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10/01/2017 | FRANCE | N°14LY02921

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 10 janvier 2017, 14LY02921


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève à réparer les préjudices qu'elle a subis, qui ont leur origine dans des fautes d'organisation de cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève à lui verser une provision de 5 000 euros ;

3°) de diligenter une expertise portant sur l'évaluation de ses préjudices ;

4°) de condamner ledit centre hospitalie

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève à réparer les préjudices qu'elle a subis, qui ont leur origine dans des fautes d'organisation de cet établissement ;

2°) de condamner le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève à lui verser une provision de 5 000 euros ;

3°) de diligenter une expertise portant sur l'évaluation de ses préjudices ;

4°) de condamner ledit centre hospitalier spécialisé à lui verser une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Par jugement n° 1303787 du 18 juillet 2014, le tribunal administratif de Grenoble a condamné solidairement le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève et la société hospitalière d'assurances mutuelles, son assureur, à verser à Mme B...une somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices, et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 septembre 2015 et complétée le 3 juin 2015, le centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève ainsi que la société hospitalière d'assurances mutuelles, représentés par Me Le Prado, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2014 ;

2°) de rejeter les conclusions de MmeB... ;

Ils soutiennent que :

- la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la SHAM ;

- les premiers juges, en condamnant solidairement le CHS et son assureur, la SHAM, à indemniser Mme B...de ses préjudices, ont statué " ultra petita " et dénaturé les conclusions de l'intéressée ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la responsabilité du CHS, dès lors que l'agression dont Mme B...a été victime était imprévisible puisque le passé de l'agresseur ne justifiait pas la mise en place d'une surveillance renforcée ; Mme B...a fait l'objet d'une surveillance adaptée à sa pathologie ; l'agression ne peut être regardée comme étant en lien direct et certain avec une quelconque défaillance du CHS ;

Par un mémoire en défense enregistré le 15 janvier 2015, Mme B...conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire du CHS de Saint-Egrève et de la SHAM tant la réparation de ses préjudices que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre la SHAM ;

- la responsabilité du CHS de Saint-Egrève doit être reconnue dès lors que des manquements à l'obligation de surveillance et de sécurité des patients ainsi qu'une défaillance dans l'organisation du service peuvent être constatés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

- le décret n° 98-111 du 27 février 1998 ;

- le code de la santé publique ;

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Faessel, président ;

- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public.

1. Considérant que Mme B...a été hospitalisée le 22 septembre 2010 dans l'unité Apex du centre hospitalier spécialisé (CHS) de Saint-Egrève pour traiter un état dépressif sévère ; que, le 29 septembre suivant, vers 13h00, lors de la relève des infirmiers, elle a été victime d'une agression à caractère sexuel par un autre patient, dans sa chambre située à l'opposé du bureau des infirmiers ; qu'elle estime que cette circonstance est liée à un défaut d'organisation du service ; que le CHS de Saint-Egrève et la Société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), son assureur, interjettent appel du jugement du 18 juillet 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble les a condamnés solidairement à verser à Mme B...une somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices ;

Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative :

2. Considérant qu'en vertu de l'article 2 de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 et de l'article 29 du code des marchés publics, en vigueur jusqu'au 31 mars 2016, un contrat d'assurance passé par une des personnes morales de droit public soumises aux dispositions de ce code au regard de son article 2 présentait le caractère d'un contrat administratif ; qu'il s'ensuit que l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du code des assurances à la victime d'un dommage contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre relève de la compétence de la juridiction administrative, hormis l'hypothèse, étrangère à l'affaire, où le litige aurait été porté devant une juridiction judiciaire avant la date d'entrée en vigueur de la loi du 11 décembre 2001 ; que, dès lors, l'exception d'incompétence de la juridiction administrative, soulevée par le CHS de Saint-Egrève et la SHAM, son assureur, ne peut qu'être rejetée ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la demande présentée par Mme B... aux premiers juges a constamment porté sur l'engagement de " la responsabilité du CHS DE ST EGREVE et de son assureur la SHAM ", sollicitant ainsi de la part de la juridiction une condamnation solidaire de cet établissement et de la SHAM ; qu'il s'ensuit que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité au motif que les premiers juge auraient statué " ultra petita " en les condamnant solidairement à indemniser MmeB... ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il est constant que Mme B...a été victime, le 29 septembre 2010, d'une agression à caractère sexuel commise par un patient du CHS ; qu'il résulte de l'instruction que l'auteur de l'agression a déclaré avoir attendu l'heure de la pause du déjeuner, qu'il savait correspondre à une période de moindre surveillance de la part du personnel soignant, pour s'introduire dans la chambre de Mme B...et lui imposer une relation sexuelle ; que le docteur Christine Heyward-Blandin, chef de service au pavillon Apex où résidait MmeB..., a indiqué aux gendarmes chargés de l'enquête que la chambre de la victime se situe " à l'extrémité du pavillon et qu'il est impossible d'entendre et de voir ces chambres depuis l'office infirmier " ; que ce même médecin présente Mme B... comme étant " une jeune fille très mal, très inhibée " et " particulièrement vulnérable " ; que l'unité Apex du centre hospitalier de Saint-Egrève, dont la fonction est d'accueillir provisoirement des patients issus des urgences psychiatriques, mais qui ne font pas l'objet d'un contrôle étroit et ne sont pas enfermés dans leurs chambres, ne pratiquait pas de séparation systématique entre les hommes et les femmes ; qu'aucun système d'alerte n'était installé dans les chambres alors que, bien que ne recevant pas de patients expressément qualifiés de dangereux, le service est exposé au comportement de certain d'entre eux, qui présentent des troubles psychiques graves et sont susceptibles de mettre en péril la sécurité des personnes fréquentant l'établissement, lesquelles, ainsi que MmeB..., peuvent elles-mêmes présenter une grande fragilité ; qu'en de telles circonstances, il appartenait au CHS de Saint-Egrève de prendre des mesures particulières de protection, soit en organisant une séparation stricte de certains au moins des patients, soit en recourant à une surveillance constante de la circulation des personnes ; qu'ainsi les conditions dans lesquelles Mme B... a été victime d'une agression manifestent un défaut de surveillance et d'organisation du service, de nature à engager la responsabilité du CHS de Saint-Egrève, quand bien même l'agresseur n'était pas connu pour des antécédents en la matière et avait été hospitalisé sur sa seule demande ;

5. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, le tribunal a fait une juste appréciation en condamnant solidairement le CHS de Saint-Egrève et la SHAM à verser la somme de 10 000 euros à Mme B...en réparation du préjudice moral, seul effectivement invoqué, subi par l'intéressée ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire du CHS de Saint-Egrève et de la SHAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par MmeB..., et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du CHS de Saint-Egrève et de la SHAM est rejetée.

Article 2 : Le CHS de Saint-Egrève et la SHAM verseront solidairement à Mme B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier spécialisé de Saint-Egrève, à la SHAM et à Mme A...B.... Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 8 décembre 2016 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 janvier 2017.

N° 14LY02921 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02921
Date de la décision : 10/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute simple : organisation et fonctionnement du service hospitalier.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Xavier FAESSEL
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-01-10;14ly02921 ?
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