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25/08/2020 | FRANCE | N°18LY04266

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 18LY04266


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération à lui verser la somme de 38 269,51 euros au titre de son préjudice personnel consécutif à l'accident de sa fille, J..., survenu le 9 juillet 2012 dans une crèche et à lui verser, en qualité de représentante légale de sa fille, une somme de 5 537,20 euros après déduction de la provision versée.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'

instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme F... I... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération à lui verser la somme de 38 269,51 euros au titre de son préjudice personnel consécutif à l'accident de sa fille, J..., survenu le 9 juillet 2012 dans une crèche et à lui verser, en qualité de représentante légale de sa fille, une somme de 5 537,20 euros après déduction de la provision versée.

La caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, appelée à l'instance, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la communauté d'agglomération Montélimar-Agglomération à lui rembourser la somme de 32 169,61 euros au titre de ses débours avec intérêts de droit à compter du jugement.

Par un jugement n° 1606785 du 31 octobre 2018, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération à verser à Mme I..., en sa qualité de représentante légale de sa fille, J..., la somme de 5 000 euros sous déduction de la provision qui lui a été versée en cette qualité par le fonds de garantie et la somme de 2 698 euros correspondant à son préjudice personnel sous déduction de la provision qui lui a été versée par le fonds de garantie à ce titre et l'a condamnée à verser à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme la somme de 32 169,61 euros et à la MFP services la somme de 1 652,99 euros, a mis les frais d'expertise à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 30 novembre 2018, Mme I..., représentée par Me L..., demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du 31 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner la communauté d'agglomération de Montélimar Agglomération à lui verser la somme de 38 269,51 euros en réparation du préjudice subi par sa fille du fait de l'accident survenu le 19 juillet 2012 et à lui verser, en qualité de représentante de sa fille mineure, J..., la somme de 5 537,30 euros et après déduction de la provision de 5 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Montélimar Agglomération la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

S'agissant de la réparation des préjudices de Mme I... :

- sur ses pertes de revenus : elle a dû passer de 80 à 50% de temps de travail du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014 pour être plus présente aux côtés de sa fille ; elle n'a été en mesure de présenter sa demande de temps partiel à 50% qu'en fin d'année 2012 ; il s'est écoulé moins de trois mois et non six entre la fin de l'hospitalisation de son enfant et la demande de changement ; ce passage à mi-temps est une conséquence nécessaire de l'accident ; son préjudice financier doit être apprécié à hauteur de 16 698 euros ; son revenu de référence à prendre en compte pour le calcul de la perte de revenus est celui de juillet 2012 tel qu'il ressort de son avis d'imposition 2013 sur ses revenus 2012 ;

- sur l'augmentation de ses frais de garde : elle a modifié son mode de garde pour la période de septembre 2012 à mai 2014 ; les circonstances de l'accident justifient à elles-seules le changement de mode de garde ; elle a donc choisi de faire garder son enfant par une assistante maternelle agréée ; le surcoût financier a été supporté de septembre 2012 à mai 2014 et représente un montant de 12 198 euros ;

- sur les dépenses paramédicales restées à sa charge : la nature des blessures de l'enfant l'a contrainte à acheter des produits dermatologiques et des vêtements de protection anti UV pour un montant de 320, 51 euros non pris en charge par l'assurance maladie ; ces dépenses se poursuivent aujourd'hui ; elle a accompagné son enfant pour sa cure thermale du 2 au 23 août 2014 à Saint-Gervais Mont-Blanc et a dû louer un appartement pour un montant de 1 053 euros ;

- sur son préjudice moral : elle sollicite l'octroi d'une somme de 8 000 euros en complément dès lors qu'elle vit seule sans le père et a peur pour sa fille ;

- si elle a reçu du centre communal d'action sociale (CCAS) une somme versée en juillet 2012, elle l'a utilisée pour financer ses allers et retours et son hébergement entre Lyon et Montélimar pendant l'hospitalisation de son enfant à l'hôpital Saint-Luc du 23 juillet au 3 août 2012 ;

S'agissant de la réparation des préjudices de sa fille :

- elle sollicite la somme de 308 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total et la somme de 1 729,20 euros pour le déficit fonctionnel temporaire partiel ; si l'expert a indiqué qu'il n'existait aucun déficit fonctionnel temporaire à la sortie de l'hospitalisation, cette appréciation est critiquable dès lors qu' à la sortie du centre des brulés le 3 août 2012, elle a reçu un traitement antidouleur et un traitement par cicatrisation en ambulatoire ; elle a dû faire pratiquer tous les jours jusqu'à cicatrisation un nettoyage et un soin des plaies ; sa fille a dû porter un vêtement compressif à compter du 23 août 2012 et jusqu'au 22 avril 2013 ; par suite, il existe un déficit fonctionnel temporaire partiel qui peut être évalué à 30% du 4 août 2012 au 22 avril 2013, ce qui justifie l'allocation d'une somme de 1 729,20 euros ;

- les souffrances endurées seront évaluées à 6 000 euros ; le préjudice esthétique sera évalué à 2 500 euros compte tenu du fait que le blanchissement des cicatrices a été obtenu après le port de vêtement compressif pendant un an.

Par un mémoire, enregistré le 14 février 2019, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy-de-Dôme, venant aux droits de la CPAM de la Drôme, représentée par Me K..., conclut à la confirmation du jugement du 31 octobre 2018 du tribunal administratif de Grenoble qui a condamné la communauté d'agglomération de Montélimar à lui verser la somme de 32 169,61 euros en remboursement de ses débours, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement et la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnitaire forfaitaire de gestion et à ce que la somme de 900 euros soit mise à la charge de la communauté d'agglomération de Montélimar en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle s'en rapporte à la cour quant à la responsabilité de la communauté d'agglomération de Montélimar pour tous les dommages subis par Mme J... I... ;

- sa créance est provisoire et sous réserve de soins ultérieurs qu'il conviendrait de dispenser et qui ne sont pas connus à ce jour.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2019, la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération, représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce que les sommes demandées par Mme I... soient ramenées à de plus justes proportions, au rejet des créances alléguées par la caisse primaire d'assurance maladie et la MFP services et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de Mme I... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle ne conteste pas le principe de sa responsabilité et rappelle que son assureur a d'ores et déjà réglé la somme de 7 000 euros en réparation des préjudices subis par Mme I... et sa fille ; les nouvelles indemnités réclamées ne sont pas justifiées ;

- sur la perte de salaire : la modification du temps partiel de Mme I... de 80 à 50 % date du 1er janvier 2013 alors que l'accident est survenu le 9 juillet 2012 ; alors que sa fille n'a plus reçu de traitement à compter du mois d'avril 2013, Mme I... n'a repris son activité à 80% qu'à compter du 1er novembre 2014 ; seul l'arrêté du 7 février 2014 indique l'octroi du temps partiel à 50% ; pour ce qui concerne sa période d'essai justifiant le retard dans le passage à temps partiel à 50% au 1er janvier 2013, cette argumentation est surprenante puisque l'arrêté du 7 février 2014 précise que Mme I... est rédacteur au 12ème échelon et est donc fonctionnaire titulaire de la fonction publique territoriale, statut qui n'implique pas de période d'essai ; elle avait déjà demandé pour son deuxième enfant un temps partiel de droit de 50% pendant plus de deux ans et jusqu'aux trois ans de sa fille ; le passage à un temps partiel de 50% est un choix de Mme I... et est sans lien de causalité avec l'accident ; il appartient à la requérante de produire l'intégralité de ses revenus pour l'année 2013 ; les revenus annuels déclarés par Mme I... ne sont pas exacts ;

- s'agissant du changement de mode de garde, pour l'année 2012, le cumul imposable de l'assistante maternelle s'est établi à la somme de 3 623,64 euros alors qu'il est pour cette même année et pour la période que la requérante indique être en relation avec l'accident de 2 116,94 euros ; cela signifie que Mme I... avait recours à un tel mode de garde avant même l'accident ; il est impossible de vérifier si les heures de garde par une assistante maternelle ont été modifiées en considération du passage à 50% et si les bulletins de salaire correspondent à la garde unique de J... ; le quantum de l'indemnité sollicitée n'est pas démontré ; il incombe à la requérante de justifier des sommes restées à sa charge, déduction faite des aides reçues des différents organismes sociaux ; Mme I... rémunérait, pour la garde de ses deux enfants, l'assistante maternelle à hauteur de 233 euros par mois, somme qui devrait donc venir en déduction de celles réclamées ;

- le CCAS de la commune de Montélimar a réglé à Mme I... une somme de 500 euros pour l'aider à régler d'éventuelles sommes restées à sa charge ; la requérante ne justifie pas que cette somme a permis de couvrir des frais en lien avec l'accident ; elle n'établit pas qu'elle aurait conservé à sa charge des frais au titre de la cure thermale ; les frais en résultant ont été pris en charge par les organismes de sécurité sociale ou sa mutuelle ; le coût du logement lors de la cure thermale est pris en charge par la sécurité sociale ;

- s'agissant du préjudice moral, une somme de 2 000 euros a été accordée à Mme I... ; rien ne justifie qu'une indemnité complémentaire lui soit allouée ;

- s'agissant des préjudices de Mme I..., les troubles dans les conditions d'existence de J... ont été limités pendant la période de déficit fonctionnel temporaire et l'indemnité allouée pour ce chef de préjudice ne pourra excéder la somme de 500 euros ; le taux retenu des souffrances endurées par l'expert est justifié et l'indemnité allouée pour ce chef de préjudice ne saurait excéder 1 500 euros ; le préjudice esthétique actuel est négligeable et il est possible qu'il s'atténue dans le temps ; par suite, ce préjudice donnera lieu à une indemnisation de 500 euros ; l'indemnité provisionnelle versée de 5 000 euros couvre largement les préjudices subis par l'enfant ;

- s'agissant de la demande de la CPAM, celle-ci ne justifie pas de sa créance en se bornant à produire un tableau peu circonstancié des frais engagés et une attestation d'imputabilité qui n'est pas signée ;

- s'agissant de la demande de la MFP, elle n'est étayée par aucune pièce du dossier.

Par une lettre du 26 mai 2020, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrégularité du jugement en l'absence de mise en cause par le tribunal administratif de Grenoble du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions prévue à l'article 706-11 du code de procédure pénale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de procédure pénale ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me L..., représentant Mme I....

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 juillet 2012, J... I..., alors âgée de 17 mois, a été victime de brûlures au second degré sur le bas du visage, le cou et la poitrine occasionnées par de l'eau bouillante servie, par erreur, à la place de l'eau froide par l'aide puéricultrice, Mme H... A..., employée par la crèche intercommunale Mont Louis de Montélimar, dépendant de la communauté d'agglomération Montélimar Sésame, où était accueillie l'enfant. L'enfant a été transportée au centre hospitalier de Montélimar où elle a été prise en charge jusqu'au 23 juillet, puis, du 23 juillet au 3 août 2012, elle a bénéficié d'une prise en charge au service des brûlés de l'Hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc à Lyon. Dans les suites de son hospitalisation, elle a été suivie par le centre Romans Ferrari jusqu'en juin 2013. La mère de l'enfant, Mme B... épouse I..., s'est constituée partie civile devant la juridiction répressive. Par un jugement définitif du 29 janvier 2014, le tribunal de police près le tribunal d'instance de Montélimar a déclaré Mme H... A... épouse D... coupable de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à 3 mois par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement. Mme I... a également saisi la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) de Valence d'une demande de provision. Par deux ordonnances du 5 novembre 2013, la CIVI près le tribunal de grande instance de Valence a accordé à Mme I... en qualité de représentante légale de J... la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation des préjudices subis par l'enfant et à Mme I... une provision de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral, provisions versées par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, en application de l'article 706-9 du code de procédure pénale. Par une lettre du 3 juin 2015, Mme I... a formé une réclamation préalable indemnitaire auprès de la communauté d'agglomération de Montélimar Sésame qui l'a rejetée le 24 juillet 2015. Elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble en vue de la désignation d'un expert. Par une ordonnance du 21 juillet 2015, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné le professeur Claris en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 23 mars 2016. Mme I..., agissant en qualité de représentante légale de sa fille mineure et en son nom propre, relève appel du jugement du 31 octobre 2018 en tant que le tribunal administratif de Grenoble n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes indemnitaires.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 706-9 du code de procédure pénale, " La commission tient compte, dans le montant des sommes allouées à la victime au titre de la réparation de son préjudice : -des prestations versées par les organismes, établissements et services gérant un régime obligatoire de sécurité sociale et par ceux qui sont mentionnés aux articles 1106-9,1234-8 et 1234-20 du code rural ; -des prestations énumérées au II de l'article 1er de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques ; -des sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation ; -des salaires et des accessoires du salaire maintenus par l'employeur pendant la période d'inactivité consécutive à l'événement qui a occasionné le dommage ; -des indemnités journalières de maladie et des prestations d'invalidité versées par les groupements mutualistes régis par le code de la mutualité./ Elle tient compte également des indemnités de toute nature reçues ou à recevoir d'autres débiteurs au titre du même préjudice. /Les sommes allouées sont versées par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. ". Aux termes de l'article 706-11 de ce code, " Le fonds est subrogé dans les droits de la victime pour obtenir des personnes responsables du dommage causé par l'infraction ou tenues à un titre quelconque d'en assurer la réparation totale ou partielle le remboursement de l'indemnité ou de la provision versée par lui, dans la limite du montant des réparations à la charge desdites personnes. /Le fonds peut exercer ses droits par toutes voies utiles, y compris par voie de constitution de partie civile devant la juridiction répressive et ce, même pour la première fois, en cause d'appel. Lorsqu'il se constitue partie civile par lettre recommandée, le fonds peut demander le remboursement des sommes mises à sa charge sans limitation de plafond. /Les administrations ou services de l'Etat et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale, les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales, les établissements financiers et les entreprises d'assurance sont tenus de réunir et de communiquer au fonds les renseignements dont ils disposent ou peuvent disposer et qui sont utiles à la mise en oeuvre de son action récursoire. Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d'autres fins que celles prévues au présent article ou à l'article L. 422-8 du code des assurances. Leur divulgation est interdite. /Lorsque l'auteur de l'infraction a fait l'objet d'une obligation d'indemnisation de la victime dans le cadre d'une peine de sanction-réparation, d'un sursis avec mise à l'épreuve ou d'une décision d'aménagement de peine ou de libération conditionnelle et que la victime a été indemnisée par le fonds, soit en application du présent titre, soit du titre XIV bis, cette obligation doit alors être exécutée au bénéfice du fonds de garantie dans l'exercice de son recours subrogatoire et de son mandat de recouvrement au profit de la victime. ". Aux termes de l'article 706-12 du même code, " Si la victime ou ses ayants droit se constituent partie civile devant la juridiction répressive ou engagent une action contre les personnes responsables du dommage, ils doivent indiquer, en tout état de la procédure, s'ils ont saisi la commission instituée par l'article 706-4 et si, le cas échéant, celle-ci leur a accordé une indemnité. /A défaut de cette indication, la nullité du jugement en ce qui concerne ses dispositions civiles pourra être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif. ".

3. En raison de la subrogation du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, prévue à l'article 706-11 du code de procédure pénale, dans les droits de la victime et en application des principes qui gouvernent la procédure devant le juge administratif, ce dernier, informé de ce que la personne victime d'une infraction a saisi une commission d'indemnisation des victimes d'infraction pénale ou obtenu une indemnité versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions doit, à peine d'irrégularité de son jugement, mettre en cause le fonds dans l'instance dont il est saisi. Faute pour le tribunal administratif d'avoir transmis la requête de Mme I... au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, alors que par deux ordonnances du 5 novembre 2013, la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (CIVI) près le tribunal de grande instance de Valence a accordé à Mme I... en qualité de représentante légale de J... la somme de 5 000 euros à titre de provision à valoir sur la réparation des préjudices subis par l'enfant et à Mme I... une provision de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral et a dit que les provisions seront versées par le fonds de garantie des actes de terrorisme et autres infractions, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité. La violation de la règle susmentionnée constitue une irrégularité que la cour doit soulever d'office.

4. Le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions ayant été mis en cause, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par Mme I... devant le tribunal administratif de Lyon et la cour administrative d'appel.

Sur la responsabilité de la communauté d'agglomération de Montélimar Agglomération :

5. Il résulte de l'instruction que le 9 juillet 2012, l'enfant J... I..., qui était alors âgée de 17 mois et était accueillie à la crèche Montlouis de Montélimar, a été victime de brûlures sur le bas du visage, le cou et la poitrine occasionnées par de l'eau bouillante servie dans un verre, par erreur, à l'enfant par une aide-puéricultrice. Cet agent de la communauté d'agglomération de Montélimar, qui a été déclaré coupable, par un jugement définitif du 29 janvier 2014 du tribunal de police près le tribunal d'instance de Montélimar, de blessures involontaires avec incapacité inférieure ou égale à 3 mois par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement délibéré à une obligation de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement, a commis une faute de nature à engager la responsabilité de son employeur, la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération, laquelle ne conteste d'ailleurs pas le principe de sa responsabilité.

Sur l'évaluation des préjudices :

En ce qui concerne les droits de la CPAM du Puy-de-Dôme et de la MFP services :

6. Il résulte de l'instruction que, selon l'attestation détaillée du 28 juillet 2017 du médecin-conseil, la CPAM justifie avoir exposé pour le compte de son assurée à la suite de son accident survenu le 19 juillet 2012 les sommes de 26 756,43 euros au titre des frais hospitaliers, de 2 459,50 euros au titre des frais médicaux, de 1 020,44 euros au titre des frais pharmaceutiques et de 1 933,24 euros au titre des frais de transport. Le poste de préjudice correspondant aux dépenses de santé s'élève ainsi à la somme de 32 169,61 euros. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération la somme de 32 169,61 euros.

7. Il résulte également de l'instruction que la MFP services a engagé la somme de 1 652,99 euros au titre des prestations servies à son assurée pour la période du 19 juillet au 3 décembre 2012 qui correspond aux soins dispensés à J.... Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération la somme de 1 652, 99 euros.

En ce qui concerne les préjudices de J... I... :

8. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que " le déficit fonctionnel temporaire a été de 100% pendant la durée complète de l'hospitalisation, c'est-à-dire du 19 au 22 juillet 2012 puis du 23 au 3 août 2012 ". Si l'expert indique qu'il n'existe aucun déficit fonctionnel temporaire depuis cette date, il admet en réponse aux dires du conseil de Mme I... qu'au titre du préjudice d'agrément, " on peut effectivement quantifier ce préjudice au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel " et il résulte de l'instruction que l'enfant a dû poursuivre des soins quotidiens et porter un vêtement compressif de septembre 2012 au 22 avril 2013. Par suite, il sera fait une juste appréciation du déficit fonctionnel temporaire total et partiel de l'enfant en l'évaluant à la somme de 1 000 euros.

9. Si l'expert a fixé à 2 sur une échelle de 7 les souffrances endurées, il sera fait une plus juste évaluation de ce poste de préjudice, compte tenu de la nature des plaies, en le fixant à 3 sur une échelle de 7. Par suite, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme 3 200 euros.

10. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que l'expert a évalué le préjudice esthétique à 0, 5 sur une échelle de 7 en notant que " les lésions étaient initialement importantes (...) mais l'évolution a été très rapidement satisfaisante " et " il persiste actuellement de minimes cicatrices séquellaires dont on peut penser qu'elles s'amélioreront avec le temps ". Il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 800 euros.

11. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération doit être condamnée à verser à Mme I... en qualité de représentante de sa fille mineure J... la somme de 5 000 euros au titre de ses préjudices, sous déduction de la provision de 5 000 euros versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

En ce qui concerne les préjudices de Mme I... :

S'agissant de la perte de gains professionnels :

12. Mme I... fait valoir que du fait de l'accident survenu à son enfant alors âgée de 17 mois, elle a sollicité la modification de son temps de travail de 80 à 50% pour être plus présente aux côtés de son enfant, ce qui a induit une perte de gains professionnels. Il résulte de l'instruction que J... a été hospitalisée en pédiatrie du 19 au 22 juillet 2012 pour brûlure au second degré, puis du 23 juillet au 3 août 2012 à l'hôpital Saint-Luc au centre des brûlés. Des soins quotidiens ont également été nécessaires du 4 au 13 août 2012. Mme I... a sollicité un temps partiel de droit à 50% à compter du 1er janvier 2013. Si elle fait état de ce qu'elle n'a pas été en mesure de présenter cette demande de modification de la quotité de son temps de travail avant cette date compte tenu des règles statutaires, elle ne l'établit pas. Dans ces conditions, elle ne justifie pas que le choix de modifier la quotité de son temps de travail de 80 à 50 % à compter du 1er janvier 2013 résulterait directement et exclusivement de l'accident survenu le 9 juillet 2012 et de ses suites. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

S'agissant des frais divers :

Quant aux frais supplémentaires liés au mode de garde de son enfant :

13. Compte tenu des circonstances de l'accident qui est survenu en crèche, Mme I... a pu estimer que les conditions de prise en charge de son enfant dans une crèche n'étaient pas satisfaisantes et décider de modifier le mode de garde de son enfant. Par suite, le choix de ne plus placer l'enfant à la crèche et de privilégier uniquement un accueil de J... par une assistante maternelle doit être regardé comme présentant un lien suffisamment direct et certain avec les circonstances de l'accident. Si Mme I... indique qu'avant l'accident, J... était gardée en crèche les lundis, mardis, jeudis et vendredi de 8h30 à 17h30 à l'exception des jours ou semaines pendant lesquels la crèche était fermée, à savoir deux semaines en février, une semaine en avril, deux mercredis en juillet et tout le mois d'août, ce qui nécessitait le recours au service d'une assistante maternelle et que, depuis l'accident, son enfant est gardée uniquement par une assistante maternelle, ce qui a représenté un surcoût mensuel de 642 euros pour la période de septembre 2012 à mai 2014, elle n'établit pas, par les pièces produites, que le montant moyen mensuel du surcoût lié au mode de garde par une assistante maternelle serait de 642 euros par mois, dès lors qu'il convient de déduire du coût moyen mensuel de l'assistante maternelle, d'une part, les aides perçues par la caisse d'allocations familiales, et d'autre part, au-delà de la déduction du coût mensuel de la garde de l'enfant en crèche, le coût mensuel moyen de la garde de J... avant l'accident par l'assistante maternelle. Par suite, ce chef de préjudice ne peut être accueilli.

Quant aux dépenses paramédicales restées à la charge de Mme I... :

14. Mme I... fait valoir que la nature des blessures de l'enfant l'a contrainte à devoir acheter des produits de soins dermatologiques et des vêtements de protection anti UV pour un montant arrêté au mois de juin 2014 à 320,51 euros et que ces frais n'ont pas été pris en charge par l'assurance maladie. Il résulte de l'instruction que le docteur Tavernier du centre Romans Ferrari a préconisé la poursuite de la protection solaire aussi longtemps que possible. Elle produit une facture d'un montant de 20,85 euros pour l'achat de vêtement anti-UV dont il convient de déduire la somme de 7,48 euros qui ne correspond pas à un vêtement anti-UV, soit 13,37 euros, une facture pour les frais infirmiers restés à sa charge d'un montant de 60,68 euros et des factures d'achat de soins dermatologiques d'un montant total de 221,71 euros. Par suite, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération de Montélimar la somme de 295,76 euros arrondie à 296 euros.

15. Mme I... fait valoir qu'elle a accompagné son enfant pour une cure thermale prescrite par le docteur Tavernier du 2 au 23 août 2014 à Saint-Gervais Mont-Blanc et qu'elle a dû louer un appartement pour un montant de 1 053 euros. Elle produit le contrat de location qui précise que l'appartement correspond à un logement pour 4 à 5 personnes et que la famille accueillie sera composée de deux adultes et deux enfants. Elle produit également les conditions de la prise en charge par l'assurance maladie des frais d'hébergement engagés lors d'une cure thermale précisant que seuls sont pris en charge les frais d'hébergement du curiste et non les frais d'hébergement de la personne accompagnante. Il n'est pas établi que la CPAM ou la mutuelle MFP services aurait pris en charge ces frais d'hébergement. Par suite, il sera fait une juste appréciation des frais d'hébergement engagés par Mme I... pour accompagner sa fille en cure thermale en les fixant à la somme de 900 euros.

16. Si la communauté d'agglomération de Montélimar fait état du versement à Mme I... d'une aide de 500 euros par le centre communal d'action sociale de Montélimar, il n'est pas contesté que celle-ci a dû exposer des frais pour se rendre au chevet de son enfant hospitalisé du 23 juillet au 3 août 2012 au service des brûlés de l'Hôpital Saint-Joseph-Saint-Luc, pour les consultations au centre Romans Ferrari jusqu'en juin 2013 ainsi que pour se rendre à l'expertise du professeur Claris qui a eu lieu à l'hôpital Femme-Mère-Enfant G.... Dans ces conditions, et alors qu'elle ne demande pas l'indemnisation de ces frais, il n'y a pas lieu de déduire l'allocation de 500 euros versée à Mme I... par le CCAS de l'indemnisation des préjudices subis et invoqués en première instance et en appel.

Quant au préjudice moral :

17. Il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme I... en lien avec l'accident dont son enfant alors âgée de 17 mois a été victime et des suites en résultant en allouant à la requérante la somme de 2 500 euros.

18. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération doit être condamnée à verser à Mme I... la somme de 3 696 euros au titre de ses préjudices personnels sous déduction de la provision de 2 000 euros versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions.

19. Il résulte de tout ce qui précède que Mme I... est seulement fondée à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération à lui verser en qualité de représentante légale de sa fille J... la somme de 5 000 euros, déduction faite de la provision de 5 000 euros versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et la somme de 3 696 euros au titre de ses préjudices personnels sous déduction de la provision de 2 000 euros versée par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions. La CPAM du Puy-de-Dôme et la MFP services sont fondées à demander la condamnation de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération à leur rembourser les débours engagés respectivement à hauteur de 32 169,61 euros et de 1 652,99 euros.

Sur l'indemnité forfaitaire de gestion :

20. Aux termes de l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif à l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 108 € et à 1 091 € au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2020 ". En vertu des dispositions précitées de l'arrêté du 27 décembre 2019, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération la somme de 1 091 euros à verser à la CPAM du Puy-de-Dôme au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Sur les intérêts :

21. Même en l'absence de demande tendant à l'allocation d'intérêts, tout jugement prononçant une condamnation à une indemnité fait courir les intérêts du jour de son prononcé jusqu'à son exécution, au taux légal. Par suite, les conclusions de la CPAM du Puy-de-Dôme tendant à ce que la somme allouée porte intérêts à compter de la date du jugement sont dépourvues de tout objet et doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

22. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme I..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme I.... Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Montélimar Agglomération la somme que la CPAM du Puy-de-Dôme demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du 31 octobre 2018 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La communauté d'agglomération Montélimar Agglomération est condamnée à verser à Mme I..., en sa qualité de représentante légale de sa fille J..., la somme de 5 000 euros sous déduction de la provision de 5 000 euros qui lui a été versée en cette qualité par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions et la somme de 3 696 euros correspondant à son préjudice personnel sous déduction de la provision de 2 000 euros qui lui a été versée par le fonds de garantie à ce titre.

Article 3 : La communauté d'agglomération Montélimar Agglomération est condamnée à verser les sommes de 32 169,61 euros à la CPAM du Puy-de-Dôme au titre des débours engagés et de 1 091 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion.

Article 4 : La communauté d'agglomération Montélimar Agglomération est condamnée à verser la somme de 1 652,99 euros à la MFP services.

Article 5 : La communauté d'agglomération Montélimar Agglomération versera à Mme I... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... I..., la communauté de l'agglomération Montélimar Agglomération, la caisse primaire d'assurance maladie du Puy-de-Dôme, la caisse primaire d'assurance maladie de la Drôme, MFP services et le fonds de garantie des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (FGTI).

Délibéré après l'audience du 9 juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pommier, président de chambre,

M. Drouet, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 18LY04266


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18LY04266
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. POMMIER
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL FORESTIER - LELIEVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;18ly04266 ?
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