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02/07/2020 | FRANCE | N°18LY01918

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 02 juillet 2020, 18LY01918


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juin 2016 par laquelle le président de la métropole de Lyon a refusé sa demande d'extension à titre dérogatoire de son agrément d'assistante maternelle, d'enjoindre au président de la métropole de Lyon de statuer sur sa demande dans un délai de dix jours à compter du jugement, sous astreinte, et de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justi

ce administrative.

Par un jugement n° 1606130 du 3 avril 2018, le tribunal ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 10 juin 2016 par laquelle le président de la métropole de Lyon a refusé sa demande d'extension à titre dérogatoire de son agrément d'assistante maternelle, d'enjoindre au président de la métropole de Lyon de statuer sur sa demande dans un délai de dix jours à compter du jugement, sous astreinte, et de mettre à la charge de la métropole de Lyon la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1606130 du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 10 juin 2016 du président de la métropole de Lyon rejetant la demande d'extension à titre dérogatoire de l'agrément d'assistante maternelle de Mme D..., a enjoint à la métropole de Lyon de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et à mis à la charge de la métropole de Lyon le versement à Mme D... de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 28 mai 2018, et un mémoire enregistré le 9 décembre 2019, la métropole de Lyon, représentée par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1606130 du 3 avril 2018 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Lyon.

Elle soutient que :

- la décision refusant de déroger à la limite de quatre enfants fixée à l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles, qui ne porte atteinte ni à un droit ni à une liberté de l'assistant maternel, ne constitue pas une mesure restrictive prise dans un but d'intérêt général lié à la santé, à la sécurité et à l'épanouissement des mineurs confiés à l'assistant maternel ; le président du conseil départemental n'est pas tenu de faire droit à une telle demande de dérogation alors même que les conditions d'accueil sont garanties ; cette décision, qui ne constitue pas une mesure de police, n'entrait pas dans le champ de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- un refus opposé à une demande de dérogation ne relève pas davantage de l'article L. 211-3 du code des relations entre le public et l'administration ;

- les exigences de motivation des décisions prises par le président du conseil départemental en matière d'agrément des assistants maternels et familiaux résultent des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ; le législateur a ainsi entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative auxquelles sont soumises les décisions de l'autorité administrative prises sur le fondement du livre IV du code de l'action sociale et des familles ; les dispositions du code des relations du public et de l'administration ne sont ainsi pas applicables ;

- aucune disposition du code de l'action sociale et des familles n'exige qu'une décision dérogatoire prise sur le fondement de l'article L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles soit motivée ;

- la décision de refus opposée à Mme D... n'est entachée d'aucune erreur d'appréciation ;

- la décision est suffisamment motivée en fait ;

- Mme D... dispose depuis le 4 juin 2018, d'un agrément pour accueillir quatre enfants ; compte tenu des demandes incessantes de l'intéressée aux fins de modifier son agrément, y compris à titre dérogatoire, ses conclusions formulées au titre des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative seront rejetées.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er août 2019, Mme D..., représentée par Me A..., conclut :

1°) au rejet de la requête de la métropole de Lyon ;

2°) par la voie de l'appel incident, à ce qu'il soit enjoint à la métropole de Lyon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir, sous astreinte ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la métropole de Lyon une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation du refus qui lui a été opposé est insuffisante ; il y a lieu ainsi de confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Lyon ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation.

Par ordonnance du 26 novembre 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 13 décembre 2019.

Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de prononcer d'office l'irrecevabilité des conclusions présentées à titre incident par Mme D... le 1er août 2019, tendant à ce qu'il soit enjoint à la métropole de Lyon de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois, dès lors qu'en exécution du jugement attaqué, l'administration a, par une décision du 28 janvier 2019, soit antérieurement à la présentation en appel des conclusions à fin d'injonction, procédé au réexamen de la situation de Mme D....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Pin, premier conseiller,

-les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me E..., représentant la métropole de Lyon, et de Me B..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du président de la métropole de Lyon du 5 avril 2016, Mme D..., agréée en qualité d'assistante maternelle, s'est vu renouveler, pour une durée de cinq ans, son agrément lui permettant d'accueillir de jour simultanément quatre enfants, dont un de plus de deux ans. Elle a présenté, le 6 mai suivant, une demande de dérogation en vue d'être autorisée à accueillir un enfant supplémentaire de moins de deux ans. Le président de la métropole de Lyon a, par une décision du 10 juin 2016, refusé de faire droit à cette demande au motif que l'accueil envisagé de cinq enfants simultanément, dont quatre de moins de deux ans, représentait une charge de travail trop importante ne permettant pas d'assurer un accueil de qualité ni de préserver une disponibilité suffisante pour chacun des enfants. Par un jugement du 3 avril 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision en raison de l'insuffisance de sa motivation en droit. La métropole de Lyon relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision du 10 juin 2016 :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-3 du code de l'action sociale et des familles : " L'agrément nécessaire pour exercer la profession d'assistant maternel ou d'assistant familial est délivré par le président du conseil départemental du département où le demandeur réside. (...) L'agrément est accordé à ces deux professions si les conditions d'accueil garantissent la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs et majeurs de moins de vingt et un ans accueillis, en tenant compte des aptitudes éducatives de la personne. Les modalités d'octroi ainsi que la durée de l'agrément sont définies par décret. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-4 de ce code : " L'agrément de l'assistant maternel précise le nombre et l'âge des mineurs qu'il est autorisé à accueillir simultanément ainsi que les horaires de l'accueil. Le nombre des mineurs accueillis simultanément ne peut être supérieur à quatre y compris le ou les enfants de moins de trois ans de l'assistant maternel présents à son domicile, dans la limite de six mineurs de tous âges au total. Toutefois, le président du conseil départemental peut, si les conditions d'accueil le permettent et à titre dérogatoire, autoriser l'accueil de plus de quatre enfants simultanément, dans la limite de six enfants au total pour répondre à des besoins spécifiques. Lorsque le nombre de mineurs fixé par l'agrément est inférieur à quatre, le président du conseil départemental peut modifier celui-ci pour augmenter le nombre de mineurs que l'assistant maternel est autorisé à accueillir simultanément, dans la limite de quatre mineurs et dans les conditions mentionnées ci-dessus. Le nombre d'enfants pouvant être accueillis simultanément fixé par l'agrément est sans préjudice du nombre de contrats de travail, en cours d'exécution, de l'assistant maternel. (...) ". Aux termes de l'article D. 421-16 dudit code : " Pour obtenir la dérogation prévue à l'article L. 421-4 ou à l'article L. 421-5 pour l'accueil d'un nombre de mineurs et de jeunes majeurs supérieur à trois, l'intéressé adresse une demande, distincte de celle mentionnée à l'article D. 421-10, au président du conseil général. La décision de dérogation est valable pour une durée définie par le président du conseil général ". Aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 421-6 du même code : " Toute décision de retrait de l'agrément, de suspension de l'agrément ou de modification de son contenu doit être dûment motivée et transmise sans délai aux intéressés ".

4. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 421-3 et L. 421-4 du code de l'action sociale et des familles que l'autorité administrative peut autoriser l'assistant maternel à accueillir, à titre dérogatoire, plus de quatre enfants simultanément pour répondre à des besoins spécifiques si les conditions d'accueil garantissant la sécurité, la santé et l'épanouissement des mineurs accueillis sont satisfaites.

5. La décision par laquelle l'autorité administrative délivre l'agrément d'un assistant maternel constitue une mesure de police administrative prise dans l'intérêt des enfants accueillis qui entre en tant que telle dans le champ d'application de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration. Il en va de même de la décision, qui poursuit ce même but d'intérêt général et est destinée à répondre à des besoins spécifiques, tendant à accorder un dépassement au-delà de quatre du nombre d'enfants accueillis fixé par l'agrément. La double circonstance que cette mesure est accordée par l'autorité administrative à titre dérogatoire et qu'elle n'est pas au nombre des celles énumérées par les dispositions spéciales de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles ne saurait, contrairement à ce que soutient la métropole de Lyon, lui ôter son caractère de mesure de police administrative devant être motivée en application de l'article L. 211-1 du code des relations entre le public et l'administration.

6. En vertu des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du 10 juin 2016 par laquelle le président de la métropole de Lyon a refusé d'accorder une dérogation à l'agrément de Mme D... en vue d'accueillir un cinquième enfant ne comporte l'énoncé d'aucun motif de droit qui en constitue le fondement et ne vise notamment pas les dispositions pertinentes du code de l'action sociale et des familles. Par suite, la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation en droit.

8. Il résulte de ce qui précède que la métropole de Lyon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 10 juin 2016.

Sur les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme D... :

9. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".

10. La confirmation par le juge d'appel de l'annulation de la décision litigieuse du 10 juin 2016, implique, compte tenu du moyen d'illégalité externe retenu, le réexamen par l'administration du dossier présenté par Mme D... en vue d'obtenir une dérogation tendant à l'accueil simultané en journée de cinq enfants. Il résulte toutefois de l'instruction qu'à la suite du jugement frappé d'appel, l'administration a déjà procédé à un tel réexamen en accordant à Mme D..., par un arrêté du 28 janvier 2019, une dérogation en vue d'accueillir cinq enfants simultanément pour une durée de cinq mois à compter du 1er mars 2019. Par suite, les conclusions incidentes présentées par l'intimée postérieurement à ce réexamen et tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de réexaminer sa demande sous astreinte sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de Mme D... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la métropole de Lyon est rejetée.

Article 2 : Les conclusions d'appel incident de Mme D... et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole de Lyon et à Mme C... D....

Délibéré après l'audience du 11 juin 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 juillet 2020.

2

N° 18LY01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY01918
Date de la décision : 02/07/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation obligatoire - Motivation obligatoire en vertu des articles 1 et 2 de la loi du 11 juillet 1979 - Décision restreignant l'exercice des libertés publiques ou - de manière générale - constituant une mesure de police.

Aide sociale - Différentes formes d'aide sociale - Aide sociale à l'enfance.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : ROMANET-DUTEIL

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-07-02;18ly01918 ?
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