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30/06/2020 | FRANCE | N°18LY01188

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre, 30 juin 2020, 18LY01188


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Le Brethon a prononcé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux jours à son encontre et la décision du 1er février 2017 rejetant son recours gracieux ;

2°) de condamner la commune de Le Brethon à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi ;

3°) d'ordonn

er la publication dans un journal quotidien de la décision à intervenir, aux frais de la commune....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand :

1°) d'annuler l'arrêté du 13 décembre 2016 par lequel le maire de la commune de Le Brethon a prononcé une sanction d'exclusion temporaire de fonctions de deux jours à son encontre et la décision du 1er février 2017 rejetant son recours gracieux ;

2°) de condamner la commune de Le Brethon à lui verser une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi ;

3°) d'ordonner la publication dans un journal quotidien de la décision à intervenir, aux frais de la commune.

Par un jugement n° 1700707 du 8 février 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 30 mars 2018, M. A..., représenté par la SCP Bernardet et D..., agissant par Me D... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 ;

2°) d'annuler la décision du maire de la commune de Le Brethon du 13 décembre 2016 lui infligeant la sanction de deux jours d'exclusion ;

3°) d'ordonner la publication dans un journal quotidien de la décision à intervenir aux frais de la commune de Le Brethon ;

4°) de condamner la commune de Le Brethon à lui verser une indemnité de 5 000 euros ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Le Brethon la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la procédure disciplinaire est irrégulière ;

- la matérialité des faits reprochés n'est pas établie ;

- il a droit à une réparation de 5 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2018, la commune de Le Brethon, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et demande que soit mise à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros.

Elle soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 10 juillet 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 août 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

- le décret n° 89-677 du 18 septembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires territoriaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., agent technique territorial affecté à temps non complet à la commune de Le Brethon pour des fonctions d'entretien des espaces verts, a été sanctionné de deux jours d'exclusion temporaire par le maire de cette commune par une décision du 13 décembre 2016. Il relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 ayant rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cette décision et d'indemnisation.

Sur la légalité de la décision du 13 décembre 2016 :

En ce qui concerne la procédure :

2. L'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 dispose : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. / L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. ". Aux termes de l'article 4 du décret 18 septembre 1989 : " L'autorité investie du pouvoir disciplinaire informe par écrit l'intéressé de la procédure disciplinaire engagée contre lui, lui précise les faits qui lui sont reprochés et lui indique qu'il a le droit d'obtenir la communication intégrale de son dossier individuel au siège de l'autorité territoriale et la possibilité de se faire assister par un ou plusieurs conseils de son choix. / L'intéressé doit disposer d'un délai suffisant pour prendre connaissance de ce dossier et organiser sa défense. Les pièces du dossier et les documents annexés doivent être numérotés. ".

3. A la suite de ce qu'il estimait constituer des manquements à ses obligations de la part de M. A..., le maire de la commune de Le Brethon l'a convoqué le 21 octobre 2016 devant une " commission du personnel " municipale. Il ressort du compte rendu de cette réunion, réunissant le maire et trois autres élus, qu'il a été reproché à M. A..., outre la " non-exécution du passage de produits phyto ", d'avoir laissé sans surveillance le véhicule de service de la commune, ce qui a permis le vol des clés de celui-ci, M. A... s'étant ensuite contenté de demander le double desdites clés en mairie et n'ayant formalisé ce vol que près d'un mois plus tard, après deux demandes du maire. Postérieurement à cette réunion, conformément aux dispositions précitées, le maire de la commune de Le Brethon a informé M. A..., par un courrier du 4 novembre 2016, de son intention de le sanctionner de trois jours d'exclusion temporaire et de son droit à consulter son dossier. Si M. A... a pu consulter son dossier, celui-ci ne contenait aucune pièce relative à la procédure disciplinaire et aux motifs de la sanction envisagée. Il ressort de la décision litigieuse que la sanction finalement décidée de deux jours d'exclusion est motivée par des manquements à " l'obligation d'obéissance, de respect de ses collègues, de discrétion professionnelle, de respect des principes du service public et au vu de son comportement en dehors du service ". Si les griefs qui ont été reprochés à M. A... lors de la réunion du 21 octobre 2016 sont susceptibles de se rattacher à un manquement à son obligation d'obéissance, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A... ait été informé que d'autres griefs, notamment ceux de discrétion professionnelle, de respect de ses collègues ou encore concernant son comportement en dehors du service, et qui ne sont au demeurant pas mieux précisés, seraient finalement retenus contre lui. Il n'a ainsi pas été en mesure de présenter une défense sur ces points avant que la sanction ne soit prise. Il est, par suite, fondé à soutenir que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, cette décision du 13 décembre 2016 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance du respect du principe du contradictoire.

En ce qui concerne la matérialité des faits et leur caractère fautif :

4. En premier lieu, il est reproché à M. A... de n'avoir pas fait usage de produits de désherbage dans le cimetière lorsque les conditions s'y prêtaient le mieux et en dépit des instructions qui lui avaient été données en ce sens. L'intéressé conteste ces faits qui ne sont pas établis. Il n'a cependant jamais adressé au maire les explications que celui-ci lui avait demandées sur la date à laquelle les produits auraient été effectivement utilisés et la raison de leur inefficacité.

5. En deuxième lieu, il est établi que M. A... a laissé sans surveillance le véhicule de service de la commune et que les clés de celui-ci ont alors, selon les déclarations de l'intéressé lui-même, été dérobées. Ce dernier ne conteste pas qu'il n'a répondu qu'après un délai d'un mois à la demande, réitérée, du maire de lui adresser un rapport sur les circonstances de ce vol.

6. En troisième lieu, lors de la réunion du 21 octobre 2016 mentionnée plus haut, M. A... a pris un ton autoritaire pour critiquer son collègue et a été rappelé à l'ordre par le maire. Les seules allégations de M. A... ne permettent pas de démentir ce fait qui est consigné dans le compte rendu de la réunion à laquelle ont assisté quatre autres personnes.

7. Il ressort enfin des pièces du dossier que M. A... s'est vu reprocher à plusieurs reprises son insubordination et qu'il avait d'ailleurs déjà fait l'objet, en 2007, d'une sanction de trois jours d'exclusion temporaire du service pour un refus d'obéissance.

8. Dans ces circonstances, c'est sans erreur d'appréciation que le maire de la commune de Le Brethon a considéré que les faits reprochés à M. A... étaient fautifs et qu'ils justifiaient que lui soit infligée la sanction du premier groupe de deux jours d'exclusion temporaire.

9. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation de la sanction qui lui a été infligée le 13 décembre 2016, seulement en raison du vice de procédure dont elle est entachée, et à soutenir que c'est à tort que les juges de première instance ont rejeté sa demande en ce sens.

Sur les conclusions à fin de condamnation de la commune de Le Brethon :

10. Si l'irrégularité de procédure entachant la décision de sanction est de nature à entraîner son annulation, il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que le comportement de M. A... justifiait la sanction qui lui a été infligée. Dès lors, l'illégalité fautive dont est entachée la décision litigieuse est sans lien avec le préjudice invoqué par M. A.... Ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Le Brethon doivent, par suite, être rejetées.

Sur la demande d'ordonner la publication dans un journal quotidien du présent arrêt aux frais de la commune de Le Brethon :

11. Il ne relève pas des pouvoirs du juge administratif d'ordonner une telle mesure. Les conclusions de M. A... sur ce point ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions de M. A... et de la commune de Le Brethon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1700707 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 8 février 2018 et la décision du 13 décembre 2016 du maire de la commune de Le Brethon infligeant une sanction à M. A... sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : Les conclusions de la commune de Le Brethon relatives aux frais non compris dans les dépens sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A... et à la commune de Le Brethon.

Délibéré après l'audience du 2 juin 2020 à laquelle siégeaient :

Mme C... B..., présidente de chambre,

Mme G..., présidente-assesseure,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 juin 2020.

No 18LY011882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01188
Date de la décision : 30/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : Mme PAIX
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP BERNARDET et RAYNAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-06-30;18ly01188 ?
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