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03/01/2017 | FRANCE | N°15LY01610

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 03 janvier 2017, 15LY01610


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Addex Pharmaceuticals France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n°1205395 du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2015 et un mémoire, enregistré

le 15 septembre 2015, la SAS Addex Pharmaceuticals France, représentée par Me A..., demande à la c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Addex Pharmaceuticals France a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard correspondants qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007.

Par un jugement n°1205395 du 9 mars 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2015 et un mémoire, enregistré le 15 septembre 2015, la SAS Addex Pharmaceuticals France, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 9 mars 2015 ;

2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS Addex Pharmaceuticals France soutient que :

- le tribunal administratif de Grenoble a insuffisamment motivé son jugement au regard du moyen tiré des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée et leur interprétation au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal administratif de Grenoble a procédé de son propre chef à une substitution de base légale, par la référence à l'article 259 du code général des impôts en lieu et place de l'article 259 A 4° du même code, sans demande expresse de l'administration fiscale ; pour ce motif, il incombe au juge d'appel de soulever d'office le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué ;

- le jugement du tribunal administratif de Grenoble est entaché d'une erreur de droit quant à l'application des règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée aux prestations qu'elle rend à son homologue suisse ;

- l'administration fiscale s'est référée à la seule nature apparente des prestations sans rechercher si celles-ci répondent effectivement à la définition des prestations scientifiques donnée par la Cour de justice de l'Union européenne qui retient le caractère complexe des prestations ainsi que la pluralité des destinataires ; l'administration fiscale elle-même a relevé que la société Addex France, " élabore, développe et valide des tests " sur rongeurs dans des domaines de recherche précis et réalise les tests pour une molécule donnée ; il s'agit de prestations immatérielles au sens de l'article 259 B du code général des impôts et non des prestations scientifiques au sens de l'article 259 A 4° du même code et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; la définition de la Cour de justice de l'Union européenne n'exige pas un travail d'analyse pour caractériser des prestations immatérielles, même si un tel travail existe au cas présent ; l'administration fiscale retient la même interprétation dans ses commentaires n° 71 et 72 publiés dans l'instruction 3 A-1-10 du 4 janvier 2010 ; les travaux réalisés pour la société Addex Suisse incluent une part d'analyse des données produites, mais ne s'adressent pas à une pluralité de destinataires, et ne peuvent dès lors être qualifiées de scientifiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 août 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par une ordonnance en date du 28 juillet 2016 , la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2016.

Vu les autres pièces du dossier;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice des communautés européennes le 9 mars 2006, dans l'affaire C-114/05 Gillian Beach Ltd ;

- l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 7 octobre 2010 dans l'affaire C-222-09 Kronospan Mielec sp. Z.o.o ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que la SAS Addex Pharmaceuticals France (SAS Addex France) est, avec la société de droit suisse Addex Pharma SA, filiale à 100 % de la holding suisse Addex Therapeutics LTD (anciennement dénommée Addex Pharmaceuticals LTD SA), ces sociétés étant dédiées à la recherche dans le domaine médical et pharmaceutique aux fins de développer de nouvelles molécules pour le traitement des maladies du système nerveux central ; que la SAS Addex France a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2007, période prolongée jusqu'au 31 mars 2009 en matière de taxe sur la valeur ajoutée à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des droits supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, notifiés selon la procédure contradictoire, par une proposition de rectification du 30 juillet 2009 assortis des intérêts de retard ; qu'après avoir obtenu un entretien avec le supérieur hiérarchique puis avec l'interlocuteur interrégional, la SAS a saisi du litige la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qui s'est déclarée incompétente ; que la SAS Addex France a contesté ces impositions supplémentaires par une réclamation du 27 février 2012 que l'administration fiscale a rejetée par décision du 13 août 2012 ; que cette société relève appel du jugement du 9 mars 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, pour rejeter la demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée présentée par la SAS Addex Pharmaceuticals France, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que la requérante n'établissait pas que les prestations rendues à l'égard de son homologue suisse relevaient de celles visées par le 4° de l'article 259 B du code général des impôts instaurant une dérogation par rapport aux dispositions de l'article 259 du code général des impôts relatives à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'après avoir relevé que la requérante ne soutenait pas exercer une activité se situant hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, il a écarté l'assimilation des prestations rendues par la SAS Addex France aux catégories de prestations de service visées à l'article 259 A du même code ; que, ce faisant, il n'a pas méconnu l'office du juge de l'impôt qui est de qualifier juridiquement les faits pour en déduire le régime d'imposition applicable ; qu'en estimant que les prestations litigieuses ne relevaient pas des dispositions dérogatoires à l'article 259 du code général des impôts, il ne peut être regardé comme ayant procédé à une substitution de base légale de son propre chef, alors d'ailleurs qu'il résulte de l'instruction que les redressements litigieux notifiés par l'administration fiscale étaient fondés à la fois sur les dispositions des articles 259 et de l'article 259 A du code général des impôts ; que, par suite, la SAS Addex France n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité ;

3. Considérant que le jugement attaqué est suffisamment motivé tant en ce qui concerne le moyen tiré de l'application des règles de territorialité en matière de taxe sur la valeur ajoutée qu'en ce qui concerne l'interprétation des dispositions du code général des impôts applicables en la matière au regard de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ; que, par suite, le moyen manque en fait et doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

4. Considérant qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 259 du code général des impôts, alors en vigueur : " Le lieu des prestations de services est réputé se situer en France lorsque le prestataire a en France le siège de son activité ou un établissement stable à partir duquel le service est rendu ou, à défaut, son domicile ou sa résidence habituelle " ; qu'aux termes de l'article 259 B du même code dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " Par dérogation aux dispositions de l'article 259, le lieu des prestations suivantes est réputé se situer en France lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France et lorsque le preneur est un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée qui a en France le siège de son activité ou un établissement stable pour lequel le service est rendu ou, à défaut, qui y a son domicile ou sa résidence habituelle : (...) 4° Prestations des conseillers, ingénieurs, bureaux d'études dans tous les domaines y compris ceux de l'organisation de la recherche et du développement ; prestations des experts-comptables ; (...) Le lieu de ces prestations est réputé ne pas se situer en France même si le prestataire est établi en France lorsque le preneur est établi hors de la communauté européenne (...) " ; que les règles de territorialité de la taxe sur la valeur ajoutée sont celles qui sont applicables à la date du fait générateur de cette taxe ;

5. Considérant que le groupe Addex est formé d'une holding SA Addex Pharmaceuticals LTD basée en Suisse qui détient 100 % du capital d'une société de droit suisse Addex Pharmaceuticals SA (Addex CH) également basée en Suisse et de la SAS Addex Pharmaceuticals France (Addex France) dont le siège social se situe à Archamps (74600) ; qu'il résulte de l'instruction que la SAS Addex France réalise pour le compte de la société suisse Addex CH des tests pharmacocinétiques et toxicologiques sur des rongeurs en vue de tester " in vivo " les molécules développées par la société suisse pour des applications pharmaceutiques destinées au traitement des maladies du système nerveux central ; que ces tests, effectués sur le territoire français, ont donné lieu, au titre de la période litigieuse à une facturation mensuelle selon une grille tarifaire préétablie prévue en annexe de la convention précitée déterminant le coût de chaque test ; que la SAS Addex France estimant relever des dispositions dérogatoires du 4° de l'article 259 B du code général des impôts facturait ses prestations, qui constituent selon elle des " prestations immatérielles ", à la société suisse Addex CH, en exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont la SAS Addex France a fait l'objet, l'administration fiscale a estimé que les prestations rendues, matériellement localisables en France, devaient être regardées comme des prestations scientifiques entrant dans le champ d'application du a du 4° de l'article 259 A 4° du code général des impôts, et dès lors imposables à la taxe sur la valeur ajoutée en France ;

6. Considérant que, conformément à la jurisprudence européenne en la matière, la qualification de la prestation rendue ne peut être appréciée qu'au regard de son contenu ; qu'à cet égard, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes dans ses arrêts du 20 février 1997, Commissioners of Customs et Excise c/ DFDS A/S (C-260/95) et du 28 juin 2007, Planzer Luxembourg SARL (C-73/06), " la prise en compte de la réalité économique constitue un critère fondamental pour l'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée " ; que, toutefois, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé, dans son arrêt du 16 septembre 1997, von Hoffmann, 145/96, Rec. p. I 4857, point 15, que " l'article 9, paragraphe 2, sous e), troisième tiret, de la sixième directive vise, non pas des professions, telles que celles d'avocats, de conseillers, d'experts comptables ou d'ingénieurs, mais des prestations, le législateur de l'Union utilise les professions qui sont mentionnées dans cette disposition comme moyen de définir les catégories de prestations qui y sont visées " ; qu'ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 7 octobre 2010, Kronospan Mielec sp. z.o.o, Aff. 222/09, " l'exercice de la profession d'ingénieur recouvre des prestations qui se caractérisent par le fait qu'il s'agit non seulement d'appliquer des connaissances et des procédés existants à des problèmes concrets, mais aussi d'acquérir de nouvelles connaissances et de développer des procédés nouveaux pour résoudre ces mêmes problèmes ou des problèmes nouveaux " ; que la commission européenne considère que les prestations de services consistant en des analyses en laboratoire d'échantillons de produits pharmaceutiques doivent être regardées comme des " prestations de conseillers, ingénieurs, bureaux d'études ou autres " en raison de leur caractère intellectuel ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les prestations de services exécutées en France par la société requérante au cours de la période litigieuse pour le compte de son homologue suisse Addex CH consistaient en la réalisation de tests pharmacocinétiques et toxicologiques in vivo sur des rongeurs de molécules pharmaceutiques fournies par le preneur suisse ; que ces prestations étaient facturées selon une grille tarifaire annexée à une convention intragroupe " Framework service agreement " liant la société française à la société Addex CH ; que l'administration fiscale a estimé que la société Addex France devait être regardée comme ayant réalisé au cours de la période litigieuse des prestations de service entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens de l'article 259 du code général des impôts ; que, si la société requérante soutient qu'il s'agit de prestations similaires à celles rendues par des ingénieurs ou des bureaux d'études, entrant pour ce motif dans le champ de la dérogation prévue au 4° de l'article 259 B du code général des impôts en matière de taxe sur la valeur ajoutée, il résulte de l'instruction que les prestations litigieuses se limitent à la réalisation des tests sur animaux et à la transmission des résultats de ces tests à la société suisse qui seule dispose des compétences nécessaires pour procéder à l'analyse des résultats ; qu'une " note sur les transactions intragroupe et sur les prix de transfert " du groupe Addex Pharma précise d'ailleurs qu'aucune analyse, ni aucun rapport n'est requis de la SAS Addex France dans le cadre de l'exécution des tests facturés à son donneur d'ordre suisse ; que, si la requérante soutient désormais que les prestations rendues comportaient une part d'analyse des résultats, elle n'apporte aucun élément justificatif au soutien de ses allégations ; que si elle soutient que les opérateurs effectuant les tests sont titulaires de doctorat et de licence universitaire, elle ne l'établit pas ; que, dans ces conditions, les prestations réalisées ne peuvent être regardées comme similaires à des prestations rendues par des ingénieurs au sens des dispositions précitées de l'article 259 B 4° du code général des impôts ; que, par suite, sans qu'il y ait lieu de rechercher si elle pouvait soumettre ces prestations à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l'article 259 A du code général des impôts, l'administration fiscale a pu à bon droit les y soumettre en vertu des seules dispositions de l'article 259 du même code ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SAS Addex France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Addex Pharmaceuticals France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Addex Pharmaceuticals France et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2016, à laquelle siégeaient :

M. Fraisse, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2017.

2

N° 15LY01610


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01610
Date de la décision : 03/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-01-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Personnes et opérations taxables. Territorialité.


Composition du Tribunal
Président : M. FRAISSE
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TERRADE
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SCOTTO et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 17/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-03;15ly01610 ?
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