La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2020 | FRANCE | N°18LY03255

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre, 28 janvier 2020, 18LY03255


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bema a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605660 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 août 2018, la société Bema, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'a

nnuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société Bema a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1605660 du 29 juin 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 août 2018, la société Bema, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 juin 2018 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société Bema soutient que :

- son activité tend à la modélisation de solutions didactiques pour l'enseignement et ressort ainsi du développement expérimental ; il n'y a, dès lors, pas d'état de la technique préexistant, mais une activité inventive liée au fait de modéliser en trois dimensions des outils pédagogiques permettant l'enseignement simplifié de matières scientifiques ; il n'existait aucun outil didactique comparable à ceux qu'elle a créés ; contrairement à ce qu'a retenu la vérificatrice, l'état de l'art a été systématiquement précisé et le " verrou " technique clairement identifié ;

- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales pouvait être invoqué, dès lors qu'elle a fait l'objet de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- l'état de l'art constitue la référence permettant d'identifier l'incertitude scientifique et/ou technique que l'activité de recherche et développement se donne pour objectif de résoudre ;

- les différents documents produits par la société Bema sont insuffisants quant à la description de l'état des techniques existantes et l'identification des verrous techniques ou scientifiques ; les travaux qu'elle a engagés font appel à son savoir-faire et relèvent d'une adaptation aux supports préexistants quand bien même l'utilisation du nouveau système constitue une innovation et un progrès pour les utilisateurs ; elle ne fait état d'aucun verrou scientifique ou technique ;

- la société Bema ne rentre pas dans les prévisions de la doctrine qu'elle invoque, laquelle, au demeurant ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de ce que son application implique.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- et les conclusions de Mme D..., rapporteure publique ;

Considérant ce qui suit :

1. La Société Bema, qui exerce une activité de fabrication d'instrumentation scientifique et technique, a fait l'objet, au cours de l'année 2015, d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2013 à l'issue de laquelle elle a notamment été assujettie à des compléments d'impôt sur les sociétés résultant de la remise en cause du crédit d'impôt prévu en faveur des dépenses de recherche de l'article 244 quater B du code général des impôts constaté au titre des années 2011, 2012 et 2013. La société Bema relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

Sur le terrain de la loi fiscale :

2. Aux termes des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel ou exonérées en application des articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 septies, 44 octies, 44 octies A, 44 decies, 44 undecies, 44 duodecies, 44 terdecies à 44 quindecies peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. (...) " . Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : (...) c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté. "

3. Sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations.

4. La société Bema conçoit et réalise des machines destinées à l'enseignement technique et professionnel, telles que des machines photovoltaïques, une mini centrale hydraulique, un module de commande par " fréquence identification ", une mini usine de reconditionnement et recyclage, un simulateur d'échanges thermiques, un système domotique, des cellules 3D, un système piézo-électrique, un environnement " fibre optique ", un système d'automation, un simulateur d'intervention en milieu humide, un simulateur de comparaison simple-double flux et d'autres produits associés. Il résulte de l'instruction que, pour créer ces équipements et les adapter aux demandes de ses clients, à savoir des solutions d'apprentissage à destination d'élèves de l'enseignement secondaire, la société Bema s'appuie sur les connaissances scientifiques et techniques existantes. Les machines créées sont ainsi réalisées par voie de modélisation et de reproduction de phénomènes naturels ou scientifiques connus, sans générer de nouvelles connaissances scientifiques ou techniques. Si la société Bema soutient qu'elles doivent être regardées comme des nouveaux procédés didactiques, elle n'a jamais décrit précisément l'état des techniques existantes, la simple comparaison avec les produits proposés par ses concurrents ne pouvant tenir lieu d'analyse sur ce point, ni les verrous techniques ou technologiques à lever en vue de procéder à leur réalisation, la société se bornant à affirmer, pour la plupart des projets, que " les incertitudes techniques reposent essentiellement sur la preuve de concept didactique des solutions ". Par suite, si ces réalisations nécessitent des recherches en vue de répondre au mieux au besoin didactique exprimé par le client, les activités correspondantes n'ont pas été effectuées en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle, au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts. Il suit de là qu'elles n'ont pas le caractère d'opérations de développement expérimental et ne peuvent bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater B du code général des impôts.

Sur le terrain de la doctrine :

5. La société Bema se prévaut du paragraphe 70 de la documentation administrative référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20-20161102, publiée le 2 novembre 2016, selon laquelle le développement expérimental consiste en des travaux menés de façon systématique fondés sur des connaissances existantes obtenues par la recherche et/ou l'expérience pratique, en vue de lancer la fabrication des nouveaux matériaux, produits ou dispositifs, d'établir de nouveaux procédés, systèmes et services ou d'améliorer substantiellement ceux qui existent déjà. Toutefois, ce paragraphe ne fait pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle qui est faite ci-dessus.

6. La société requérante se prévaut également du paragraphe 190 de la même documentation administrative , selon laquelle, dans le domaine des sciences humaines et sociales avec application à différents secteurs, l'élaboration de moyens permettant de déterminer le programme d'enseignement le mieux adapté à certains groupes d'enfants relève du développement expérimental. Toutefois, le paragraphe dont il s'agit concerne un domaine d'intervention qui n'est pas celui de la société Bema. En tout état de cause, si les réalisations de la société Bema ont un caractère pédagogique, il ne résulte pas de l'instruction qu'elles concourent à la définition du programme d'enseignement des élèves des filières concernées.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Bema n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Bema est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Bema et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pruvost, président de chambre,

Mme B... présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 28 janvier 2020.

2

N° 18LY03255

ld


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03255
Date de la décision : 28/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

19-04-02-01-08-01-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Bénéfices industriels et commerciaux. Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. PRUVOST
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme TERRADE
Avocat(s) : PALOMARES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-01-28;18ly03255 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award