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26/10/2017 | FRANCE | N°16LY00070

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 26 octobre 2017, 16LY00070


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Janioud à lui verser la somme de 34 346,84 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 941 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1300491 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure

devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2016, la compagnie Groupama Rhôn...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Janioud à lui verser la somme de 34 346,84 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013 et de la capitalisation de ces intérêts, ainsi que la somme de 941 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Par un jugement n° 1300491 du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 janvier 2016, la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, représentée par la SELARL Spinella-Reboul-A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 10 novembre 2015 ;

2°) de condamner la société Janioud à lui verser la somme de 35 287,84 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 31 janvier 2013, et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner cette société à lui verser la somme de 941 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de cette même société la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la condamner aux entiers dépens.

Elle soutient que :

- elle est subrogée dans les droits de son assurée, la commune de Saint-Blaise-du-Buis, pour l'accident de service subi par un de ses agents à l'occasion de travaux réalisés par la société Janioud dans les locaux de la mairie en 2004 ;

- la responsabilité contractuelle de la société Janioud peut être engagée dès lors que l'accident est intervenu à l'occasion de l'installation d'une climatisation dans la mairie et que les mesures de sécurisation du chantier n'ont pas été prises, et ce en méconnaissance du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de travaux de 2009 ;

- que la commune, qui n'était pas en charge de la sécurité du chantier, n'a commis aucune faute ; son préposé n'avait pas à rester sur place pour veiller qu'aucune personne ne s'approche de la trappe laissée ouverte par les employés de la société Janioud ;

- si la cour devait écarter la responsabilité contractuelle de cette société, il y aurait lieu, à titre subsidiaire, de retenir sa responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics ; elle est subrogée dans les droits de la commune, elle-même subrogée dans les droits de la victime ; elle est donc fondée à rechercher la responsabilité de l'entrepreneur, en cette qualité, pour défaut d'entretien normal de l'ouvrage ;

- elle a versé à son assurée la somme de 35 287,84 euros au titre des soins et des indemnités journalières versées à l'agent public, victime ; les périodes d'arrêt de travail, du 27 mai 2004, date de l'accident, au 30 décembre 2005, ont un lien direct et certain avec cet accident ; la commune de Saint-Blaise-du-Buis atteste, dans la quittance subrogative, avoir reçu une somme de 34 346,84 euros au titre du règlement définitif des indemnités versées à son agent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juin 2016, la SARL Janioud, représentée par la SCP Tranchat-Dollet, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'est pas liée à la commune de Saint-Blaise-du-Buis par un lien contractuel et que les moyens invoqués sur le fondement de la responsabilité contractuelle ne sont pas fondés ;

- la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne n'est pas fondée à invoquer sa responsabilité sur le fondement des dommages de travaux publics ; elle n'apporte pas la preuve d'un défaut d'entretien normal ni d'un lien de causalité entre ce dommage et un travail public.

Par lettre du 12 septembre 2017, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office les moyens d'ordre public tirés, d'une part, de ce que la responsabilité contractuelle de la SARL Janioud doit être écartée dès lors qu'en payant pour la prestation fournie, la commune de Saint-Blaise-du-Buis, subrogée dans ses droits par la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, a nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises par son cocontractant, et d'autre part, de ce que la demande de la Compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne tendant à ce que la responsabilité de la SARL Janioud soit engagée sur le fondement des dommages de travaux publics est fondée sur une cause juridique distincte de celle soumise aux premiers juges et constitue une demande nouvelle en appel, irrecevable.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des assurances ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lesieux,

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne ;

1. Considérant que le 27 mai 2014, alors que la SARL Janioud intervenait dans les locaux de la mairie de Saint-Blaise-du-Buis pour installer un système de climatisation, un agent de cette commune a chuté dans le vide-sanitaire dont la trappe avait été ouverte par des préposés de l'entreprise intervenante ; que dans le cadre d'un contrat " assurance du personnel, garanties statutaires ", la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne a versé à la commune de Saint-Blaise du Buis la somme de 34 346,84 euros en remboursement des sommes versées par elle à l'agent victime de l'accident de service, au titre du maintien des traitements et des honoraires et frais médicaux ; que la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, subrogée dans les droits de la commune, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la société Janioud, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à lui verser la somme 34 346,84 euros et celle de 941 euros sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ; que par un jugement du 10 novembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête ; que la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité contractuelle :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code des marchés publics, dans sa rédaction issue du décret n° 2004-15 du 7 janvier 2004, applicable en l'espèce : " I.- Les marchés publics sont les contrats conclus à titre onéreux avec des personnes publiques ou privées par les personnes morales de droit public mentionnées à l'article 2, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fourniture ou de service (...) II.- Les marchés publics de travaux ont pour objet la réalisation de tous travaux de bâtiment ou de génie civil à la demande d'une personne publique exerçant la maîtrise d'ouvrage. / Les marchés publics de fournitures ont pour objet l'achat, la prise en crédit-bail, la location ou la location-vente de produits ou matériels. (...)Un marché public relevant d'une des trois catégories mentionnées ci-dessus peut comporter, à titre accessoire, des éléments relevant d'une autre catégorie. (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 du même code : " Les marchés dont le montant est égal ou supérieur aux seuils fixés au II (...) de l'article 28 du présent code sont des contrats écrits (...) " et que selon l'article 28, " I. - Les marchés passés selon la procédure adaptée sont des marchés passés selon des modalités de publicité et de mise en concurrence déterminées par la personne responsable du marché en fonction de leur objet et de leurs caractéristiques. (...) II.- Pour les marchés de fournitures et de services, les seuils en dessous desquels la procédure adaptée est possible sont de 135 000 euros HT pour l'Etat et de 210 000 euros HT pour les collectivités territoriales. " ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque le montant d'un marché de fournitures est inférieur au seuil qu'elles fixent, ces marchés peuvent ne pas prendre la forme de contrats écrits ; qu'il appartient dans ce cas au juge du contrat, saisi par l'une des parties d'un litige tendant à rechercher la responsabilité contractuelle de l'autre partie, d'apprécier si les éléments versés au dossier sont de nature à révéler l'existence d'une commune intention des parties de se lier par des obligations réciproques ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier de la fiche d'intervention du 1er juin 2004, signée par la commune de Saint-Blaise-du-Buis et la société Janioud, que cette société est intervenue dans les locaux de la mairie pour procéder à l'installation d'un système de climatisation ; que cette prestation, consistant en la fourniture et pose de climatiseurs, a été facturée pour la somme de 5 962 euros hors taxe, soit 7 130,55 euros toutes taxes comprises ; que la commune de Saint-Blaise du Buis a procédé à un ordre de virement de ce montant le 27 septembre 2004 ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la société Janioud, l'intervention de cette société, le 27 mai 2004, date de l'accident de service subi par un agent de la commune, n'entrait pas dans le cadre de la réalisation de cette prestation ; qu'il en résulte que les parties au litige étaient, dès cette date, liées entre elles par un marché public de fournitures dont le montant est inférieur au seuil de 210 000 euros hors taxe fixés par les dispositions de l'article 28 du code des marchés publics alors en vigueur ; que ce marché pouvait dès lors, être conclu selon la procédure adaptée et prendre la forme d'un accord verbal ou tacite ;

4. Considérant que pour écarter la responsabilité contractuelle de la société Janioud, le tribunal administratif de Grenoble a jugé qu'aucun contrat n'avait été régulièrement conclu entre la commune de Saint-Blaise-du-Buis et cette société, en application des dispositions du code des marchés publics alors applicables et notamment celles de l'article 11 relatives à la mise en concurrence et au respect de règles de publicité ; que cependant, le juge saisi d'un litige relatif à l'exécution d'un contrat ne peut, sauf exception, ni accueillir, ni relever d'office un moyen tiré d'un manquement aux règles de passation aux fins d'écarter le contrat pour le règlement du litige ; que, dans les circonstances de l'espèce, c'est à tort que le tribunal administratif de Grenoble a relevé l'absence d'un contrat régulièrement conclu entre la commune de Saint-Blaise du Buis et la société Janioud ;

5. Considérant toutefois qu'il résulte de l'instruction, et ainsi qu'il l'a été dit au point 3, que la commune de Saint-Blaise-du-Buis, a signé la fiche d'intervention datée du 1er juin 2004 sans émettre la moindre réserve quant aux conditions dans lesquelles la société a réalisé sa prestation et qu'elle a payé l'intégralité de la facture le 27 septembre 2004 ; que ce faisant, elle doit être regardée comme ayant nécessairement renoncé à se prévaloir des fautes commises par son cocontractant à l'occasion de l'exécution du contrat, lequel avait pris fin à la date de saisine de la juridiction administrative ; qu'il s'ensuit que la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions indemnitaires présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

Sur la responsabilité du fait de travaux publics :

6. Considérant que la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne, qui se prévaut d'une double subrogation dans les droits de la commune de Saint-Blaise-du-Buis, son assurée, en vertu des dispositions de l'article L. 121-12 du code des assurances, et dans les droits de l'agent de cette commune, victime d'un accident de service, après avoir acquitté la dette de son assurée à son égard, soutient que la responsabilité de la SARL Janioud doit être recherchée, à titre subsidiaire, sur le fondement des dommages de travaux publics, pour défaut d'entretien normal ;

7. Considérant toutefois que cette dernière prétention, fondée sur une cause juridique distincte de celle soumise aux premiers juges, constitue une demande nouvelle qui, présentée pour la première fois en appel, n'est pas recevable ; qu'en tout état de cause, et ce même si elle se prévaut d'une double subrogation, la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne ne dispose à l'égard du cocontractant de son assurée, sauf cas de fraude ou de dol, d'autre action que celle qui résulte soit du contrat qui unissait la commune à la SARL Janioud, soit des obligations qui pèsent sur cette dernière en application de la garantie décennale ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la requête de la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne doit être rejetée dans toutes ses conclusions ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne la somme que demande la société Janioud au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la SARL Janioud tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la compagnie Groupama Rhône-Alpes Auvergne et à la SARL Janioud.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

M. d'Hervé, président de chambre,

Mme Michel, président-assesseur,

Mme Lesieux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 octobre 2017

5

N° 16LY00070


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY00070
Date de la décision : 26/10/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-02 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. Responsabilité contractuelle.


Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: Mme Sophie LESIEUX
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL SPINELLA-REBOUL

Origine de la décision
Date de l'import : 19/12/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-10-26;16ly00070 ?
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