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25/07/2017 | FRANCE | N°16LY00404

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 25 juillet 2017, 16LY00404


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 avril 2015 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse, Mme A... D..., d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, d'autoriser le regroupement familial sollicité, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application

de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... B...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 avril 2015 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse, Mme A... D..., d'enjoindre sous astreinte au préfet, à titre principal, d'autoriser le regroupement familial sollicité, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1501765 du 26 novembre 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 2 février 2016, M. C... B..., représenté par la société DSC Avocats, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1501765 du 26 novembre 2016 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 24 avril 2015 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté sa demande de regroupement familial qu'il a présentée au bénéfice de son épouse, Mme A...D... ;

3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet d'autoriser le regroupement familial sollicité sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande sous astreinte de 150 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat au profit de son conseil une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce que les juges de première instance ont procédé d'office à un ajout de motifs à la décision en litige qui n'était pas demandé par le préfet devant le tribunal administratif ;

- la décision en litige est entachée de défaut de motivation, dès lors que le préfet n'a pas examiné si le refus de regroupement familial portait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se croyant à tort lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur ses ressources ;

- le préfet a commis une erreur de droit en n'examinant pas si sa décision portait atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;

- le préfet a fait une inexacte application du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que les attaches familiales de son épouse, âgée de soixante-quatre ans et isolée au Maroc, se trouvent en France, que les charges du foyer, qui sont modérées, ne seront pas notablement augmentées du fait de l'accueil de son épouse et que leurs cinq enfants majeurs, qui sont français et résident en France, se sont engagés à leur apporter une aide financière ;

- la décision en litige méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que, né le 13 janvier 1937 au Maroc, il s'est marié le 13 juillet 1973 en France avec Mme A...D..., née le 16 novembre 1951 et arrivée sur le territoire français en 1971 comme lui, que son épouse a vécu l'essentiel de sa vie en France où elle a élevé leurs cinq enfants français jusqu'à leur majorité, qu'elle n'a regagné le Maroc que pour s'occuper de sa mère jusqu'à son décès en 2014, qu'il s'est rendu auprès de son épouse au Maroc chaque année de 2011 à 2015, que les attaches familiales de son épouse, âgée de soixante-quatre ans et isolée au Maroc, se trouvent en France où vivent leurs cinq enfants avec leurs conjoints et enfants ainsi que la soeur de Mme A...D..., ressortissante française, et les enfants de celle-ci.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2016, le préfet de l'Yonne, représenté par la SELARL Claisse et Associés, avocat, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 février 2016.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Hervé Drouet, président assesseur,

- et les observations de Me Augoyard, avocat (SELARL Claisse et Associés), pour le préfet de l'Yonne ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que l'administration peut, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision ; qu'ainsi, lorsque la légalité d'une décision administrative est subordonnée à la satisfaction de plusieurs conditions et que l'administration a omis d'examiner l'une de ces conditions au cours de la procédure administrative, elle peut faire valoir pour la première fois devant le juge de l'excès de pouvoir le motif tiré de ce que cette condition était, en réalité, remplie à la date de la décision attaquée ; qu'il appartient alors au juge, après avoir mis l'auteur du recours à même de présenter ses observations sur ce nouveau motif, de rechercher si celui-ci, combiné à celui qui avait été retenu initialement, est de nature à fonder légalement la décision ; que dans l'affirmative, le juge peut écarter le moyen tiré de l'erreur de droit qu'aurait commise l'administration en s'abstenant d'examiner l'une des conditions légales de la décision, sous réserve que le défaut d'examen de cette condition n'ait pas privé l'intéressé d'une garantie procédurale ;

2. Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que, dans son mémoire en défense devant le tribunal administratif de Dijon, l'avocat du préfet de l'Yonne a notamment fait valoir que le refus de regroupement familial en litige n'avait pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale et n'avait, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les juges de première instance auraient procédé d'office à l'ajout, non demandé par le préfet devant le tribunal administratif, d'un motif, tiré de l'absence de méconnaissance de cet article 8, à la décision contestée ;

Sur la légalité de la décision en litige :

3. Considérant, en premier lieu, que le refus de regroupement familial opposé à M. B..., qui énonce les considérations de droit et les éléments de fait propres à la situation personnelle de l'intéressé qui en constituent le fondement, satisfait à l'obligation de motivation résultant des dispositions des articles 1er et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée en vigueur à la date de la décision en litige ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces des dossiers de première instance et d'appel, et notamment pas des termes de la décision litigieuse, que le préfet se soit estimé lié par l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration sur les ressources de l'intéressé ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M. B... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance et tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en n'examinant pas si sa décision portait atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale ; qu'il y a lieu de rejeter ce moyen par adoption du motif retenu par le tribunal administratif de Dijon ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision en litige : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. (...) " ;

7. Considérant qu'il est constant que la moyenne mensuelle des ressources de M. B... est inférieure de 124 euros au salaire minimum interprofessionnel de croissance mensuel ; que, dans ces conditions, le préfet a pu légalement retenir l'insuffisance des ressources de l'intéressé pour refuser, sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le regroupement familial sollicité en faveur de son épouse, alors même que les attaches familiales de celle-ci, âgée de soixante-quatre ans et isolée au Maroc, se trouvent en France, que les charges du foyer, qui sont modérées, ne seront pas notablement augmentées du fait de l'accueil de son épouse et que leurs cinq enfants majeurs, qui sont français et résident en France, se sont engagés à leur apporter une aide financière ;

8. Considérant, en dernier lieu, que M. B..., né le 13 janvier 1937 et de nationalité marocaine, soutient qu'il s'est marié le 13 juillet 1973 en France avec Mme A...D..., née le 16 novembre 1951 et arrivée sur le territoire français en 1971 comme lui, que son épouse a vécu l'essentiel de sa vie en France où elle a élevé leurs cinq enfants français jusqu'à leur majorité, qu'elle n'a regagné le Maroc que pour s'occuper de sa mère jusqu'à son décès en 2014, qu'il s'est rendu auprès de son épouse au Maroc chaque année de 2011 à 2015, que les attaches familiales de son épouse, âgée de soixante-quatre ans et isolée au Maroc, se trouvent en France où vivent leurs cinq enfants avec leurs conjoints et enfants ainsi que la soeur de Mme D..., ressortissante française, et les enfants de celle-ci ; que, toutefois, la circonstance que Mme D... a quitté la France, à une date indéterminée, pour s'occuper de sa mère vivant au Maroc jusqu'au décès de cette dernière en 2014 révèle que M. B... a vécu séparé de son épouse pendant un certain nombre d'années ; que l'ensemble des pièces produites par l'intéressé ne permet pas de regarder comme établie l'existence d'une vie conjugale avec Mme D... au cours des années ayant précédé l'édiction de la décision contestée de refus de regroupement familial ; que rien ne s'oppose à ce que les époux se rendent visite, soit au Maroc, soit en France sous couvert de visas de court séjour de Mme D... ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision en litige n'a pas porté au droit de M. B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs et n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., à la société DSC Avocats et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 27 juin 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président assesseur,

- M. Samuel Deliancourt, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 juillet 2017.

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N° 16LY00404

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00404
Date de la décision : 25/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-07-25;16ly00404 ?
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