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28/12/2018 | FRANCE | N°16LY01814

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 décembre 2018, 16LY01814


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé le 27 mai 2014 au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 mars 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section du Rhône a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1404050 en date du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, M. A...C..., représenté par Me Perret-Bessière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugemen

t n°1404050 du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé le 27 mai 2014 au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 27 mars 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section du Rhône a autorisé son licenciement.

Par un jugement n°1404050 en date du 8 mars 2016, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M.C....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 mai 2016, M. A...C..., représenté par Me Perret-Bessière, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n°1404050 du 8 mars 2016 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 27 mars 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section du Rhône a autorisé son licenciement ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le tribunal a, à tort, jugé qu'il avait méconnu son obligation de loyauté ; qu'en effet, la décision du 27 mars 2014 est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que les faits reprochés ne constituent pas une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ; que l'inspecteur du travail n'avait initialement pas considéré que ces faits constituaient une faute justifiant un licenciement ; qu'il n'a créé la page facebook de " soutien aux serveurs du First " que le lendemain de sa mise à pied et qu'il n'avait pas l'intention d'entretenir ou de participer à une polémique quant au geste dit " de la quenelle " ; qu'il souhaitait seulement expliquer, en réaction à sa mise à pied, que le geste reproché n'avait aucune connotation injurieuse ; que, dans ce cadre, il a usé de sa liberté d'expression avec mesure ; qu'il ne peut lui être reproché de ne pas avoir supprimé la photographie litigieuse dans la mesure où elle circonstancie l'origine de la page de soutien en elle-même ; qu'en outre, son employeur a participé à cette polémique en évoquant publiquement la sanction prise à son encontre et que son geste a été la source de nombreux commentaires dans les médias ; que les débordements dont a été victime son employeur ne résultent pas de la création de ce site internet mais sont liés à la publication initiale de la photographie le représentant en train de faire le geste dit " de la quenelle ".

Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2016, la société DLC " First Aperiklub ", représentée par le cabinet Cefides, avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de M. C...la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 18 juin 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juillet 2018, à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 décembre 2018 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Perret-Bessière, avocat, pour M. C...et de Me B...pour la société DLC " FIRST APERIKLUB " ;

1. Considérant que M. A...C...a été engagé le 28 novembre 2002 par la société DLC " First Aperiklub " qui exploite des discothèques ; qu'il a exercé les fonctions de responsable de la discothèque " Le First " à Lyon à compter du 1er janvier 2011 ; qu'il était investi du mandat de délégué du personnel titulaire depuis le mois de mai 2012 ; que, le 27 janvier 2014, la société DLC " First Aperiklub " a sollicité l'autorisation de licencier M. C... pour faute ; que, par une décision du 27 mars 2014, l'inspectrice du travail de la 6ème section du Rhône a accordé cette autorisation ; que, par un jugement n°1404050 en date du 8 mars 2016 dont M. C...relève appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'un agissement du salarié intervenu en dehors de l'exécution de son contrat de travail ne peut motiver un licenciement pour faute, sauf s'il traduit la méconnaissance par l'intéressé d'une obligation découlant de ce contrat ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans la soirée du 19 au 20 décembre 2013, au sein des locaux de l'établissement " Le First " et durant leurs horaires de travail, M. C...et trois autres salariés ont posé pour une photographie prise par une personne étrangère à l'établissement en faisant le geste dit de la " quenelle " en tenue de service ; que si, selon lui, cette photographie n'était destinée qu'à un ami travaillant dans un autre établissement, elle a été immédiatement publiée sur la page officielle de l'établissement " Le First " sur le réseau social Facebook par une personne qui n'a pu être identifiée ; qu'en raison de la connotation antisémite de ce geste, de nombreux messages et commentaires à caractère polémique, insultant et grossier pour l'établissement ont été publiés sur cette même page en réaction à cette publication ; que l'établissement " Le First " et ses employés ont reçu des appels téléphoniques injurieux et menaçants ; que, ce même soir, une vingtaine de personnes ont manifesté leur mécontentement devant l'établissement en réaction à la publication de cette photographie ; que ces manifestations ont nécessité l'intervention des forces de l'ordre et le recours aux services d'une société de sécurité privée ;

4. Considérant qu'après avoir été mis à pied le 20 décembre 2013 par son employeur, M. C...a créé le 21 décembre 2013 une page publique sur le réseau Facebook intitulée " soutien aux serveurs du First " et qui comportait en arrière-plan la photographie litigieuse ; que des commentaires négatifs pour l'établissement " Le First " ont été publiés sur cette page, suivie par 3 181 personnes au 27 décembre 2013 ; que, contrairement aux allégations du requérant, certains des messages publiés par les administrateurs de cette page, et dont il n'est pas contesté que M. C...en était l'auteur, avaient pour seul objet d'entretenir et de participer à la polémique contre l'établissement " Le First " en encourageant, par exemple, la publication de photographies de personnes reproduisant le geste de " la quenelle " au sein de cet établissement ; que, le 21 décembre 2013 au soir, à la suite de la création de cette page, soixante-dix personnes se sont présentées devant l'établissement " le First " dans l'intention de mener une " opération punitive " ; que les médias locaux et nationaux ont relayé ces incidents dans différents articles ; que ces événements ont nui à l'image de l'établissement " Le First " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ces circonstances ont également causé à l'établissement " Le First " un préjudice financier dès lors que son chiffre d'affaires a diminué pour les mois de décembre 2013 et janvier 2014 par rapport à la même période de l'exercice comptable précédent ; que cette baisse peut raisonnablement s'expliquer par une chute de la fréquentation de l'établissement imputable à ces événements ; qu'en outre, M. C...ne conteste pas que l'établissement " Le First " a dû recourir aux services d'une société de sécurité privée après les manifestations du 19 décembre 2013 ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit, M. C...exerçait les fonctions de responsable de l'établissement ; qu'il ne pouvait ignorer que le geste en cause ne revêtait pas seulement une signification " antisystème " mais avait également une connotation antisémite ; que, contrairement à deux des salariés ayant posé pour cette photographie, M. C...ne s'est pas excusé auprès de son employeur ; qu'il a contribué à entretenir la polémique en maintenant pendant plusieurs semaines la photographie litigieuse sur sa page Facebook et l'a de plus délibérément encouragée par certaines de ses interventions en tant qu'animateur de cette page, allant ainsi au-delà de la liberté d'expression dont il pouvait user, quand bien même il aurait seulement entendu, en créant cette page de soutien, contester la mise à pied dont les trois autres salariés et lui-même faisaient l'objet ; que, par suite et alors même que M. C...ne serait pas à l'origine de la diffusion de la photographie et n'aurait aucun antécédent disciplinaire, ses agissements intervenus en dehors de l'exécution de son contrat de travail traduisent une méconnaissance de l'obligation de loyauté qui découle de ce contrat ; que c'est dès lors à bon droit que l'inspectrice du travail a estimé qu'eu égard à sa nature et à ses répercussions la faute commise était suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

7. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et n'est d'ailleurs pas allégué que la demande d'autorisation de licenciement serait en lien avec les fonctions représentatives exercées par le requérant ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 27 mars 2014 par laquelle l'inspectrice du travail de la 6ème section du Rhône a autorisé son licenciement ;

Sur les frais liés au litige :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse quelque somme que ce soit au requérant au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C...le versement d'une somme de 800 euros au titre des frais exposés par la société DLC " First Aperiklub " et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera à la société DLC " First Aperiklub " une somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M.C..., à la société DLC " First Aperklub " et au ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

Mme Cottier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 décembre 2018.

2

N° 16LY01814


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY01814
Date de la décision : 28/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : PERRET-BESSIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-28;16ly01814 ?
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