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12/02/2019 | FRANCE | N°17LY02376

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 février 2019, 17LY02376


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société en nom collectif (SNC) Novel Genève Lyon 6 a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis le 18 octobre 2014 par le maire de Lyon pour le recouvrement de la part communale de la participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) du secteur "Guérin-Genève" et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 257 975,17 euros.

Par un jugement n° 1500126 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.



Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juin 2017 et un mém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société en nom collectif (SNC) Novel Genève Lyon 6 a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler le titre exécutoire émis le 18 octobre 2014 par le maire de Lyon pour le recouvrement de la part communale de la participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble (PAE) du secteur "Guérin-Genève" et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 257 975,17 euros.

Par un jugement n° 1500126 du 13 avril 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 16 juin 2017 et un mémoire enregistré le 12 octobre 2018, qui n'a pas été communiqué, la SNC Novel Genève Lyon 6, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 avril 2017 ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 8 octobre 2014 et de la décharger de l'obligation de payer la somme de 257 975,17 euros ;

3°) de lui allouer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le point de départ de la prescription quinquennale prévue par l'article 2277 du code civil doit être fixé à la date du fait générateur, c'est-à-dire la délivrance du permis de construire en vertu de l'article L. 332-28 du code de l'urbanisme ;

- la créance était prescrite le 18 octobre 2014, faute d'émission d'un titre exécutoire dans les cinq ans de la date à laquelle la mise en recouvrement devait intervenir.

Par un mémoire enregistré le 3 août 2018, la commune de Lyon, représentée par la SELAS Adamas affaire publiques, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SNC Novel Genève Lyon 6 en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le point de départ de la prescription, qui correspond à la date d'exigibilité de la créance, elle-même liée au commencement des travaux, est nécessairement postérieur à la déclaration d'ouverture de chantier ;

- en tout état de cause, la prescription quinquennale de l'article 2277 du code civil n'est plus applicable aux créances des collectivités territoriales ;

- subsidiairement, en réglant une fraction de la même participation à la communauté urbaine de Lyon en 2009, la requérante a interrompu le délai de prescription en application de l'article 2240 du code civil.

La clôture de l'instruction a été fixée au 28 août 2018 par une ordonnance du 1er août 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier-conseiller ;

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public ;

- et les observations de Me A... pour la commune de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Novel Genève Lyon 6 a obtenu, le 27 décembre 2006, un permis de construire pour l'édification de cinq immeubles de logements, d'un local dédié à la petite enfance et de locaux professionnels sur un terrain situé dans le 6ème arrondissement de Lyon. Ce permis prévoit le versement d'une participation au financement des équipements publics réalisés dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble institué sur le secteur "Guérin-Genève". La SNC Novel Genève Lyon 6 a ensuite obtenu trois permis de construire modificatifs, dont le dernier date du 30 juillet 2010. Le maire de Lyon a émis, le 18 octobre 2014, un titre exécutoire pour avoir paiement d'une somme de 257 975,17 euros correspondant à la part communale de cette participation financière. La SNC Novel Genève Lyon 6 relève appel du jugement du 13 avril 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ce titre et à la décharge de l'obligation de payer cette somme.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. En premier lieu, il ressort des écritures de la SNC Novel Genève Lyon 6 devant le tribunal administratif, qu'elle a saisi celui-ci de conclusions dirigées contre le titre exécutoire du 18 octobre 2014 et non, comme la commune de Lyon l'a soutenu en première instance, contre une lettre de relance du 18 novembre 2014.

3. En second lieu, aux termes du 2° de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " L'action dont dispose le débiteur d'une créance assise et liquidée par une collectivité territoriale ou un établissement public local pour contester directement devant la juridiction compétente le bien-fondé de ladite créance se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuite ". Il résulte de ces dispositions que le délai de recours de deux mois contre un titre exécutoire poursuivant le recouvrement d'une créance d'une collectivité territoriale court à compter de sa réception par son destinataire ou du premier acte procédant de ce titre ou de la notification du premier acte de poursuite.

4. La commune de Lyon ne produit aucune pièce établissant la date à laquelle la SNC Novel Genève Lyon 6 aurait eu notification du titre exécutoire en litige. La demande, enregistrée au greffe du tribunal administratif de Lyon le 12 janvier 2015, dans les deux mois de la réception de la lettre de relance du 18 novembre 2014, ne peut ainsi être regardée comme ayant été présentée après l'expiration du délai de forclusion institué par les dispositions citées au point 3. Il en résulte que la fin de non-recevoir que la commune de Lyon oppose à cet égard à la demande de première instance, doit être écartée.

Sur les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire du 18 octobre 2014 et à fin de décharge :

5. D'une part, aux termes de l'article L. 332-9 alors en vigueur du code de l'urbanisme : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné (...) ". Selon l'article L. 332-10 alors en vigueur du même code : " La participation prévue à l'article précédent est exigée sous forme de contribution financière (...). / La mise en recouvrement de la participation sous forme de contribution financière se fait dans les délais fixés par l'autorité qui délivre l'autorisation de construire. Ces délais ne peuvent être décomptés qu'à partir du commencement des travaux qui ont fait l'objet de l'autorisation ".

6. D'autre part, la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile a substitué aux dispositions de l'article 2262 du code civil disposant que " Toutes les actions, tant réelles que personnelles, sont prescrites par trente ans ", celles du nouvel article 2224, aux termes duquel : " Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ". Aux termes de l'article 26 de cette loi : " Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ".

7. Il résulte de l'instruction que le permis de construire du 27 décembre 2006, qui constitue le fait générateur de la participation financière en litige, a prévu son versement en deux fois, le premier dans les six mois, le second dans les douze mois suivant la déclaration d'ouverture de chantier, laquelle a été déposée le 10 décembre 2007, ainsi que le confirme notamment le titre de recette émis par la communauté urbaine de Lyon produit en défense devant le tribunal. Le délai maximum pour l'émission par l'ordonnateur, à peine de prescription, d'un titre de recette, n'a commencé à courir qu'à compter de l'expiration de ces délais fixés par le permis en vertu des dispositions de l'article L. 332-10 citées au point 5. Compte tenu de la date à laquelle la déclaration d'ouverture de chantier a été déposée, soit le 10 décembre 2007, le point de départ du délai de prescription doit être fixé au 10 juin 2007 pour le premier versement et au 10 décembre 2008 pour le second, date auxquelles la créance de la commune était exigible en vertu de ce permis. Pour soutenir que ce délai n'aurait pas couru à compter de ces dates, la commune de Lyon ne saurait se borner à alléguer, sans justification particulière, que les travaux n'auraient pas commencé au moment du dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, alors que ce dépôt constitue une présomption en ce sens.

8. Aux termes de l'article 2240 du code civil : " La reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription. ". La reconnaissance de l'exigibilité de sa dette par le redevable d'une créance publique s'entend de tout acte ou de toute démarche par lesquels celui-ci admet son obligation de payer cette créance définie par sa nature, son montant et l'identité de son titulaire.

9. En réglant la fraction de la participation financière en litige due à la communauté urbaine de Lyon, la requérante ne peut être regardée comme ayant reconnu son obligation de payer la créance détenue à son encontre par la commune de Lyon. Ce règlement n'a pu, dès lors, interrompre de délai de prescription au sens de l'article 2240 du code civil à l'égard de la commune de Lyon, contrairement à ce que celle-ci soutient.

10. En l'absence d'autres dispositions spécifiques applicables, le délai de prescription de cinq ans défini à l'article 2224 du code civil s'est substitué, le 19 juin 2008, date d'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et dans les conditions fixées par les dispositions de l'article 26 de cette loi citées au point 6, au délai de prescription trentenaire de droit commun alors applicable en vertu de l'ancien article 2262 du code civil.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le délai de prescription quinquennale, applicable à compter du 19 juin 2008, était expiré à la date à laquelle le titre exécutoire a été émis, soit le 18 octobre 2014 et que la créance en litige était prescrite au jour de l'émission du titre de recettes. La SNC Novel Genève Lyon 6 est ainsi fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation du titre exécutoire du 18 octobre 2014 et la décharge de l'obligation de payer la somme de 257 975,17 euros faisant l'objet de ce titre.

Sur les frais liés au litige :

12. En application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lyon le versement d'une somme de 2 000 euros à la SNC Novel Genève Lyon 6 au titre des frais qu'elle a exposés. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme que la commune de Lyon demande au même titre soit mise à la charge de la SNC Novel Genève Lyon 6, qui n'est pas partie perdante.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 avril 2017 est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 18 octobre 2014 par le maire de Lyon en vue du paiement de la part communale de la participation financière au titre du programme d'aménagement d'ensemble du secteur "Guérin-Genève " est annulé.

Article 3 : La SNC Novel Genève Lyon 6 est déchargée de l'obligation de payer la somme de 257 975,17 euros.

Article 4 : La commune de Lyon versera la somme de 2 000 euros à la SNC Novel Genève Lyon 6 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions que la commune de Lyon présente au même titre sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société en nom collectif Novel Genève Lyon 6 et à la commune de Lyon.

Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 février 2019.

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 17LY02376

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02376
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Comptabilité publique et budget - Créances des collectivités publiques - Recouvrement - Procédure - État exécutoire.

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Prescription.

Urbanisme et aménagement du territoire - Contributions des constructeurs aux dépenses d'équipement public - Participation dans le cadre d'un programme d'aménagement d'ensemble.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : CABINET SOYER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-12;17ly02376 ?
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