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06/08/2020 | FRANCE | N°18LY03286

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 06 août 2020, 18LY03286


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, la décision du 20 janvier 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Allier a autorisé la société Asteelflash France à la licencier pour motif économique et, d'autre part, la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite de rejet née de son silence gardé sur le recours hiérarchique de Mme B... et annulé la décision de

l'inspectrice du travail du 20 janvier 2016, a autorisé son licenciement pour m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler, d'une part, la décision du 20 janvier 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de l'unité départementale de l'Allier a autorisé la société Asteelflash France à la licencier pour motif économique et, d'autre part, la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre du travail, après avoir retiré la décision implicite de rejet née de son silence gardé sur le recours hiérarchique de Mme B... et annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2016, a autorisé son licenciement pour motif économique.

Par jugement n° 1601597, 1601846 du 19 juin 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du ministre du travail du 8 septembre 2016 autorisant la société Asteelflash France à licencier Mme B... pour motif économique.

Procédure devant la cour

Par requête enregistrée le 16 août 2018, présentée pour la société Asteelflash France, il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1601597, 1601846 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a annulé la décision du ministre du travail du 8 septembre 2016 l'autorisant à licencier Mme B... pour motif économique ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision susmentionnée ;

3°) de lui allouer la somme de 3 000 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la réalité du motif économique n'avait pas été établie ;

- c'est à bon droit que le ministre avait estimé que l'employeur avait satisfait à son obligation de recherche d'un reclassement.

Par mémoire enregistré le 24 avril 2019, le ministre du travail conclut à l'annulation du jugement attaqué.

Il soutient que la décision de refus d'autorisation de licenciement était fondée sur le constat de la réalité du motif économique et d'une obligation de recherche de reclassement remplie.

La requête a été communiquée à Mme B... qui n'a pas produit d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur,

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Asteelflash France, spécialisée dans la sous-traitance électronique, appartenant au groupe Asteelflash et exploitant plusieurs établissements en France dont l'un est implanté à Domérat (Allier), a été conduite, à la suite de difficultés économiques, à envisager la fermeture de ce site sur lequel étaient employés vingt-trois salariés, après un accord collectif d'entreprise majoritaire portant sur un plan de sauvegarde de l'emploi validé le 25 novembre 2015. Elle a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique Mme B..., recrutée en qualité de technicienne de dépannage et qui exerçait les mandats de délégué du personnel et de membre du comité d'établissement. Par une décision du 20 janvier 2016, l'inspectrice du travail a autorisé le licenciement sollicité. Suite au recours hiérarchique exercé par Mme B..., le ministre du travail, par une décision du 8 septembre 2016, a retiré la décision implicite de rejet née de son silence gardé sur ce recours, a annulé la décision de l'inspectrice du travail du 20 janvier 2016, au motif d'une motivation insuffisante, et autorisé le licenciement sollicité. La société Asteelflash France relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé, sur la demande de Mme B..., la décision ministérielle du 8 septembre 2016 en tant qu'elle l'autorisait à licencier l'intéressée pour motif économique.

2. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou leur appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation économique de l'entreprise ou des entreprises du même groupe oeuvrant dans le même secteur d'activité justifie le licenciement du salarié en tenant compte notamment de la nécessité des réductions d'effectifs envisagées et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié.

3. Il ressort des pièces du dossier et, en particulier de la décision ministérielle en litige, que le ministre du travail a recherché si la situation économique de l'ensemble des entreprises du groupe Asteelflash, oeuvrant toutes dans le même secteur d'activité " industries électroniques - service de sous-traitance électronique ", justifiait le licenciement de Mme B.... Il en ressort également qu'outre les difficultés rencontrées par l'établissement de Domérat, caractérisées par une perte significative et continue de son chiffre d'affaires, divisé par trois entre 2010 et 2014 avec un résultat d'exploitation resté largement négatif sur cette période, déficitaire de 4 millions d'euros sur la période, et les difficultés constatées au niveau de l'entreprise en France, caractérisées par une diminution continue du chiffre d'affaires depuis 2012, un résultat d'exploitation présentant un déficit de plus de 14 millions d'euros entre 2010 et 2014 et une tendance identique en 2015, la situation économique du groupe était dégradée eu égard, en particulier, à une diminution de son chiffre d'affaires de 12 % entre 2012 et 2013, avec un résultat d'exploitation divisé par deux, ainsi que cela résultait notamment d'une note sur le secteur d'activité produite par le ministre, dont la décision en litige mentionne également un résultat net consolidé déficitaire de plus de 21 millions de dollars au titre de l'année 2015 au niveau du groupe. Ces résultats, au demeurant non sérieusement remis en question par Mme B... en première instance, justifiaient que les mesures de réorganisation ayant conduit à la suppression du poste occupé par l'intéressée soient prises. C'est, dès lors, à tort que les premiers juges se sont fondés, pour annuler la décision ministérielle en litige, sur le motif tiré de ce que la réalité des difficultés économiques au niveau du groupe Asteelflash ne pouvait être considérée comme établie par le ministre du travail.

4. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

5. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit au point 3, la réalité des difficultés économiques justifiant que les mesures de réorganisation ayant conduit à la suppression du poste occupé par l'intéressée soient prises a été constatée par le ministre du travail, auquel il n'appartenait pas d'apprécier les options de gestion de l'employeur de Mme B... qui ne peut, dès lors, utilement soutenir que les résultats économiques dont se prévalait la société pour justifier son licenciement pour motif économique résulteraient d'une politique du groupe, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Asteelflash France aurait fait preuve d'une légèreté blâmable.

6. En second lieu, il ressort également des pièces du dossier que la société Asteelflash France a proposé à Mme B..., au titre d'une recherche de reclassement, des postes d'opérateur de production à Clérie (88), de technicien qualité à Mercin et Vaux (02), de technicien de production à Déville-lès-Rouen (76) et de technicien SAV également à Mercin et Vaux, ces offres étant précises, détaillées et correspondant aux qualifications de l'intéressée, qui les a refusées. Dès lors, la seule circonstance que cette société avait proposé simultanément le même emploi à plusieurs salariés n'est pas de nature à établir que cette société n'aurait pas fait à Mme B... des propositions suffisantes de reclassement.

7. Il résulte de ce qui précède que la société Asteelflash France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision du 8 septembre 2016 par laquelle le ministre du travail l'a autorisée à licencier Mme B... pour motif économique. L'article 2 dudit jugement doit être annulé et la demande présentée par Mme B... contre la décision du 8 septembre 2016 autorisant son licenciement doit être rejetée.

8. Les conclusions de la société Asteelflash France tendant à obtenir une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui ne sont dirigées contre aucune des parties à l'instance, ne sont pas recevables

DÉCIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement n° 1601597, 1601846 du 19 juin 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il annule la décision du ministre du travail du 8 septembre 2016 autorisant la société Asteelflash France à licencier Mme B... est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande n° 1601846 de Mme B... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand tendant à l'annulation de la décision du ministre du travail du 8 septembre 2016 autorisant la société Asteelflash France à la licencier sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Asteelflash France est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Asteelflash France, au ministre du travail et à Mme A... B....

Délibéré après l'audience du 26 juin 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Rémy-Néris, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 6 août 2020.

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N° 18LY03286


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY03286
Date de la décision : 06/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : HAMANN-BECK

Origine de la décision
Date de l'import : 25/08/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-06;18ly03286 ?
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