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25/04/2017 | FRANCE | N°15LY02980

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 25 avril 2017, 15LY02980


Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, et un mémoire enregistré le 29 août 2016, la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie, représentée par la Selarl Traverso-Trequattrini et associés demande à la cour :

1°) d'annuler la décision n° 2605T du 3 juin 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SARL Eic Transactions à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 8 399 m² sur le territoire de la commune de Scionzier ;

2°) de mettre une somme de 5 000 eu

ros à la charge de la société EIC Transactions au titre de l'article L. 761-1 du code de...

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 août 2015, et un mémoire enregistré le 29 août 2016, la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie, représentée par la Selarl Traverso-Trequattrini et associés demande à la cour :

1°) d'annuler la décision n° 2605T du 3 juin 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a autorisé la SARL Eic Transactions à créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 8 399 m² sur le territoire de la commune de Scionzier ;

2°) de mettre une somme de 5 000 euros à la charge de la société EIC Transactions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'avis du ministre de l'environnement n'a pas été sollicité ;

- il n'est pas démontré que les avis des ministres du commerce et de l'urbanisme ont été signés par des personnes dûment habilitées à cet effet ;

- l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme devait être appliqué, la commune n'étant pas couverte par un schéma de cohérence territoriale ;

- le dossier de demande était incomplet, dès lors qu'il comportait des indications insuffisantes concernant la consommation énergétique et la pollution engendrée par le projet, que l'étude sur les flux de voitures particulières était insuffisante, qu'il ne précise pas les surfaces imperméabilisées, ni l'accès cycliste et piéton ;

- aucune précision n'est donnée sur les enseignes devant occuper les sept cellules de vente autres que Décathlon ;

- le projet ne répond pas à la nécessité d'économie d'espace, aucun stationnement en sous-sol, ni aucun autre dispositif visant à limiter la consommation d'espace n'étant prévu ;

- les magasins créés seront en concurrence directe avec les commerces du centre-ville ;

- les déplacements vers l'ensemble commercial se feront exclusivement en voiture ;

- le projet implique une imperméabilisation importante des sols ;

- il existe un risque élevé que les sept cellules commerciales demeurent.vides

Par des mémoires enregistrés le 19 mai et le 9 décembre 2016, la société EIC Transactions, représentée par la Selas Wilhelm et associés, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la société CSF ne sont pas fondés.

La Commission nationale d'aménagement commercial a produit des pièces le 2 septembre 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;

- le décret n° 2015-165 du 12 février 2015 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Paul Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société EIC Transactions.

1. Considérant que, par une décision du 3 juin 2015, la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SARL EIC Transactions l'autorisation de créer un ensemble commercial d'une surface de vente de 8 399 m² sur le territoire de la commune de Scionzier ; que la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie demande l'annulation de cette décision de la Commission nationale d'aménagement commercial ;

2. Considérant, en premier lieu, que la fédération requérante soutient que l'avis du ministre de l'environnement aurait dû être sollicité en application de l'article R. 752-51 du code de commerce applicable avant l'entrée en vigueur du nouveau régime instauré par la loi du 18 juin 2014 et le décret du 12 février 2015 ;

3. Considérant, toutefois, que, d'une part, aux termes du III de l'article 4 du décret du 12 février 2015 : " Par dérogation à l'article R. 752-34 du code de commerce, pour les demandes d'autorisation d'exploitation commerciale ou de permis de construire en cours d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement commercial à la date d'entrée en vigueur du présent décret, les délais d'un et quatre mois prévus à l'article L. 752-4 et aux I, II et V de l'article L. 752-17 du même code courent à compter de la date de publication du décret prévu à l'article L. 751-5 du même code. " ;

4. Considérant que, d'autre part, aux termes de l'article R. 752-36 du code de commerce dans sa rédaction issue du décret du 12 février 2015 : " Le commissaire du gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial était en cours d'instruction le 15 février 2015, date d'entrée en vigueur du décret du 12 février 2015 ; qu'ainsi, la Commission devait statuer selon la nouvelle procédure instaurée par ses dispositions ; que, dès lors, l'avis du ministre chargé de l'environnement n'était pas requis ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence de consultation de ce ministre doit être écarté comme inopérant ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne résulte d'aucune disposition législative ou réglementaire, ni d'aucun principe, que la Commission nationale d'aménagement commercial soit tenue de justifier que les avis des ministres chargés du commerce et de l'urbanisme ont été signés par des personnes habilitées lorsque l'arrêté de délégation a été régulièrement publié ; qu'en l'espèce, l'avis du ministre chargé du commerce est signé par M. C... B...et celui du ministre chargé de l'urbanisme par Mme E...D..., habilités par des arrêtés de délégation, en date respectivement des 24 septembre 2014 et 10 juillet 2014 et régulièrement publiés ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d'habilitation des signataires des avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " I. Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 : " (...) / III.- Dans les communes qui ne sont pas couvertes par un schéma de cohérence territoriale applicable, il ne peut être délivré (...) d'autorisation d'exploitation commerciale en application de l'article L. 752-1 du code de commerce (...) à l'intérieur d'une zone ou d'un secteur rendu constructible après l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-590 du 2 juillet 2003 urbanisme et habitat. " ;

8. Considérant que la fédération requérante se borne à affirmer que ces dispositions de l'article L. 122-2 du code de l'urbanisme ont été méconnues, sans apporter de précisions sur le caractère non constructible de la zone, alors qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet est situé au sein de la ZAE du bord de l'Arve, créée par un arrêté de lotir du maire de Scionzier du 9 octobre 1989 ; que, dans ces conditions, ce moyen doit être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants: / 1° Informations relatives au projet : / (...) b) Pour les projets de création d'un ensemble commercial : / (...) - la surface de vente et le secteur d'activité de chacun des magasins de plus de 300 mètres carrés de surface de vente ; / (...) 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet : / a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné : / (...) d'une description de la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne) (...) / c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ; / (...) 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / (...) c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; (...) / 5° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / (...) d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; (...) " ;

10. Considérant, que, d'une part, la demande d'autorisation d'exploitation commerciale indique le secteur d'activité de chacun des magasins à accueillir au sein de l'ensemble commercial projeté ; que, d'autre part, il ressort de pièces du dossier que la demande d'autorisation d'exploitation commerciale présentée par la SARL EIC Transactions indique que la norme thermique RT 2012 sera respectée et qu'une pompe à chaleur aérothermique, une Gestion Technique Centralisée (GTC) et un système de gestion des "éclairages crépusculaires" seront mis en place ; que cette demande est accompagnée d'une étude relative aux flux de circulation, fait apparaître les accès cycliste et piéton et précise que le projet porte sur la réhabilitation d'une friche industrielle et que le site sera végétalisé à hauteur de 21 % ; que ces informations répondent aux exigences des dispositions citées au point 9 ; que, dès lors, les moyens selon lesquels le dossier de demande serait incomplet sur ces différents points et ne préciserait pas les enseignes qui occuperont l'ensemble commercial projeté doivent être écartés ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. " ;

12. Considérant qu'aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; d) / L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. (...) " ;

13. Considérant que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi ; qu'il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce ;

14. Considérant que la fédération requérante soutient que le projet ne répond pas à la nécessité d'économie d'espace dès lors qu'aucun stationnement en sous-sol, ni aucun autre dispositif visant à limiter la consommation d'espace n'est prévu et que le projet implique une imperméabilisation importante des sols ; que, toutefois, aucune disposition n'impose la réalisation d'un stationnement en sous-sol et le projet porte, ainsi qu'il a été dit, sur la réhabilitation d'une friche industrielle ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

15. Considérant que si la fédération requérante soutient que les magasins créés vont venir concurrencer les commerces du centre-ville et que le projet comporte un "risque élevé" que les sept cellules commerciales prévues demeurent... ;

16. Considérant que le projet doit être desservi par deux arrêts à créer de la ligne 4 du réseau de bus et que des accès cycliste et piéton sont prévus ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient la fédération requérante, il existe des alternatives au déplacement en voiture ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 3 juin 2015 par laquelle la Commission nationale d'aménagement commercial a accordé à la SARL EIC Transactions l'autorisation de créer un ensemble commercial sur le territoire de la commune de Scionzier ;

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie demande sur leur fondement au titre des frais qu'elle a exposés soit mise à la charge de la société EIC Transactions, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la fédération requérante une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société EIC Transactions et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : La Fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie versera à la société Eic Transactions une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération des groupements de commerçants de la Haute-Savoie, à la société EIC Transactions et au ministre de l'économie et de finances.

Copie en sera adressée à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 4 avril 2017, à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Véronique Vaccaro-Planchet, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 25 avril 2017.

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N° 15LY02980

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