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17/10/2019 | FRANCE | N°17LY04030

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 17 octobre 2019, 17LY04030


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 novembre 2014 par laquelle la société ERDF a rejeté sa demande d'enlèvement, sur le territoire de la commune d'Espenel (Drôme), de la ligne électrique surplombant ses parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 et des ancrages implantés sur la façade de sa maison, à titre principal, d'enjoindre à la société ERDF, devenue société Enedis, d'enlever hors de sa propriété cet

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 novembre 2014 par laquelle la société ERDF a rejeté sa demande d'enlèvement, sur le territoire de la commune d'Espenel (Drôme), de la ligne électrique surplombant ses parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 et des ancrages implantés sur la façade de sa maison, à titre principal, d'enjoindre à la société ERDF, devenue société Enedis, d'enlever hors de sa propriété cette ligne, ces ancrages et le conducteur aérien alimentant la parcelle cadastrée section AB n° 247, à titre subsidiaire, d'enjoindre à ladite société de régulariser l'emprise irrégulière dans un délai de cinq mois à compter du jugement à intervenir et, à défaut de régularisation dans ce délai, de lui enjoindre d'enlever hors de sa propriété cette ligne, ces ancrages et ce conducteur aérien sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de mettre à la charge de la même société les entiers dépens ainsi qu'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1407181 du 5 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 23 novembre 2017 et le 13 mars 2019, Mme B... C..., représentée par Me Dalbin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1407181 du 5 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 novembre 2014 par laquelle la société ERDF a rejeté sa demande d'enlèvement, sur le territoire de la commune d'Espenel (Drôme), de la ligne électrique surplombant ses parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 et des ancrages implantés sur la façade de sa maison ;

3°) à titre principal, d'enjoindre à la société Enedis d'enlever hors de sa propriété cette ligne et ces ancrages sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre à la société Enedis de régulariser l'emprise irrégulière dans un délai de cinq mois à compter de l'arrêt à intervenir et, à défaut de régularisation dans ce délai, de lui enjoindre d'enlever hors de sa propriété cette ligne et ces ancrages sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de la société Enedis les entiers dépens ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, dès lors que le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen tiré de ce que, en méconnaissance de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, repris à l'article L. 323-4 du code de l'énergie, les ancrages sont implantés sur une façade de son immeuble ne donnant pas sur la voie publique ;

- le surplomb de la ligne et ses deux ancrages sur sa propriété sont constitutifs d'une emprise irrégulière, dès lors qu'ils ne bénéficient pas de titre régulier établissant une servitude de surplomb et d'ancrage sur son terrain ; en effet,

la convention du 13 décembre 1985 signée entre la commune d'Espenel et le propriétaire des parcelles à l'époque, M. A..., ne révèle pas un consentement donné par ce dernier en toute connaissance de cause, dès lors qu'elle n'est accompagnée d'aucun plan alors que la convention évoque le fait que le propriétaire a pris connaissance du tracé de la ligne électrique ;

cette convention ne lui est opposable, dès lors qu'elle ne figure pas dans l'acte d'acquisition des parcelles qu'elle a signé le 23 août 2007 ;

en méconnaissance de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, repris à l'article L. 323-4 du code de l'énergie et de la convention du 13 décembre 1985, les ancrages sont implantés sur une façade de son immeuble ne donnant pas sur la voie publique, dès lors que la façade concernée donne sur son jardin, sur la parcelle cadastrée section AB n° 38, et non directement sur une voie publique et que les ancrages ne sont pas accessibles par l'extérieur de sa propriété et ne sont accessibles qu'en pénétrant dans la propriété qui est entièrement clôturée ; selon la réponse ministérielle n° 21845 publiée au Journal officiel du 29 décembre 2016, les servitudes des articles L. 171-4 à L. 171-9 du code de la voirie routière ne peuvent être imposées aux immeubles riverains d'une voie privée même ouverte à la circulation ;

l'implantation des ancrages étant contraire à l'article L. 323-4 du code de l'énergie, la convention du 13 décembre 1985 est illicite ;

- le déplacement sollicité sera ordonné, dès lors que la société Enedis ne justifie pas d'une atteinte excessive à l'intérêt général en l'absence d'impossibilité technique de déplacer l'ouvrage public qui, notamment, l'empêche, en l'état, de réaliser les travaux de ravalement de la façade de sa maison sur laquelle sont implantés les ancrages et qu'aucune régularisation n'est possible, les ancrages étant implantés sur une façade qui donne sur son jardin et non sur la voie publique, en méconnaissance de l'article L. 323-4 du code de l'énergie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 décembre 2018, la société Enedis, représentée par la SCP Dünner Carret Duchatel Escallier, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie ;

- le code de l'énergie ;

- le décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie et de la loi du 16 octobre 1919 relative à l'utilisation de l'énergie hydraulique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Drouet, président assesseur,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- les observations de Mme C...,

- et les observations de Me Carret, avocat (SCP Dünner Carret Duchatel Escallier), pour la société Enedis.

Une note en délibéré, présentée pour Mme C..., a été enregistrée le 27 septembre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... relève appel du jugement n° 1407181 du 5 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande de première instance tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 20 novembre 2014 de la société ERDF rejetant sa demande d'enlèvement, sur le territoire de la commune d'Espenel (Drôme), de la ligne électrique surplombant ses parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 et des ancrages implantés sur la façade de sa maison et à ce qu'il soit enjoint à la société ERDF, devenue société Enedis, à titre principal, d'enlever de sa propriété cette ligne, ces ancrages et le conducteur aérien alimentant la parcelle cadastrée section AB n° 247, à titre subsidiaire, de régulariser l'emprise irrégulière dans un délai de cinq mois à compter du jugement à intervenir et, à défaut de régularisation dans ce délai, de lui enjoindre d'enlever de sa propriété cette ligne et ces ancrages sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

2. Aux termes de l'article L. 323-4 du code de l'énergie, reprenant ceux du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie : " La déclaration d'utilité publique investit le concessionnaire, pour l'exécution des travaux déclarés d'utilité publique, de tous les droits que les lois et règlements confèrent à l'administration en matière de travaux publics. Le concessionnaire demeure, dans le même temps, soumis à toutes les obligations qui dérivent, pour l'administration, de ces lois et règlements. / La déclaration d'utilité publique confère, en outre, au concessionnaire le droit : / 1° D'établir à demeure des supports et ancrages pour conducteurs aériens d'électricité, soit à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique, soit sur les toits et terrasses des bâtiments, à la condition qu'on y puisse accéder par l'extérieur, étant spécifié que ce droit ne pourra être exercé que sous les conditions prescrites, tant au point de vue de la sécurité qu'au point de vue de la commodité des habitants, par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article L. 323-11. Ces décrets doivent limiter l'exercice de ce droit au cas de courants électriques tels que la présence de ces conducteurs d'électricité à proximité des bâtiments ne soient pas de nature à présenter, nonobstant les précautions prises conformément aux décrets des dangers graves pour les personnes ou les bâtiments ; / (...) ". Selon l'article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 susvisé en vigueur à la date de la décision attaquée : " Une convention passée entre le concessionnaire et le propriétaire ayant pour objet la reconnaissance des servitudes d'appui, de passage, d'ébranchage ou d'abattage prévues au troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 susvisée peut remplacer les formalités prévues au quatrième alinéa dudit article. / Cette convention produit, tant à l'égard des propriétaires et de leurs ayants droit que des tiers, les effets de l'approbation du projet de détail des tracés par le préfet, qu'elle intervienne en prévision de la déclaration d'utilité publique des travaux ou après cette déclaration, ou, en l'absence de déclaration d'utilité publique, par application de l'article 298 de la loi du 13 juillet 1925 susvisée. ".

3. A l'appui de sa demande, Mme C... soutenait notamment que, en méconnaissance de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906, repris à l'article L. 323-4 du code de l'énergie, les ancrages sont implantés sur une façade de son immeuble ne donnant pas sur la voie publique. Le tribunal ne s'est pas prononcé sur ce moyen, qui n'était pas inopérant. Par suite, son jugement doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C... devant le tribunal administratif de Grenoble.

5. En premier lieu, il est constant que, par convention conclue le 13 décembre 1985 sur le fondement de l'article 1er du décret n° 67-886 du 6 octobre 1967 entre la commune d'Espenel, maître d'ouvrage de la ligne électrique à basse tension du poste d'Espenel-le-Haut dont elle a concédé l'exploitation à Électricité de France, et M. A..., propriétaire des parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 supportant notamment une maison d'habitation, a été établie sur ces parcelles au profit de la commune et d'Électricité de France la reconnaissance d'une servitude de passage de conducteurs aériens d'électricité sur une longueur totale d'environ 38 mètres et d'une servitude d'appui par établissement de deux ancrages pour conducteurs aériens d'électricité à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique et d'un support pour conducteurs aériens. Il est notamment stipulé à l'article 1er de cette convention que le propriétaire signataire a préalablement pris connaissance du tracé de ladite ligne électrique sur ses parcelles en cause. Dans ces conditions, Mme C... n'est pas fondée à soutenir, qu'en l'absence de plan joint à cette convention, M. A... n'aurait pas donné son consentement en toute connaissance de cause.

6. En deuxième lieu, il est notamment stipulé au 1° du premier alinéa de l'article 1er de la convention du 13 décembre 1985 que sont établis à demeure deux ancrages pour conducteurs aériens d'électricité à l'extérieur des murs ou façades donnant sur la voie publique. Par suite, cette convention ne méconnaît pas les dispositions du troisième alinéa de l'article 12 de la loi du 15 juin 1906 sur les distributions d'énergie, ni celles, qui les reprennent, du 1° du second alinéa de l'article L. 323-4 du code de l'énergie.

7. En troisième lieu, il est constant que, par acte authentique du 23 août 2007, Mme C... a acquis les parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288. La convention précitée du 13 décembre 1985 constituant, ainsi qu'il a été dit au point précédent, une servitude de passage et d'appui, laquelle a la nature d'un droit réel immobilier et grève ces trois parcelles, elle est opposable à Mme C... en sa qualité d'acquéreur des parcelles, ainsi qu'il est mentionné au deuxième paragraphe de la page 7 de cet acte authentique, alors même que ladite convention ne figure pas dans cet acte.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces des dossiers de première instance et d'appel, et notamment de l'extrait de plan cadastral et des photographies produits par Mme C..., que les ancrages en cause sont implantés sur l'extérieur de la façade de sa maison d'habitation donnant sur la parcelle cadastrée section AB n° 288, cette parcelle étant contiguë à une voie publique. Dans ces conditions, et alors même que cette façade est distante de quelques mètres de cette voie publique et que le jardin de l'intéressée est intercalé entre la façade et la voie, lesdits ancrages sont établis à l'extérieur d'une façade donnant sur la voie publique, au sens des dispositions précitées du 1° du second alinéa de l'article L. 323-4 du code de l'énergie. Il ressort en outre des mêmes photographies que la façade supportant les ancrages est accessible par l'extérieur via le portail de la propriété de Mme C.... De plus, il ne résulte pas de l'instruction que cette même façade ne soit pas accessible par l'extérieur par des moyens techniques installés sur la voie publique. Il suit de là que l'implantation des ancrages litigieux, en exécution de la convention de reconnaissance de servitude du 13 décembre 1985, ne méconnaît pas, en tout état de cause, les dispositions du 1° du second alinéa de l'article L. 323-4 du code de l'énergie.

9. Il résulte de tout de qui précède que ni le surplomb de la ligne électrique sur les parcelles cadastrées section AB n° 38, n° 286 et n° 288 de Mme C... ni l'implantation des ancrages sur une des façades de sa maison d'habitation ne sont constitutifs d'une emprise irrégulière. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contestée du 20 novembre 2014 refusant d'enlever de sa propriété cette ligne et ces ancrages. Par voie de conséquence, doivent être rejetées ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles à fin de mise à la charge de la société Enedis des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de Mme C... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Enedis et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1407181 du 5 octobre 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme C... devant ce tribunal et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Mme C... versera à la société Enedis une somme de 1 500 (mille cinq cent) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et à la société Enedis.

Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président-assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 17 octobre 2019.

2

N° 17LY04030


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY04030
Date de la décision : 17/10/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels - Droit de propriété - Servitudes - Institution des servitudes - Servitudes pour l'établissement de lignes électriques.

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public - Ouvrage présentant ce caractère.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. Hervé DROUET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : DALBIN

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-10-17;17ly04030 ?
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