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09/10/2018 | FRANCE | N°17LY00217

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 09 octobre 2018, 17LY00217


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) à titre principal, d'annuler le refus de réintégration au poste d'agent hospitalier du groupement Lyon-Nord des Hospices civils de Lyon ;

2°) d'ordonner sa réintégration comme agent hospitalier dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard ainsi que la suppression de l'avis d'inaptitude et des échanges afférents à cet avis intervenus jusqu'au jugement à interven

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3°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 13 000 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) à titre principal, d'annuler le refus de réintégration au poste d'agent hospitalier du groupement Lyon-Nord des Hospices civils de Lyon ;

2°) d'ordonner sa réintégration comme agent hospitalier dans le délai d'un mois suivant la décision à intervenir, et ce sous astreinte de 300 euros par jour de retard ainsi que la suppression de l'avis d'inaptitude et des échanges afférents à cet avis intervenus jusqu'au jugement à intervenir ;

3°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 13 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;

4°) à titre subsidiaire à défaut de réintégration, de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral ;

5°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens de l'instance.

Par un jugement n°1404273 du 25 novembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 janvier 2017 et un mémoire enregistré le 16 juin 2017, Mme A...B..., représentée par Me Madignier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 25 novembre 2016 ;

2°) à titre principal, d'annuler le refus de réintégration au poste d'agent hospitalier du groupement Lyon-Nord des Hospices civils de Lyon ;

3°) d'ordonner sa réintégration comme agent hospitalier dans le délai d'un mois sous astreinte de 300 euros par jour de retard ainsi que la suppression de l'avis d'inaptitude et des échanges afférents à cet avis intervenus jusqu'au jugement à intervenir ;

4°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser une indemnité de 13 000 euros en réparation de son préjudice matériel et moral ;

5°) à titre subsidiaire à défaut de réintégration, de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser 30 000 euros de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel et moral ;

6°) de condamner les Hospices civils de Lyon à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif, en ne reconnaissant pas la force probante de l'avis du comité médical départemental l'a privée du droit à un recours effectif, en violation de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. En effet, la saisine du comité médical départemental a justement pour but de contester l'avis de la médecine statutaire. En affirmant que celui-ci ne remet pas en cause l'exactitude matérielle de l'avis du 13 février 2013 au motif que celui du comité est intervenu tardivement, les premiers juges ont privé de portée et de sens la saisine du comité ;

- le tribunal administratif a statué en violation du principe du contradictoire et de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en retenant l'argument selon lequel, l'avis du comité n'avait pas de force probante alors que les parties ne l'avait pas soulevé ;

- le refus de réintégration doit être justifié ; le refus implicite de réintégration doit être annulé pour violation de l'obligation de motivation prévue par l'article 1er de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la décision de ne pas renouveler son contrat résulte manifestement de l'avis d'inaptitude de la médecine statutaire qui constitue une mesure de discrimination à l'état de santé prise en violation de l'article 6 de la loi n°83-634 ; l'avis repose sur des faits inexacts et anciens et constitue une violation de la loi par erreur de droit ou de fait, ou une erreur manifeste d'appréciation ;

- du fait de cette décision, elle a rencontré des difficultés financières et morales ; elle a dû retrouver un travail moins bien rémunéré au sein d'une association où elle n'a pu travailler qu'en fonction des heures variables qui lui ont été attribuées entre mars 2013 et mars 2014 ; entre mai et août 2014, elle a effectué un remplacement à la clinique du Tonkin à temps plein ; ce n'est qu'à partir d'octobre 2014 qu'elle a pu retrouver un emploi au sein de la Croix-Rouge française ; par conséquent, sa perte de salaire brut de 2013 à 2015 inclus s'élève à 18 655 euros, arrondie à 20 000 euros pour être actualisée en 2016 ; à cette somme, doivent s'ajouter 3 000 euros au titre du préjudice moral résultant des multiples recherches d'emploi souvent précaires afin de remédier à la discrimination dont elle a fait l'objet.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2018, les Hospices civils de Lyon concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A...B...la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que la requête est irrecevable et qu'aucun des moyens n'est fondé ;

Par ordonnance du 9 janvier 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mars 2018 à 16 h 30 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le décret n° 88-386 du 19 août 1988 ;

- le décret n°91-155 du 6 février 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Alfonsi, président ;

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public.

Une note en délibéré a été enregistrée pour Mme B...le 24 septembre 2018.

1. Considérant que MmeB..., recrutée le 5 novembre 2012 par contrat à durée déterminée pour exercer les fonctions d'aide-soignante aux Hospices civils de Lyon, a été déclarée inapte à l'issue d'une visite médicale statutaire qu'elle a subie le 13 février 2013 en vue de son éventuel recrutement en qualité de fonctionnaire stagiaire ; que son contrat, qui a expiré le 28 février 2013, n'a pas été renouvelé ; que par sa requête susvisée, elle relève appel du jugement du 25 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision par laquelle le directeur des Hospices civils de Lyon a implicitement rejeté sa demande de réintégration dans l'emploi qu'elle occupait précédemment et, d'autre part, à la condamnation de son ex-employeur à l'indemniser des préjudices matériel et moral que lui ont causé ce refus de réintégration et le refus de renouveler son contrat ;

Sur la recevabilité de la requête d'appel :

2. Considérant que, contrairement à ce que font valoir les Hospices Civils de Lyon, la requête d'appel, qui est accompagnée d'une copie du jugement attaqué en pièce jointe, est recevable ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant qu'en estimant que l'avis émis le 6 juin 2013 par le comité médical départemental n'avait pas eu pour effet de remettre en cause l'exactitude matérielle des faits sur lesquels était fondée la décision de non-renouvellement du contrat de MmeB..., le tribunal administratif s'est livré à une appréciation des pièces et éléments qui lui étaient soumis et n'a, ce faisant, ni porté atteinte au principe du contradictoire ni, en tout état de cause, privé la requérante de son droit à un recours effectif au sens des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le bien fondé du jugement :

- En ce qui concerne les conclusions dirigées contre le "refus de réintégration" :

4. Considérant que s'il n'est pas contesté que le refus de renouvellement du contrat de Mme B...est fondé sur l'avis d'inaptitude émis le 13 février 2013 par le médecin du travail, l'infirmation de cet avis par un avis ultérieur du comité médical départemental, qui est dépourvu de force contraignante, n'a, contrairement à ce que soutient la requérante, pu avoir pour effet d'obliger son ancien employeur à la réintégrer a sein du service en quelque qualité que ce soit, plusieurs mois après que son contrat avait pris fin ; que le refus de réintégration qui lui a été opposé n'étant, par ailleurs, pas au nombre des décisions qui doivent être motivées en vertu des dispositions de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 alors applicable, Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

- En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

S'agissant des conséquences du refus de réintégration :

5. Considérant que, comme il vient d'être dit, la décision par laquelle le directeur des Hospices civils de Lyon a refusé de réintégrer Mme B...dans l'emploi qu'elle occupait en qualité de contractuelle n'est pas illégale ; que Mme B...n'est par suite, pas fondée à demander à être indemnisée des préjudices qui ont résulté pour elle de cette décision, qui est dépourvue de caractère fautif ;

S'agissant du refus de renouvellement du contrat à durée déterminée :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision de ne pas renouveler le contrat de Mme B...est fondée sur l'avis d'inaptitude émis le 13 février 2013 par le médecin du travail au regard des dispositions légales et réglementaires applicables aux agents titulaires et contractuels relevant de la fonction publique hospitalière ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la décision refusant de renouveler son contrat, fondée sur un tel avis, fût-il erroné, ne peut être regardée comme présentant un caractère discriminatoire au regard de son état de santé ;

7. Considérant toutefois que l'avis médical d'inaptitude sur lequel est fondé le refus de renouvellement du contrat à durée déterminée de Mme B...a, au vu de l'ensemble des documents et certificats médicaux très circonstanciés qu'elle a produits, été infirmé par un avis du 6 juin 2013 du comité médical départemental ; qu'il suit de là que le refus de renouveler le contrat de MmeB..., fondé sur un motif médical erroné, est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité des Hospices civils de Lyon à son égard ; qu'en l'absence de tout autre motif établi, ou même allégué, se rapportant aux nécessités du service ou à sa manière de servir, qui aurait pu légalement justifier le refus de renouveler son contrat, l'illégalité entachant la décision en cause doit être regardée comme ayant, à tout le moins, fait perdre à Mme B...une chance sérieuse de voir son contrat renouvelé pour une durée équivalente à celle pour laquelle le contrat initial avait été conclu, soit quatre mois ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu des revenus de toute nature perçus par Mme B...au cours des quatre mois suivant la fin de son contrat initial, le refus illégal de renouveler son contrat est à l'origine d'un préjudice matériel dont il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation en l'évaluant à la somme de 3.500 euros ; qu'eu égard à la nature de la pathologie évoquée pour justifier l'avis médical négatif et aux difficultés qu'elle a rencontrées, du fait de sa situation, pour retrouver un emploi correspondant à sa formation, Mme B...est également fondée à soutenir que ce refus lui a causé un préjudice moral au titre duquel il y a lieu de lui accorder l'indemnité de 3.000 euros qu'elle demande ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner les Hospices civils de Lyon à payer à Mme B...une somme de 1.500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ; que ces dernières dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par les Hospices civils de Lyon ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404273 du 25 novembre 2016 du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de MmeB....

Article 2 : Les Hospices civils de Lyon verseront à Mme B...une somme de 6 500 euros.

Article 3 : Les Hospices civils de Lyon verseront une somme de 1 500 euros à Mme B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B...et les conclusions des Hospices civils de Lyon tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...et aux Hospices civils de Lyon.

Délibéré après l'audience du 18 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre ;

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Mme D...C...première conseillère.

Lu en audience publique, le 9 octobre 2018.

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N° 17LY00217

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00217
Date de la décision : 09/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-12-03-02 Fonctionnaires et agents publics. Agents contractuels et temporaires. Fin du contrat. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Jean-François ALFONSI
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : MADIGNIER

Origine de la décision
Date de l'import : 23/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-10-09;17ly00217 ?
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