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05/12/2019 | FRANCE | N°17LY02942

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 05 décembre 2019, 17LY02942


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois ;

- de condamner l'État à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1501875 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
>Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, et un mémoire enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2015 par lequel le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois ;

- de condamner l'État à lui verser une somme de 3 000 euros en réparation du préjudice subi.

Par un jugement n° 1501875 du 15 juin 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juillet 2017, et un mémoire enregistré le 22 septembre 2017, présentés pour Mme B... épouse A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1501875 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) de condamner l'État à lui verser une somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que les premiers juges ne se sont pas prononcés sur le moyen tiré de ce que la sanction constituait un détournement de pouvoir ni sur le moyen tiré de ce que l'autorité disciplinaire s'est appuyée sur des faits non établis, commettant ainsi une erreur sur les règles de preuve ;

- la décision résulte d'une procédure irrégulière dès lors que les pièces du dossier démontrent que, lors de la séance du conseil de discipline, elle n'a pas été mise en situation de faire valoir ses observations sur l'intégralité des griefs retenus, l'autorité lui ayant donné à comprendre que certains étaient abandonnés ; le principe du contradictoire a donc été méconnu ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'il y avait lieu d'écarter l'application des dispositions de la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 introduisant un délai de prescription de trois ans en matière disciplinaire, au motif que cette loi n'était pas en vigueur à la date de la décision en litige, alors qu'il convenait de faire application du principe de rétroactivité de la loi plus douce ;

- c'est à tort que le tribunal, tout en reconnaissant qu'une partie importante des griefs qui lui étaient reprochés étaient infondés, car reposant sur des faits non établis, a estimé néanmoins que le garde des sceaux était fondé à infliger une sanction du troisième groupe ;

- la sanction était clairement disproportionnée ;

- la sanction présentait un caractère discriminatoire ;

- la décision illégale lui a causé un préjudice financier et moral.

Par une lettre du 21 janvier 2019, le garde des sceaux, ministre de la justice a été mis en demeure, dans un délai d'un mois, de produire ses observations en réponse à la requête de Mme A....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- la loi n° 2016-483 du 20 avril 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public,

- les observations de Me Viegas, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., agent du ministère de la justice du corps des conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation, affectée au service pénitentiaire d'insertion et de probation (SPIP) de la Savoie, a fait l'objet, après la rédaction, en juillet 2014, d'un rapport de l'inspection des services pénitentiaires de la direction de l'administration pénitentiaire " relatif à la dégradation du climat social au sein du SPIP de la Savoie et plus particulièrement de l'antenne de Chambéry ", d'une sanction disciplinaire du 3ème groupe, d'exclusion temporaire de fonctions, pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois, qui lui a été infligée par un arrêté du 13 janvier 2015 du garde des sceaux, ministre de la justice. Elle interjette appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de cette décision et, d'autre part, à l'indemnisation des préjudices qu'elle affirme avoir subis en conséquence de l'illégalité fautive de cette décision.

Sur la légalité de la décision du 15 juin 2017 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens :

2. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire ". Aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes (...) / Troisième groupe : (...) - l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de trois mois à deux ans. / (...) L'exclusion temporaire de fonctions, qui est privative de toute rémunération, peut être assortie d'un sursis total ou partiel (...) ".

3. D'une part, il incombe à l'autorité investie du pouvoir disciplinaire d'établir les faits sur le fondement desquels elle inflige une sanction à un agent public. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

4. En premier lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la réalité de certains griefs reprochés à Mme A... pour justifier la sanction disciplinaire qui lui a été infligée, et notamment les insultes proférées à l'encontre d'un juge d'application des peines, la destruction de soit-transmis, l'absence de réponse ou bien la transmission de rapports à ce juge après la fin du délai d'épreuve pour volontairement l'empêcher de révoquer les mesures de sursis avec mise à l'épreuve concernées, ne ressort pas des pièces du dossier, dès lors que les témoignages annexés au rapport d'inspection ne permettent pas d'imputer à la requérante de telles pratiques, ceux-ci restant trop généraux et ne désignant pas de manière spécifique Mme A... comme en étant l'auteur.

5. En second lieu, il résulte de la lecture de la décision en litige que la sanction infligée à Mme A... a été motivée par le fait que l'intéressée " a activement contribué à la dégradation du climat social au sein de l'antenne de Chambéry, qu'elle a entraîné certains de ses collègues à participer à cette dégradation, qu'elle a commis des fautes professionnelles susceptibles d'engager sa responsabilité personnelle, que son attitude a nui à l'image de l'administration pénitentiaire et de son corps d'appartenance tant vis-à-vis de l'autorité judiciaire que des partenaires institutionnels ". Eu égard aux conséquences du comportement reproché à Mme A... tant au sein de son service d'affectation que dans ses relations avec certains partenaires institutionnels, et en particulier vis-à-vis de l'autorité judiciaire, il ne résulte pas de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle n'avait pris en compte que les autres fautes reprochées à l'intéressée, dont la réalité a été constatée par les premiers juges.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à soutenir que la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois, est entachée d'une erreur de fait, de nature à justifier son annulation.

Sur les conclusions indemnitaires :

7. Il résulte de l'instruction qu'indépendamment des griefs reprochés à Mme A... et dont la matérialité n'a pas été établie, ainsi qu'il a été dit au point 4, les autres faits reprochés à Mme A... et dont la réalité a été constatée à bon droit par les premiers juges constituent des faits de nature à justifier une sanction disciplinaire. La requérante n'est dès lors, pas fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi en conséquence du prononcé d'une sanction disciplinaire.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Il y a lieu de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par Mme A... à l'occasion de la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1501875 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 13 janvier 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, lui a infligé la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois.

Article 2 : La décision du 13 janvier 2015 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a infligé à Mme A... la sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de cinq mois assortie d'un sursis de quatre mois est annulée.

Article 3 : L'État versera à Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... épouse A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 décembre 2019.

Le rapporteur,

Ph. SeilletLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

S. Bertrand

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

1

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N° 17LY02942


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17LY02942
Date de la décision : 05/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. Discipline. Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : VIEGAS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-12-05;17ly02942 ?
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