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26/09/2017 | FRANCE | N°15LY01177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 26 septembre 2017, 15LY01177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Challuy, sous le n° 1301278, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 22 mars 2013 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération de Nevers a voté les taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour chacune des communes membres pour l'année 2013 et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le préfet de la Nièvre, sous le n° 1302386, a déféré au tribunal administratif de Dijon, en

vue de son annulation, cette même délibération du 22 mars 2013.

Par un jugement n° 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Challuy, sous le n° 1301278, a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la délibération du 22 mars 2013 par laquelle le conseil de la communauté d'agglomération de Nevers a voté les taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères pour chacune des communes membres pour l'année 2013 et de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le préfet de la Nièvre, sous le n° 1302386, a déféré au tribunal administratif de Dijon, en vue de son annulation, cette même délibération du 22 mars 2013.

Par un jugement n° 1301278-1302386 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette délibération et a rejeté le surplus des conclusions de la commune de Challuy et les conclusions de la communauté d'agglomération de Nevers tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 avril 2015, et des mémoires, enregistrés le 21 avril 2015 et le 6 août 2015, la communauté d'agglomération de Nevers, représentée par Me A..., de la SELAS Bruno A...Avocats, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 18 décembre 2014 en ses articles 1er, 2 et 4 et de mettre à la charge de la commune de Challuy et de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a lié le "dispositif de zonage" et le "dispositif dérogatoire", alors que la combinaison des premier et second alinéas de l'article 1636 B undecies du code général des impôts constitue une faculté et non une obligation ;

- le dispositif de zonage mis en oeuvre est justifié par des différences objectives dans le service rendu et son coût au sein de chaque commune membre, appréciées selon des critères de différenciation pertinents, justifiant l'application de taux différents de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; les taux de taxe ainsi définis sont cohérents ; conformément aux dispositions de l'article 1636 B undecies du code général des impôts, elle était autorisée à adopter des taux différenciés au sein des zones constituées ;

- subsidiairement, s'il devait être considéré que la différenciation des taux relève de la mise en oeuvre du "dispositif dérogatoire" du mécanisme de lissage de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères, la solution mise en oeuvre au cours de la période de dix ans est cohérente avec les objectifs du législateur compte tenu des disparités importantes constatées entre les bases d'imposition de chaque commune ; aucun texte ne prévoit que le mécanisme de lissage doive s'accompagner d'une harmonisation progressive des taux ; il vise seulement à limiter les hausses de cotisations liées à l'harmonisation du mode de financement ; pour proportionner l'effort contributif des habitants des différentes communes au financement du service de collecte et de traitement des ordures ménagères, elle pouvait tenir compte des bases fiscales hétérogènes entre les communes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 juin 2015, et un mémoire, enregistré le 13 août 2015, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- contrairement à ce que soutient la communauté d'agglomération de Nevers, le jugement ne lie pas les deux mécanismes "de zonage" et "dérogatoire" mais examine successivement ces deux possibilités légales, dont aucune n'a été mise en oeuvre correctement par la communauté d'agglomération de Nevers ;

- il n'a pas été jugé que le mécanisme dérogatoire n'était pas légal, mais seulement que la délibération ne prévoyait pas l'application de ce mécanisme et que les différences de taux votés ne pouvaient trouver leur fondement dans ce dispositif ; si la convergence des taux a bien eu lieu en 2015, aucun lissage des taux n'est intervenu entre 2007 et 2013 ;

- les différences de taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ne correspondent pas à des différences de service rendu ; ces critères, et notamment celui des valeurs locatives, lequel est dépourvu de lien avec le service rendu, ne sont pas pertinents et n'ont pas été calculés de manière objective ; en tout état de cause, les taux votés ne présentent pas de corrélation avec les critères définis par la communauté d'agglomération de Nevers en vue d'apprécier les conditions de réalisation du service et son coût ; la délibération n'expose ni n'explique les critères retenus par la communauté d'agglomération de Nevers.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2015, la commune de Challuy, représentée par Me Ciaudo, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Nevers en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la lecture que fait la communauté d'agglomération de Nevers du jugement est erronée ;

- les critères retenus par la communauté d'agglomération ne caractérisent pas des différences dans le service rendu, lesquelles s'apprécient en fonction du nombre de collectes hebdomadaires ou de la mise à disposition de bacs de récupération des déchets ; le service est le même dans les communes membres ; seul le coût du service a été pris en compte par la communauté d'agglomération pour justifier les différences de taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

- si l'éloignement de chaque commune par rapport au centre de traitement des déchets, la densité de la population et le tonnage moyen de déchets collectés peuvent avoir une influence sur le coût du service, aucune corrélation n'est démontrée entre ces critères et les taux appliqués aux communes ;

- il ne ressort pas de la délibération du 22 mars 2013 que la communauté d'agglomération de Nevers ait entendu mettre en oeuvre le mécanisme dérogatoire de lissage des taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères ; en tout état de cause, elle a utilisé le mécanisme de vote dérogatoire de taux différenciés dans un but autre que celui de l'harmonisation, aucun lissage n'étant intervenu entre 2005 et 2015 et les écarts de taux ayant même augmenté.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller,

- les conclusions de M. Marc Clément, rapporteur public,

- et les observations de Me Il, avocat (Selarl Parme avocats), pour la communauté d'agglomération de Nevers ;

1. Considérant que la communauté d'agglomération de Nevers relève appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Dijon, saisi par la commune de Challuy et par déféré du préfet de la Nièvre, a annulé la délibération du conseil communautaire du 22 mars 2013 ayant voté les taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères applicables aux douze communes membres de l'établissement pour l'année 2013 ;

Sur la légalité de la délibération du 22 mars 2013 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1636 B undecies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la date de la délibération en litige : " 1. Les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale ayant institué la taxe d'enlèvement des ordures ménagères conformément aux articles 1379-0 bis, 1520 et 1609 quater votent le taux de cette taxe dans les conditions fixées à l'article 1639 A. / 2. Ils peuvent définir, dans les conditions prévues au 1 du II de l'article 1639 A bis, des zones de perception de la taxe d'enlèvement des ordures ménagères sur lesquelles ils votent des taux différents en vue de proportionner le montant de la taxe à l'importance du service rendu apprécié en fonction des conditions de réalisation du service et de son coût. (...) / Toutefois, à titre dérogatoire, l'établissement public de coopération intercommunale ayant institué la taxe peut, pour une période qui ne peut excéder dix ans, voter des taux différents sur son périmètre, afin de limiter les hausses de cotisations liées à l'harmonisation du mode de financement. Cette dérogation peut également être mise en oeuvre en cas de rattachement d'une ou plusieurs communes. L'établissement public de coopération intercommunale décide, dans les conditions prévues au 1 du II de l'article 1639 A bis, de l'application de ce dispositif et de la délimitation des zones sur lesquelles des taux différents sont votés. / 3. Pour l'application du 2 : / (...) / b) La période durant laquelle des taux différents peuvent être votés en application du second alinéa du 2 s'applique à compter du 1er janvier 2005 (...) ; / c) Les premier et second alinéas du 2 peuvent être appliqués simultanément. (...). " ;

3. Considérant que, par délibération du 22 mars 2013, le conseil de la communauté d'agglomération de Nevers a voté le taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères des douze communes membres pour l'exercice 2013 ; qu'il ressort de cette délibération que la communauté d'agglomération a, dès sa création, en 2003, et après intégration de deux nouvelles communes en 2010 et 2013, défini douze zones de perception de cette taxe, correspondant au territoire de chacune des communes membres, sur lesquelles sont votés des taux différents ; que le tribunal administratif de Dijon a annulé cette délibération au motif qu'elle prévoyait des taux différents pour les communes composant la communauté d'agglomération sans que ces taux correspondent à des différences de services rendus ou de coûts et qu'en tout état de cause, la délibération ne prévoyait pas l'application du mécanisme de lissage prévu à l'article 1636 B undecies ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des termes du jugement attaqué que les premiers juges auraient estimé que l'application du dispositif dérogatoire prévu au deuxième alinéa du 2. de l'article 1636 B undecies du code général des impôts précité, permettant la fixation de taux différents de taxe d'enlèvement des ordures ménagères par commune, serait illégale en l'absence de création préalable de zones de perception par niveau de service rendu ; qu'ils ont, en effet, seulement constaté, après avoir examiné si la délibération était conforme aux dispositions du 1. de cet article, qu'elle n'avait pas entendu faire application du mécanisme dérogatoire prévu au 2. du même article ; qu'ainsi, en énonçant que, "par suite", la délibération prévoyant des taux différents pour les communes composant la communauté d'agglomération de Nevers sans que ces taux correspondent à des différences de services rendus ou de coûts était illégale, les premiers juges ne peuvent être regardés comme ayant, à tort, lié les deux mécanismes indépendants l'un de l'autre ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la communauté d'agglomération de Nevers soutient que la détermination, sur son territoire, de douze zones de perception correspondant au territoire de chacune des communes membres, sur lesquelles sont votés douze taux de taxe différents, serait justifiée, conformément au 1. de l'article 1636 B undecies du code général des impôts, par les différences dans les conditions de réalisation du service rendu et son coût, appréciés selon différents critères, à savoir l'éloignement de chaque commune par rapport au centre de traitement des déchets, la densité de population, les tonnages collectés par foyers et les bases d'imposition moyennes ; que toutefois, il ne ressort pas des éléments versés aux débats que les taux votés pour chacune des communes membres de l'établissement public de coopération intercommunale résulteraient de l'application, individuelle ou combinée, des critères ainsi définis par la communauté d'agglomération, dès lors que des communes placées dans des conditions identiques au regard de ces critères se voient appliquer des taux différents sans que ces différences ne soient sérieusement justifiées par la requérante, à laquelle il appartient de produire spontanément devant le juge les éléments de nature à justifier sa délibération ; que, dans ces conditions, les taux votés par la délibération du 22 mars 2013 ne peuvent être regardés comme étant proportionnés à l'importance du service rendu, au sens des dispositions de l'article 1636 B undecies du code général des impôts ;

6. Considérant, en troisième lieu, que, si la communauté d'agglomération soutient, à titre subsidiaire, que le deuxième alinéa du 2. de l'article 1636 B undecies du code général des impôts l'autorisait à voter des taux de taxe d'enlèvement des ordures ménagères différents pour chaque commune sans tenir compte des différences de service rendu, il ne ressort pas des termes de la délibération en litige qu'elle ait entendu faire application de ce mécanisme dérogatoire ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la communauté d'agglomération de Nevers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Challuy et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, le versement à la communauté d'agglomération de Nevers de la somme demandée au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Nevers le versement d'une somme de 2 000 euros à la commune de Challuy en application de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté d'agglomération de Nevers est rejetée.

Article 2 : La communauté d'agglomération de Nevers versera une somme de 2 000 euros à la commune de Challuy en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté d'agglomération de Nevers, à la commune de Challuy et au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 5 septembre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

- M. Hervé Drouet, président-assesseur,

- Mme Nathalie Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 septembre 2017.

4

N° 15LY01177

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY01177
Date de la décision : 26/09/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

19-03-05-03 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxes assimilées. Taxe d'enlèvement des ordures ménagères.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BRUNO KERN AVOCATS SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/10/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-09-26;15ly01177 ?
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