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30/01/2020 | FRANCE | N°18LY04665

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 30 janvier 2020, 18LY04665


Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2018, 13 juin 2019, 25 juin 2019, 12 août 2019 et 13 novembre 2019, l'association Apogas, représentée par Me Bineteau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté portant permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Lidl sur un terrain situé Route de Lyon, lieudit " les Sétives ", à Saint-Jean-de-Soudain, délivré par le maire de cette commune à la SNC Lidl, le 29 juin 2018, ensemble la décis

ion implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de l...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 18 décembre 2018, 13 juin 2019, 25 juin 2019, 12 août 2019 et 13 novembre 2019, l'association Apogas, représentée par Me Bineteau, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'arrêté portant permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la création d'un magasin à l'enseigne Lidl sur un terrain situé Route de Lyon, lieudit " les Sétives ", à Saint-Jean-de-Soudain, délivré par le maire de cette commune à la SNC Lidl, le 29 juin 2018, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Soudain une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie d'un intérêt à agir ;

- le dossier de permis de construire est incomplet, en ce qu'il ne prend pas en compte l'accessibilité aux personnes handicapées, en ce qui concerne le traitement acoustique des espaces ;

- le permis de construire méconnaît l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme en ce qu'il ne mentionne pas les prescriptions correspondantes à l'avis émis par la direction départementale des SDIS ;

- il méconnaît l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ;

- il ne respecte pas l'article UI 6 du règlement du PLU ;

- il en est de même s'agissant de l'article UI 13 de ce règlement.

Par des mémoires enregistrés les 21 mai et 2 juillet 2019, la SNC Lidl, représentée par Me A..., avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de l'association Apogas.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable en raison du caractère fictif de l'objet social de l'association ;

- le projet prend bien en compte le traitement acoustique des espaces adéquat s'agissant de l'accessibilité des personnes handicapées ;

- le projet ne méconnaît pas l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas plus l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme ;

- il respecte les articles UI 6 et 13 du PLU.

Par un mémoire enregistré le 13 juin 2019, la commune de Saint-Jean-de-Soudain, représentée par Me Le Gulludec, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'association Apogas sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'association qui a été créée pour pallier l'irrecevabilité d'un recours exercé par la SAS Soudal contre l'autorisation de construire ne justifie d'aucun intérêt à agir ;

- le permis de construire ne méconnaît pas l'article R. 431-30 du code de l'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme ;

- il ne méconnaît pas plus l'article L. 111-19 du code de l'urbanisme ;

- subsidiairement, il est demandé à la cour de faire application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B..., présidente assesseure ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- les observations de Me A..., représentant la SNC Lidl ;

- en présence de Me C..., représentant la commune de Saint-Jean-de-Soudain, qui n'a pas présenté d'observations.

Considérant ce qui suit :

1. La SNC Lidl a déposé une demande de permis de construire le 7 novembre 2017 dans le but de créer un supermarché alimentaire d'une surface de vente de 1 423 m², sur un terrain situé Route de Lyon, lieudit " les Sétives ", à Saint-Jean-de-Soudain. Le projet a bénéficié, le 9 janvier 2018, d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial de l'Isère et le 12 avril 2018, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté le recours administratif préalable obligatoire formé par la SAS Soudal qui exploite un magasin à l'enseigne " Intermarché ", à Saint-Jean-de-Soudain. Le maire de cette commune a accordé le permis de construire sollicité par la SNC Lidl par un arrêté du 29 juin 2018. Par recours gracieux exercé le 17 août 2018, l'association Apogas a demandé le retrait de ce permis de construire. Par la présente requête, l'association Apogas demande l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2018 en tant qu'il vaut autorisation de construire et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux.

2. Aux termes de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du Code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. "

3. Si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient à l'administration ou au juge administratif, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé. Ce principe peut conduire l'administration ou le juge administratif à ne pas tenir compte d'actes de droit privé opposables aux tiers. Toutefois, lorsqu'une partie demande au juge de ne pas tenir compte de tels actes, il lui appartient d'établir la preuve de la fraude, tant s'agissant de l'existence des faits matériels que de l'intention de tromper.

4. Il ressort des pièces du dossier que l'association Apogas a été créée le 11 septembre 2017, soit peu de temps avant le dépôt de la demande du permis de construire litigieux, que ses membres fondateurs sont constitués du gérant de l'Intermarché concurrent du magasin exploité par le pétitionnaire, de sa directrice générale et d'une salariée de l'établissement. La requérante ne démontre l'exercice d'aucune autre activité que son action contentieuse à l'encontre du projet litigieux. Ainsi, il apparaît que cette association, sous couvert d'un objet social visant, selon l'article 2 de ses statuts, à " la préservation de l'harmonie urbanistique de la commune de Saint-Jean-de-Soudain ", poursuit en réalité uniquement la défense des intérêts commerciaux de ses membres et a été constituée dans le but exclusif de contourner l'irrecevabilité résultant des dispositions précitées de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme. En relevant de tels éléments, la commune de Saint-Jean-de-Soudain et la SNC Lidl établissent le caractère frauduleux des démarches accomplies par l'association Apogas dans le but de demander l'annulation de l'autorisation d'urbanisme contestée.

5. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation de l'association Apogas ne peuvent qu'être rejetées.

Sur l'application de l'amende pour recours abusif :

6. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au litige : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros ". La requête de l'association Apogas présente un caractère abusif. Il y a lieu de lui infliger, en application de ces dispositions, une amende de 3 000 euros.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Jean-de-Soudain, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande l'association Apogas au titre des frais exposés par elle dans la présente instance.

8. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces mêmes dispositions et de mettre à la charge de l'association Apogas une somme de 2 000 euros à verser d'une part à la SNC Lidl et d'autre part à la commune de Saint-Jean-de-Soudain au titre des mêmes frais.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'association Apogas est rejetée.

Article 2 : L'association Apogas est condamnée à verser une amende pour recours abusif de 3 000 euros.

Article 3 : L'association Apogas versera une somme de 2 000 euros, d'une part, à la SNC Lidl et, d'autre part, à la commune de Saint-Jean-de-Soudain au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Apogas, à la SNC Lidl, à la commune de Saint-Jean-de-Soudain.

Copie en sera adressée au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, au ministre de l'économie et des finances, au président de la commission nationale d'aménagement commercial et au directeur départemental des finances publiques de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2020 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme B..., présidente assesseure,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 janvier 2020.

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N° 18LY04665


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