quitter le territoire sont illégaux ; le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas sa demande au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

L'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme A...par décision du 18 août 2016 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 8 septembre 2016 :

- le rapport de Mme Cottier, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

1. Considérant que Mme D...A..., de nationalité albanaise, née le 22 mars 1987, est, selon ses déclarations, entrée en France le 10 janvier 2013 en compagnie de son époux et de leurs deux enfants ; que le statut de réfugiée lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 janvier 2014 ; que cette décision a été contestée devant la Cour nationale du droit d'asile, qui a rejeté son recours par décision du 23 juillet 2014 ; qu'elle a également présenté, le 18 septembre 2014, une demande de titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 5 décembre 2014, le préfet de la Drôme a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que par jugement du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé lesdites décisions du 5 décembre 2014 et a enjoint au préfet de prendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois ; que le préfet de la Drôme interjette appel de ce jugement du 10 novembre 2015 ;

Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale "est délivrée de plein droit : A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;

3. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant que devant les premiers juges, Mme A...s'est prévalue de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé du 6 octobre 2014 mentionnant que l'état de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existe pas dans son pays d'origine et que les soins nécessités par son état de santé doivent en l'état actuel être poursuivis pendant 12 mois, ainsi que d'un certificat médical du 26 août 2014 du DrB..., médecin psychiatre évoquant une symptomatologie post-traumatique (phobie et dépression) et indiquant qu'elle ne peut recevoir aucun traitement en Albanie alors qu'elle pourrait guérir en France, ledit certificat faisant également référence à un certificat du 20 mai 2014 du Dr C...du centre " Droit éthique de la santé " du centre hospitalier universitaire de Lyon relatant les dires de son époux sur leur vie en Albanie et leurs conditions d'entrée en France et faisant mention pour son époux de séquelles psychologiques ; que toutefois, comme indiqué par le préfet de la Drôme, les certificats médicaux produits reprennent les seules déclarations de l'intéressée ou celles de son époux et ne mentionnent pas un lien direct de la pathologie actuelle de Mme A...avec certains éléments précis vécus en Albanie par cette dernière, et susceptibles d'aggraver ou de réactiver sa pathologie en cas de retour en Albanie ; que le préfet a, en première instance, produit différentes pièces établissant à la date de refus de séjour l'existence en Albanie d'un suivi des maladies psychiatriques et psychologiques y compris les stress post-traumatiques ; que Mme A...n'a produit en appel aucun élément pour préciser les séquelles psychologiques dont elle est atteinte et leurs origines ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les traumatismes liés aux événements, notamment familiaux, et aux menaces, au demeurant non étayées par des justificatifs probants, que Mme A...indique avoir subies, seraient tels qu'ils feraient obstacle à l'efficacité de tout traitement ou suivi qui y serait prodigué ; que, dès lors, c'est à tort que, pour annuler les décisions préfectorales du 5 décembre 2014 en litige, les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de la méconnaissance par le préfet de la Drôme des stipulations précitées 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile après avoir estimé qu'aucun traitement adapté à la pathologie de Mme A...n'existait en Albanie ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de la demande par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...tant devant le tribunal administratif que devant la cour ;

Sur les autres moyens invoqués par Mme A...:

En ce qui concerne la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

6. Considérant, en premier lieu, que cette décision qui précise les conditions d'entrée et de séjour de Mme A...et de sa famille, qui mentionne notamment les refus opposés à sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile ainsi que le fondement de sa demande de titre de séjour et l'avis du médecin de l'agence régionale de santé est suffisamment motivée en fait et en droit ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que contrairement à ce qu'indique MmeA..., il ressort des pièces du dossier que le médecin de l'agence régionale de santé a été consulté par le préfet de la Drôme ; que ce moyen manque donc en fait ;

8. Considérant, en troisième lieu, que Mme A...fait valoir qu'elle a vécu deux ans en France dans le cadre de l'examen de sa demande d'asile et de sa demande de titre de séjour au titre de son état de santé ; qu'elle indique n'avoir jamais causé de trouble à l'ordre public et avoir appris rapidement le français montrant ainsi sa volonté d'intégration ; qu'elle mentionne que son état de santé est défaillant ; que toutefois, Mme A...et sa famille ne résidaient en France que depuis 22 mois à la date de l'arrêté contesté ; que la production par l'intéressée d'éléments relatifs aux cours de français suivis par son époux n'établit pas une insertion sociale de Mme A... ; que, comme exposé plus haut, elle peut avoir accès à un traitement adapté en Albanie ; qu'il est constant que Mme A...conserve des liens familiaux et sociaux en Albanie, pays dans lequel elle a vécu 25 ans avant son entrée en France ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la courte durée de résidence en France de Mme A..., la décision de refus de séjour en litige n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11 et L. 314-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;

10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, Mme A...ne peut prétendre à la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, contrairement à ce qu'elle soutient, le préfet de la Drôme n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

11. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme A... ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

12. Considérant, en deuxième lieu que, Mme A...s'étant vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 5 décembre 2014, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans lequel le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

13. Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté contesté a été signé par M. Etienne Desplanques, secrétaire général de la préfecture de la Drôme, qui disposait d'une délégation de signature du préfet de la Drôme, par arrêté du 26 mai 2014 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, à l'effet de signer notamment tous actes et documents administratifs relevant des services de la préfecture et de la fonction de direction des services déconcentrés de l'Etat, à l'exception de certains actes parmi lesquels ne figurent ni les obligations de quitter le territoire français ni les décisions fixant le pays de renvoi ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué doit être écarté comme manquant en fait ;

14. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet s'est cru en situation de compétence liée pour assortir ce refus de titre d'une obligation de quitter le territoire ;

15. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d 'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l 'agence régionale de santé ; (...) " ;

16. Considérant qu'eu égard à ce qui a été exposé plus haut, Mme A...pouvant bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie en Albanie, la décision du préfet de la Drôme l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

17. Considérant, en sixième et dernier lieu, que Mme A...se borne à se prévaloir de sa situation personnelle et familiale sans autre précision ; que comme il a été dit plus haut, l'intéressée peut bénéficier d'un traitement adapté à sa pathologie et ne vivait que depuis 22 mois en France à la date de la décision en litige ; que, par suite, eu égard au caractère récent de l'entrée en France de Mme A...et de sa famille, et au fait qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, le moyen tiré de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle doit être écarté ;

Sur la décision de départ volontaire :

18. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compte de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. (...) " ;

19. Considérant que Mme A...se borne à invoquer, sans autre précision, la situation scolaire de ses enfants scolarisés, pour l'une en CP et pour l'autre en maternelle, et l'existence d'un suivi médical par les membres de la famille, pour contester le délai de 30 jours accordé par le préfet de la Drôme pour exécuter cette obligation de quitter le territoire ; que, compte tenu d'une telle argumentation, le moyen tiré de l'erreur manifeste commise par le préfet de la Drôme dans l'appréciation de la situation de MmeA..., dirigé contre la décision fixant le délai de départ volontaire à trente jours, doit être écarté ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

20. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que Mme A...ne peut exciper de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français au soutien de ses conclusions tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que cette décision qui précise la nationalité de Mme A..., les conditions d'entrée et de séjour de cette dernière et de sa famille et qui mentionne notamment les refus opposés à sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile et l'absence de méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales comporte les considérations de droit et de fait qui la fonde et est par suite suffisamment motivée ;

22. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des termes de cette décision que le préfet a examiné la situation de l'intéressée au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi le moyen tiré de l'erreur de droit à ne pas avoir réalisé un tel examen manque en fait ;

23. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ; qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ;

24. Considérant que Mme A...fait valoir qu'elle et sa famille ont déposé une demande d'asile en France en 2013 dans le cadre d'une vengeance coutumière lancée à leur encontre par des voisins qui aurait été à l'origine de plusieurs décès dans sa belle-famille, d'attaques armées contre son époux en 1998 et en 2007 le laissant grièvement blessé, de menaces de mort en 2011 et d'un enlèvement à la sortie d'un parc de Tirana assorti d'une séquestration de plusieurs jours en 2012 d'elle-même et d'une de ses filles ; qu'elle allègue également en appel que d'autres membres de sa belle-famille auraient fui l'Albanie en 2015 et 2016 dans le cadre de violences commises à l'encontre d'un des frères de son mari et auraient demandé l'asile pour ce motif ; que toutefois les demandes d'asile de Mme A...et de son époux ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 31 janvier 2014, puis par la Cour nationale du droit d'asile le 23 juillet 2014 ; que les pièces au dossier, qui se bornent à des attestations de membres de la belle-famille de Mme A...établies avant juin 2014 sur l'existence de relations conflictuelles avec des voisins et à des attestations de personnes subodorant un enlèvement de Mme A...en septembre 2012, ne permettent pas d'établir l'actualité et la réalité de menaces de personnes privées en cas de retour en Albanie de Mme A... et de sa famille, ni l'incapacité des autorités albanaises à assurer leur protection ; que les seuls dires en appel de MmeA..., quant à une arrivée en France d'autres membres de sa belle-famille fin 2015 et 2016 en raison de violences sur l'un des frères de son époux, ne sauraient pas plus établir l'actualité et la réalité de menaces de personnes privées en cas de retour en Albanie, ni l'incapacité des autorités albanaises à assurer la protection de cette dernière et de sa famille ; que par ailleurs, elle n'allègue pas faire l'objet de menaces ou avoir subi des violences de la part des autorités albanaises ; qu'en conséquence, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L.513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par la décision fixant le pays de destination, doivent être écartés ;

25. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions du 5 décembre 2014 refusant un titre de séjour à MmeA..., portant obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

26. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée font obstacle à ce qu'une somme quelconque soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais d'instance non compris dans les dépens;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme A...devant le tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions en appel aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 septembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2016.

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N° 15LY03787


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03787
Date de la décision : 29/09/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DEBBACHE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/11/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-09-29;15ly03787 ?
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