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01/10/2019 | FRANCE | N°18LY00368

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 01 octobre 2019, 18LY00368


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Cars and Co a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 3 mai 2010 au 31 octobre 2012, des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1503538 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par

une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2018 et le 3 août 2018, la société Cars and ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Cars and Co a demandé au tribunal administratif de Dijon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant du 3 mai 2010 au 31 octobre 2012, des pénalités correspondantes et des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1503538 du 30 novembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 30 janvier 2018 et le 3 août 2018, la société Cars and Co, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 30 novembre 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, pénalités et amendes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Cars and Co soutient que :

- la procédure est irrégulière, faute de débat oral et contradictoire, dès lors que les pièces obtenues par l'administration dans le cadre des demandes d'assistance administrative internationale, qui ont été irrégulièrement rédigées postérieurement au délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, ont le caractère de pièces comptables de l'entreprise et qu'elles n'ont pas fait l'objet d'un débat avec le contribuable ;

- le tribunal administratif a insuffisamment répondu au moyen tiré de ce que le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales pour procéder à la vérification a été méconnu ;

- sa réponse tardive à la proposition de rectification ne peut être assimilée à une acceptation tacite des rectifications et la procédure est irrégulière dès lors que l'administration a refusé de répondre à ses observations, de saisir la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires et de l'autoriser à saisir le supérieur hiérarchique ; ces garanties instituées par la charte du contribuable vérifié sont indépendantes de la mise en oeuvre de la procédure contradictoire visée à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales ;

- M. H... G... n'est pas un professionnel de l'automobile mais un simple associé ne participant pas à la gestion de la société ;

- le simple fait d'avoir été alerté sur les mécanismes de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ne permet pas d'établir la connaissance que chacun des véhicules vendus ne pouvaient bénéficier du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;

- l'administration n'établit pas le caractère fictif des factures établies par les intermédiaires roumains faute de réponse des autorités roumaines à la demande d'assistance administrative internationale ; elle n'établit pas davantage que le régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ne pouvait s'appliquer pour les opérations réalisées par ces sociétés ;

- l'administration n'établit pas non plus le caractère fictif des factures établies par la société allemande au nom de société espagnoles et des factures établies par les sociétés espagnoles au nom de ses clients ;

- l'administration n'établit pas que les sociétés espagnoles ne pouvaient appliquer le régime de la marge ;

- elle n'avait pas à vérifier que les sociétés intermédiaires remplissaient leurs obligations déclaratives et que les opérations souscrites dans leurs déclarations de taxe sur la valeur ajoutée étaient conformes aux mentions figurant sur les factures qu'elles émettaient ;

- à supposer qu'elle puisse se voir qualifier d'intermédiaire opaque, elle était fondée à appliquer le régime de la marge ;

- si les opérations étaient fictives comme le soutient l'administration, celle-ci ne pouvait assujettir ses opérations à la taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elle n'a jamais mentionné la taxe sur la valeur ajoutée sur les factures litigieuses ; l'amende prévue par l'article 1788 A du code général des impôts ne pouvait s'appliquer à des opérations n'étant pas des acquisitions intracommunautaires ; n'étant pas non plus des opérations domestiques, elles n'étaient pas dans le champ de l'article 256 du code général des impôts et l'administration ne pouvait pas l'assujettir à une pénalité de 80 % pour manoeuvres frauduleuses.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- la société n'a fait valoir aucun motif à sa réponse à la proposition de rectification hors du délai imparti, alors qu'elle avait obtenu sa prolongation d'une durée de trente jours ; son absence de réponse dans le délai imparti a valu accord tacite, qui dispense l'administration de produire une réponse aux observations du contribuable et fait obstacle à la saisine de la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires ; la charte du contribuable vérifié prévoit que le recours hiérarchique est possible lorsque les observations du contribuable ont fait l'objet d'un rejet dans la réponse aux observations du contribuable ;

- le délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales n'a pas été méconnu ;

- M. I... G... était bien le gérant de fait de la société ; tout comme M. H... G..., il connaissait la position de l'administration fiscale s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée sur les véhicules d'occasion, dans la mesure où ils sont associés d'une autre société ayant fait l'objet du même type de contrôle en 2008 ;

- la société Cars and Co est un intermédiaire opaque ; elle ne pouvait ignorer que les sociétés espagnoles et roumaines n'étaient pas autorisées à appliquer le régime de taxation sur la marge ; elle devait reverser la taxe sur la valeur ajoutée sur les acquisitions intracommunautaires en application de l'article 256 bis du code général des impôts et l'amende prévue à l'article 1788 A du code général des impôts est due ;

- ayant déclaré les seules prétendues commissions comme chiffre d'affaires taxable alors qu'elle savait qu'elle agissait comme intermédiaire opaque, redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, la société a commis des manoeuvres frauduleuses justifiant l'application de la majoration de 80 % prévue au c. de l'article 1729 du code général des impôts ; M. I... G... et Mme B... C..., gérant de fait et associé de la contribuable, ont tous deux été pénalement condamnés pour fraude fiscale à raison des faits relevés par l'administration fiscale à l'occasion des rectifications litigieuses.

La société Cars and Co a produit un nouveau mémoire le 28 août 2019, lequel, en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant la société Cars and Co ;

Une note en délibéré présentée par la société Cars and Co a été enregistrée le 17 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. La SARL Cars and Co, qui a été créée le 16 avril 2010 et dont les deux associés sont Mme B... C... et M. H... G..., a pour activités la location de voitures et la vente de véhicules neufs et d'occasion. La société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité du 11 juin 2013 au 30 juillet 2013, portant sur la période allant du 3 mai 2010 au 31 octobre 2012, à l'issue de laquelle l'administration a estimé qu'elle agissait non pas comme un intermédiaire transparent rémunéré par des commissions, mais comme un intermédiaire opaque, réalisant des acquisitions intracommunautaires. Elle s'est vu réclamer en conséquence des rappels de taxe sur la valeur ajoutée notifiés selon la procédure contradictoire assortis de la majoration pour manoeuvres frauduleuses et de l'amende fiscale prévue au 4 de l'article 1788 A du code général des impôts. La SARL Cars and Co relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande de décharge des droits de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités correspondantes et de l'amende maintenus à sa charge à l'issue de sa réclamation préalable.

Sur la régularité du jugement :

2. En citant les dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, relatif à la durée maximale de la vérification sur place des livres ou documents comptables, en précisant leur portée et en appliquant les principes rappelés aux faits qui ressortaient du dossier, le tribunal administratif a, quelle que puisse être la pertinence de sa réponse et conformément aux dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, suffisamment motivé son jugement en tant qu'il examine le moyen tiré de l'irrégularité de la demande d'assistance administrative internationale intervenue au-delà du délai de trois mois prévu à l'article L. 52 du livre des procédures fiscales.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales : " Lorsque la vérification de la comptabilité, pour une période déterminée, au regard d'un impôt ou taxe ou d'un groupe d'impôts ou de taxes est achevée, l'administration ne peut procéder à une nouvelle vérification de ces écritures au regard des mêmes impôts ou taxes et pour la même période. / Toutefois, il est fait exception à cette règle : (...) 6° Dans les cas prévus à l'article L. 188 A après l'intervention de la réponse de l'autorité compétente de l'autre Etat ou territoire ; (...) ". Aux termes de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales : " I.- Sous peine de nullité de l'imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables ne peut s'étendre sur une durée supérieure à trois mois en ce qui concerne : 1° Les entreprises industrielles et commerciales ou les contribuables se livrant à une activité non commerciale dont le chiffre d'affaires ou le montant annuel des recettes brutes n'excède pas les limites prévues au I de l'article 302 septies A du code général des impôts (...) ". La date à laquelle la vérification sur place mentionnée par ces dispositions doit être regardée comme ayant débuté est celle à laquelle le vérificateur commence à contrôler sur place la sincérité des déclarations fiscales et, aux termes même desdites dispositions, c'est la dernière intervention sur place du vérificateur, et non la proposition de rectification, qui marque l'achèvement de la vérification.

4. En l'espèce, il est constant que la vérification sur place a commencé le 11 juin 2013 et s'est terminée le 30 juillet 2013. La mise en oeuvre de la procédure prévue à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales, qui permet à l'administration de solliciter des renseignements d'un autre Etat, ne constituant pas une modalité de la vérification sur place des livres ou documents comptables de la société vérifiée, la formulation des demandes d'assistance administrative internationale postérieurement à l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article 52 du livre des procédures fiscales précité, n'a pas eu pour effet de la conduire à méconnaître ledit délai. L'administration n'avait, par ailleurs, nullement l'obligation de faire usage de la faculté qui lui est laissée par le 6° de l'article L. 51 du livre des procédures fiscales, de procéder à une nouvelle vérification de comptabilité lorsque la réponse des autorités administratives d'un autre Etat, suite à une demande d'assistance administrative internationale, fait apparaître que la période ou l'assiette des rectifications envisagées pourraient être étendue.

5. Enfin, dès lors que, conformément aux dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration a adressé une proposition de rectification motivée à la société Cars and Co, dans laquelle elle mentionnait ces demandes et en détaillait les résultats, ce qui a permis à l'intéressée d'en demander et d'en obtenir la communication, le caractère contradictoire de la procédure n'a pas été méconnu.

6. En second lieu, aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige (...) à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 59-1 du même livre : " Le contribuable dispose d'un délai de trente jours à compter de la réception de la réponse de l'administration à ses observations pour présenter la demande prévue au premier alinéa de l'article L. 59. ".

7. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires par l'administration à la demande du contribuable, n'est obligatoire que si persiste un désaccord portant sur une question de la compétence de la commission, d'autre part et par voie de conséquence, qu'en cas d'acceptation tacite, résultant d'une absence totale de réponse ou d'une réponse tardive, le service n'est pas tenu de saisir ladite commission.

8. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 22 septembre 2014 a été notifiée le 24 septembre suivant à la SARL Cars and Co, laquelle, après avoir sollicité et obtenu un délai supplémentaire de trente jours pour présenter ses observations, s'est abstenue de répondre dans le délai imparti. Ainsi elle doit être regardée comme ayant tacitement accepté les redressements, nonobstant le fait qu'elle a ultérieurement présenté des observations, auxquelles l'administration n'était ainsi pas tenue de répondre. La société Cars and Co n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle a été privée de la possibilité de saisir la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.

9. Il résulte enfin de la lecture combinée des dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales et du paragraphe de la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, intitulé " En cas de désaccord avec le vérificateur ", que les contribuables ne peuvent faire appel au supérieur hiérarchique qu'à la double condition d'avoir répondu dans le délai imparti à la proposition de rectification et qu'à l'issue de cette saisine un désaccord persiste. Comme il a été dit, la SARL Cars and Co n'a pas répondu dans le délai imparti à la proposition de rectification du 22 septembre 2014 et est ainsi réputée avoir accepté tacitement les redressements. Elle ne disposait ainsi pas du droit de saisir le supérieur hiérarchique.

Sur le bien-fondé des impositions :

S'agissant de la qualité d'intermédiaire transparent :

10. Aux termes du 1° du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. ". Aux termes du III de l'article 256 bis du même code : " Un assujetti, agissant en son nom propre mais pour le compte d'autrui, qui s'entremet dans une acquisition intracommunautaire, est réputé avoir personnellement acquis et livré le bien ". Un intermédiaire agit au nom d'autrui s'il met en relation deux personnes qui contractent entre elles. Il en est de même pour l'intermédiaire qui contracte personnellement avec le tiers lorsque, soit le contrat mentionne expressément qu'il agit au nom d'autrui soit, en l'absence de contrat écrit, la facture est établie directement par le commettant ou par l'intermédiaire en faisant apparaître que celui-ci agit au nom d'autrui, soit enfin, en l'absence de facture, les circonstances de droit ou de fait permettent d'établir que le tiers avait connaissance du fait que l'intermédiaire agissait au nom d'autrui.

11. Il résulte de l'instruction que la SARL Cars and Co proposait à des clients particuliers français de rechercher pour leur compte des véhicules d'occasion auprès de négociants spécialisés implantés dans un autre Etat membre de l'Union européenne, en particulier l'Espagne. La société Cars and Co déclarait ainsi à la taxe sur la valeur ajoutée la seule facturation à ses clients des commissions d'entremise, au taux normal des prestations de service. Toutefois, il résulte de l'instruction que les véhicules, provenant d'Allemagne et de Belgique, étaient directement recherchés par la SARL Cars and Co auprès des fournisseurs allemands et belges, sans aucune implication des sociétés espagnoles intercalées dans l'opération. Les véhicules ne transitaient jamais par l'Espagne et étaient directement convoyés par ou pour le compte de la société Cars and Co d'Allemagne ou de Belgique vers la France, sans aucun concours des sociétés espagnoles qui avaient rédigé les factures à destination des particuliers français. La société Cars and Co payait ces intermédiaires espagnols avant même qu'ils aient acquis les véhicules et aient établi une facture, et parfois même avant même d'avoir signé un mandat avec un client français. L'absence de rôle effectif d'acheteur-revendeur de ces sociétés s'est trouvé, en outre, confirmé par les réponses obtenues par l'administration à sa demande d'assistance administrative internationale auprès des autorités espagnoles, dont il résulte que les sociétés espagnoles s'intercalant dans ces opérations ne disposaient pas des structures nécessaires pour assurer un négoce de véhicules neufs ou d'occasion et que, dépourvues de substance économique, elles se bornaient en réalité à assurer un rôle formel de facturier, de payeur et de receveur de fonds. Ce dernier point n'est d'ailleurs pas sérieusement contesté par la requérante, qui se borne à invoquer l'absence de demande d'assistance administrative internationale effectuée auprès des autorités roumaines, alors qu'elle a obtenu satisfaction à l'issue de sa réclamation préalable, s'agissant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux opérations effectuées avec des intermédiaires roumains. Dans ces conditions, les circonstances que la société requérante avait conclu des mandats avec ses clients, lesquels mentionnaient d'ailleurs que les fonds seraient reversés au fournisseur alors qu'ils étaient nécessairement conservés par la société Cars and Co, celle-ci ayant déjà versé le prix des véhicules aux sociétés espagnoles, que les factures établies par les sociétés espagnoles étaient libellées au nom des clients finaux et qu'elle a facturé des commissions, ne permettent pas de considérer qu'elle agissait en qualité d'intermédiaire transparent. Il suit de là que l'administration a pu à bon droit considérer que la société avait personnellement acquis et livré les biens, de sorte qu'elle devait être qualifiée d'intermédiaire opaque, imposable en France conformément aux dispositions de l'article 258 C du code général des impôts, et appliquer aux opérations réalisées le régime de taxe sur la valeur ajoutée prévu par les dispositions de l'article 256 du code général des impôts relatives aux acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par des assujettis agissant en tant que tels.

S'agissant de l'application du régime de taxation sur la marge :

12. Aux termes du I de l'article 256 bis du code général des impôts : " 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises (...) / 2° bis Les acquisitions intracommunautaires de biens d'occasion (...) effectuées à titre onéreux par un assujetti (...) ne sont pas soumises à la taxe sur la valeur ajoutée lorsque le vendeur ou l'assujetti est un assujetti revendeur qui a appliqué dans l'Etat membre de départ de l'expédition ou du transport du bien les dispositions de la législation de cet Etat prises pour la mise en oeuvre des articles 312 à 325 ou 333 à 341 de la directive 2006 / 112 / CE du Conseil du 28 novembre 2006. (...) ". Aux termes du 1° du I de l'article 297 A du même code : " La base d'imposition des livraisons par un assujetti revendeur de biens d'occasion (...) qui lui ont été livrés par un non redevable de la taxe sur la valeur ajoutée ou par une personne qui n'est pas autorisée à facturer la taxe sur la valeur ajoutée au titre de cette livraison est constituée de la différence entre le prix de vente et le prix d'achat. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 297 E du même code : " Les assujettis qui appliquent les dispositions de l'article 297 A ne peuvent pas faire apparaître la taxe sur la valeur ajoutée sur leurs factures. ". Il résulte de ces dispositions qu'une entreprise française assujettie à la taxe sur la valeur ajoutée a la qualité d'assujetti revendeur et peut appliquer le régime de taxation sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lorsqu'elle revend un bien d'occasion acquis auprès d'un fournisseur situé dans un autre Etat membre qui, en sa qualité d'assujetti revendeur, lui a délivré une facture conforme aux dispositions précitées de l'article 297 E du code général des impôts et dont le fournisseur a aussi cette qualité ou n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée.

13. En l'espèce, l'administration, après avoir remis en cause la qualification d'intermédiaire transparent de la société Cars and Co, a examiné d'office si cette société pouvait bénéficier du régime taxation sur la valeur ajoutée à raison des opérations litigieuse, celle-ci ayant produit des factures de ses intermédiaires espagnols mentionnant l'application d'un régime de taxation sur la marge.

14. Il résulte de l'instruction, notamment des résultats des demandes d'assistance administrative réalisées auprès des autorités fiscales espagnoles, que les différentes sociétés espagnoles se présentant comme les fournisseurs de la société Cars and Co ne pouvaient légalement mentionner une taxation sur la marge sur leurs factures ni, plus généralement appliquer le régime de taxation sur la marge, s'agissant de véhicules systématiquement achetés hors taxe auprès des vendeurs allemands ou belges, dans le cadre de livraisons intracommunautaires, devant donner lieu à taxation auprès de l'acquéreur. Contrairement à ce que soutient la requérante, qui ne le conteste pas sérieusement, l'administration établit ainsi le caractère erroné des mentions figurant sur les factures litigieuses pour chacun des fournisseurs de la société Cars and Co. Compte tenu de ce que cette société n'a tiré aucune conséquence de ces mentions puisque, se présentant comme un intermédiaire transparent, elle n'a pas entendu appliquer le régime de la taxation sur la marge, l'administration n'a pas à prouver, outre le caractère erroné des mentions en cause, le fait que la société Cars and Co ne pouvait l'ignorer. En tout état de cause, il résulte de l'instruction que, compte tenu du circuit de vente décrit au point 11. ci-dessus, la société Cars and Co doit être regardée comme n'ayant pu ignorer que les sociétés espagnoles intercalées ne pouvaient appliquer le régime de taxation sur la marge, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la qualification de gérant de fait de M. I... G....

15. Il suit de là que c'est à bon droit que l'administration a considéré que le régime de taxation sur la marge ne s'appliquait pas aux opérations en cause et que celles-ci étaient bien taxables sur la totalité du prix de vente des véhicules.

Sur l'amende fiscale :

16. Aux termes du premier alinéa du 4 de l'article 1788 A du code général des impôts : " Lorsqu'au titre d'une opération donnée le redevable de la taxe sur la valeur ajoutée est autorisé à la déduire, le défaut de mention de la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287, qui doit être déposée au titre de la période concernée, entraîne l'application d'une amende égale à 5 % de la somme déductible. ". Aux termes du 1° du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a ; Pour les livraisons de biens, les prestations de services ou les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers ; / b. Pour les opérations ci-après, par le montant total de la transaction : / Opérations réalisées par un intermédiaire mentionné (...) au III de l'article 256 bis (...) ". Enfin, aux termes du 1 du II de l'article 271 du même code : " Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / (...) d) Celle qui correspond aux factures d'acquisition intracommunautaire (...) ".

17. Il n'est pas contesté que la société Cars and Co n'a pas mentionné la taxe exigible sur la déclaration prévue au 1 de l'article 287 du code général des impôts.

18. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration n'a pas considéré que les opérations de ventes de véhicules effectuées par la société Cars and Co étaient fictives mais a remis en cause la réalité de l'activité des intermédiaires espagnols de la société Cars and Co, de sorte que cette dernière ne pouvait être qualifiée d'intermédiaire transparent. Il suit de là que l'administration ayant, au contraire, considéré comme réelles les opérations d'acquisitions intracommunautaires effectuées par la SARL Cars and Co, le moyen tiré de ce qu'à supposer les opérations litigieuses fictives, aucune taxe sur la valeur ajoutée n'était due puisqu'aucune taxe sur la valeur ajoutée n'avait été mentionnée sur les factures de la société Cars and Co, doit être écarté.

Sur la majoration pour manoeuvres frauduleuses :

19. Pour infliger à la société Cars and Co des pénalités pour manoeuvres frauduleuses sur le fondement du c. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a notamment retenu que cette société avait usé de procédés en vue de faire croire à sa qualité d'intermédiaire transparent alors qu'elle avait une parfaite connaissance des règles applicables et de la nature d'acquisitions d'intracommunautaires des opérations réalisées, d'autant qu'une procédure de contrôle en cours avait déjà attiré l'attention des associés de cette société sur le caractère frauduleux de ces procédés.

20. Pour contester l'application de ces pénalités, la société Cars and Co soulève le même moyen qu'à l'appui de sa contestation de l'amende fiscale de 5 % prévue à l'article 1788 A du code général des impôts. Ce moyen doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 18 ci-dessus.

21. Il résulte de ce qui précède que la SARL Cars and Co n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SARL Cars and Co est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Cars and Co et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme D..., présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 1er octobre 2019.

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N° 18LY00368

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY00368
Date de la décision : 01/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-06-02-08-01 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Liquidation de la taxe. Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : DGM et Associés

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-01;18ly00368 ?
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