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14/03/2017 | FRANCE | N°15LY03864

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 14 mars 2017, 15LY03864


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Villard-Léger a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 avril 2010 par lequel le préfet de la Savoie a accordé à M. D... un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle au lieu-dit la Bottière, sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1002518 du 15 janvier 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, a mis à la charge de l'Etat le versement à la commune de Villard-Léger d'une somme de 1 5

00 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Villard-Léger a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 13 avril 2010 par lequel le préfet de la Savoie a accordé à M. D... un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle au lieu-dit la Bottière, sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1002518 du 15 janvier 2013, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté, a mis à la charge de l'Etat le versement à la commune de Villard-Léger d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté les conclusions présentées par M. D...au même titre à l'encontre de la commune.

Par un arrêt n° 13LY00643 du 12 juillet 2013, la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement du tribunal administratif de Grenoble.

Par décision n° 372045 du 25 novembre 2015, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt du 12 juillet 2013 et a renvoyé l'affaire à la cour.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée au greffe de la cour le 13 mars 2013 et des mémoires enregistrés les 17 mai et 4 juin 2013, le 17 décembre 2015 et le 1er février 2017, M. A... D..., représenté la Selarl CDMF avocats affaires publiques, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 janvier 2013 ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Villard-Léger devant le tribunal administratif de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge la commune de Villard-Léger une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé en ce qu'il se borne à reconnaître l'intérêt pour agir de la commune de Villard-Léger sans préciser ce qui permet de le caractériser ;

- la commune ne justifie d'aucun intérêt pour demander l'annulation d'un permis de construire qui ne lui fait pas grief ;

- le préfet était bien compétent pour délivrer le permis de construire au nom de l'Etat au titre de son pouvoir hiérarchique et en présence, de surcroît, d'avis divergents du service instructeur de l'Etat et du maire ;

- le permis n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme, s'agissant des conditions de desserte ;

- le moyen selon lequel le préfet aurait dû surseoir à statuer sur le fondement de l'article L. 111-7 du code de l'urbanisme est inopérant dès lors que le document en cours d'élaboration est une simple carte communale ;

- la commune ne peut utilement invoquer la règle de constructibilité limitée de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme, s'agissant d'une demande de permis confirmée après annulation, par un jugement devenu définitif, d'un précédent refus comme fondé à tort sur cette règle.

Par des mémoires enregistrés le 15 mai 2013 et le 27 janvier 2017, ainsi qu'un mémoire enregistré le 10 février 2017 qui n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la commune de Villard-Léger, représentée la SCP cabinet Denarié-Buttin-Bern et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'autorité hiérarchique du préfet ne l'autorise pas à se substituer au maire dans l'exercice de sa compétence pour délivrer les permis de construire au nom de l'Etat sans qu'un désaccord formel entre le maire et le service instructeur ait été préalablement constaté ;

- alors que l'annulation du refus de permis de construire du 5 mai 2007, fondée sur la censure du motif de refus selon lequel le projet serait implanté en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, n'imposait nullement de faire droit à la demande de M.D..., le préfet, en délivrant le permis en litige, a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des article R. 111-2 et R. 111-5 du code l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Yves Boucher, président de chambre ;

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me B...pour M.D..., ainsi que celles de Me C...pour la commune de Villard-Léger ;

1. Considérant qu'en 2007 M. D...a sollicité un permis de construire portant sur un projet de construction d'une maison individuelle dans la commune de Villard-Léger ; que, par arrêté du 5 mai 2007, le maire de cette commune, dépourvue de document d'urbanisme, a, au nom de l'Etat, opposé à M. D...un refus fondé sur les dispositions de l'article L. 111-1-2 du code de l'urbanisme qui s'opposent à l'implantation d'une telle construction en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune ; que, par un jugement du 19 novembre 2009 devenu définitif, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté du 5 mai 2007 au motif que l'appréciation du maire selon laquelle le projet était situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune était erronée ; que, sur confirmation par M. D... de sa demande, le préfet de la Savoie lui a délivré le permis de construire sollicité par arrêté du 13 avril 2010 ; que M. D...relève appel du jugement du 15 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, sur la demande de la commune de Villard-Léger, prononcé l'annulation de ce permis de construire du 13 avril 2010 ;

2. Considérant que dans les communes où les permis de construire sont délivrés au nom de l'Etat en application de l'article L. 422-1 du code de l'urbanisme, la décision est, en vertu de l'article R. 422-1 du même code, prise par le maire au nom de l'Etat, sauf dans les cas visés à l'article R. 422-2 qui donne notamment compétence au préfet pour délivrer le permis de construire en cas de désaccord entre le maire et le responsable du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction mentionné à l'article R. 423-16 ; qu'aux termes de l'article R. 423-72 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision est de la compétence de l'Etat, le maire adresse au chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction son avis sur chaque demande de permis (...). Cet avis est réputé favorable s'il n'est pas intervenu dans le délai d'un mois à compter du dépôt à la mairie de la demande de permis (...) " ; que selon l'article R. 423-74 du même code : " Le chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction adresse un projet de décision au maire, ou, dans les cas prévus à l'article R. 422-2, au préfet. / Dans les cas prévus à l'article R. 422-2, il en adresse copie au maire (...) " ;

3. Considérant que si le chef du service de l'Etat dans le département chargé de l'instruction d'une demande de permis de construire doit recueillir l'avis du maire avant de transmettre son projet de décision, avis qui est réputé favorable dans un délai d'un mois à compter du dépôt de la demande de permis, il ne résulte d'aucune des dispositions mentionnées au point 2 que le maire ne pourrait, avant la transmission du projet de décision prévue à l'article R. 423-74 du code de l'urbanisme, modifier son avis ; qu'en conséquence, lorsque, comme en l'espèce, le maire émet un avis défavorable exprès après l'expiration du délai d'un mois au terme duquel son avis était réputé favorable et que le chef du service instructeur de l'Etat établit un projet de décision favorable, le préfet, en présence de ce désaccord, est seul compétent pour délivrer le permis de construire ; que M. D...est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que, pour annuler le permis de construire en litige, les premiers juges se sont fondés sur l'incompétence du préfet pour délivrer ce permis ;

4. Considérant qu'il y a lieu, au titre de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la commune de Villard-Léger ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Le projet peut-être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter une atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. " ; qu'aux termes de l'article R. 111-5 du même code alors en vigueur : " Le projet peut être refusé sur des terrains qui ne seraient pas desservis par des voies publiques ou privées dans des conditions répondant à son importance ou à la destination des constructions ou aménagements envisagés, et notamment si les caractéristiques de ces voies rendent difficile la circulation des engins de lutte contre l'incendie ./ Il peut également être refusé ou n'être accepté que sous réserve de prescriptions spéciales si les accès présentent un risque pour la sécurité des usagers des voies publiques ou pour celle des personnes utilisant cet accès. Cette sécurité doit être appréciée compte tenu, notamment, de la position des accès, de leur configuration ainsi que de la nature de l'intensité du trafic. " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est desservi par un chemin rural référencé comme la voie communale n° 9 de la Bottière, d'une largeur moyenne de 3,20 m., présentant, sur une dizaine de mètres, une largeur réduite à 2,80 mètres ; que la majeure partie de cette voie, qui dessert quelques habitations individuelles implantées sur des parcelles voisines du terrain d'assiette du projet, est revêtue d'un enrobé ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette voie, eu égard à la nature, au nombre et aux caractéristiques des constructions qu'elle dessert et du trafic qu'elle supporte et alors même qu'elle présente ponctuellement une pente de 8 %, qu'elle forme un virage serré peu avant l'endroit où se situe le terrain de M. D...et qu'elle n'est pas revêtue sur un peu plus de vingt mètres avant de parvenir à ce terrain, ne serait pas suffisante pour permettre la desserte d'une habitation individuelle supplémentaire, ni qu'elle serait susceptible de créer des difficultés d'accès ayant une incidence sur les possibilités d'intervention des engins de lutte contre l'incendie ; que le moyen de la commune de Villard-Léger selon lequel en délivrant le permis le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions des articles R. 111-2 et R. 111-5 du code de l'urbanisme doit ainsi être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que les dispositions de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme font obstacle à ce que, en cas d'annulation d'un refus opposé à une demande de permis de construire, un nouveau refus de permis de construire soit fondé sur des dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention du premier refus annulé, lorsque cette annulation est devenue définitive et que la demande a été confirmée dans les six mois suivant la notification de la décision qui l'a prononcée ; qu'il ressort des pièces du dossier que, comme le mentionne d'ailleurs l'arrêté de permis de construire contesté, M. D...a confirmé sa demande de permis de construire dans le délai de six mois suivant la notification du jugement du 19 novembre 2009, devenu définitif, par lequel le tribunal administratif de Grenoble avait annulé un précédent refus du 5 mai 2007 ; que la commune de Villard-Léger ne saurait donc utilement soutenir que le permis en litige contrevient aux dispositions de la carte communale approuvée conjointement par délibération de son conseil municipal du 7 septembre 2007 et par arrêté préfectoral du 9 novembre 2007 ;

8. Considérant, en troisième et dernier lieu, que si, en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme alors en vigueur, reprises aujourd'hui à l'article L. 153-11, il peut être sursis à statuer, à compter de la publication de la délibération prescrivant l'élaboration d'un plan local d'urbanisme, sur toute demande portant sur des constructions qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan, aucune disposition de ce code ne prévoit une telle faculté en cas d'élaboration d'une carte communale ; que, par suite, la commune de Villard-Léger ne peut, en tout état de cause, utilement soutenir que le projet de M. D...serait de nature à compromettre l'exécution de la future carte communale, ni que le préfet aurait dû, pour ce motif, surseoir à statuer sur la demande de M.D... ;

9. Considérant, qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, ni la recevabilité de la demande de première instance, que M. D... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le permis de construire que le préfet de la Savoie lui a délivré par arrêté du 13 avril 2010 et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que le rejet de la demande de la commune de Villard-Léger devant le tribunal administratif ;

10. Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Villard-Léger le versement d'une somme de 1 500 euros à M. D... au titre des frais non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 15 janvier 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de la commune de Villard-Léger devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : La commune de Villard-Léger versera à M. D...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Villard-Léger tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M.D..., à la commune de Villard-Léger et à la ministre du logement et de l'habitat durable.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chambéry en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 14 février 2017, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre ;

M. Antoine Gille, président-assesseur ;

Mme Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mars 2017.

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N° 15LY03864

mg


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