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25/08/2020 | FRANCE | N°20LY00740

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 20LY00740


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de re

tard.

Par un jugement n° 1904099 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 25 avril 2019 par lequel le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi et d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1904099 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 février 2020, M. E..., représenté par Me F..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2020 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 25 avril 2019 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence temporaire ou, à tout le moins, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet s'est abstenu de saisir la commission du titre de séjour alors qu'il justifie résider habituellement en France depuis plus de dix ans et doit se voir délivrer de plein droit un titre de séjour sur le fondement de l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- la décision méconnaît l'article 6-1 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; le texte n'exige pas une présence continue en France depuis plus de dix ans mais une résidence habituelle ; au jour de la décision, la durée de sa présence devait être appréciée à compter de l'année 2009 ; il produit les pièces attestant de cette présence habituelle ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié dès lors qu'il réside en France depuis plus de dix ans ; deux de ses soeurs résidaient régulièrement en France dont l'une est décédée ; il n'a plus de contact soutenu avec les membres de sa famille résidant en France.

M. E... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 3 juin 2020.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les observations de Me B..., substituant Me F..., représentant M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... E..., ressortissant algérien né le 28 septembre 1971, déclare être entré en France le 16 mai 2001. Le 9 janvier 2002, il a déposé une demande d'asile à laquelle il n'a donné aucune suite. Le 14 juin 2004, le préfet de police de Paris a pris à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière et, le 5 mai 2009, il a fait l'objet d'un nouvel arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet du Doubs. En 2010, il a déposé une demande de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à laquelle il n'a donné aucune suite. En 2010, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par un arrêté du 17 juin 2016, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 octobre 2016 et un arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille le 12 juin 2017, le préfet du Vaucluse a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français. Le 13 juillet 2017, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 25 avril 2019, le préfet du Rhône a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 avril 2019 du préfet du Rhône.

Sur la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française... 1° au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ".

3. M. E... soutient résider en France depuis 2001, date de son entrée sur le territoire français, et y vivre ainsi depuis plus de dix ans à la date de la décision critiquée. Toutefois, il ne justifie pas de sa présence habituelle en France en se bornant à produire pour l'année 2009 une attestation du consulat d'Algérie à Bobigny selon laquelle il a déposé une demande de passeport, un certificat médical de mars, une ordonnance du 10 juillet, les résultats d'une échographie réalisée le 13 juillet, plusieurs feuilles de soins datées du 11 et 13 juillet, une promesse d'embauche ; pour l'année 2010, une demande de carte de séjour pour raisons médicales, une facture manuscrite de février et juillet ; pour l'année 2011, une facture manuscrite d'avril et mai ; pour l'année 2012, une attestation de Mme C... indiquant que M. E... aurait empêché sa tentative de suicide ; une attestation d'élection de domicile auprès de l'amicale du nid de Paris ; pour l'année 2014, une lettre de la préfecture précisant que l'intéressé a sollicité, par courrier, la régularisation de sa situation administrative ; pour l'année 2015, une devis dentaire et une demande d'aide médicale d'Etat. Il produit également, pour ces années, une attestation du directeur de l'amicale du nid de Paris, indiquant que M. E... " était en contact avec notre service d'actions extérieures de 2004 à 2013. Il a fait appel de nouveau à notre service interne le 15 juillet 2013 pour un accompagnement social, lequel a duré jusqu'au 29 juillet 2015 ", qui est insuffisamment probante pour justifier de sa résidence habituelle sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de la décision du 25 avril 2019. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 1 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit, par suite, être écarté.

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) / 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

5. M. E... se prévaut de la durée de son séjour en France et de la présence de deux de ses soeurs dont l'une est décédée. Toutefois, et ainsi qu'il vient d'être dit, par les pièces qu'il produit, M. E... ne démontre pas qu'il réside habituellement sur le territoire français depuis 2009. Par ailleurs, M. E..., célibataire, dispose d'attaches familiales en Algérie où résident ses parents, ses deux frères et deux soeurs. Par ailleurs, il a été condamné le 20 juillet 2004 par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance de Paris pour recel de bien provenant d'un vol, le 22 février 2008 par le même tribunal correctionnel pour recel de bien provenant d'un vol, faux dans un document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, contrefaçon ou falsification de chèque et usage de chèque contrefait ou falsifié, le 28 avril 2009 par la chambre des appels correctionnels près la cour d'appel de Besançon pour entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France, usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, le 18 décembre 2019 par le tribunal correctionnel près le tribunal de grande instance du Mans pour vol aggravé par deux circonstances (récidive), escroquerie (récidive), détention frauduleuse de plusieurs faux documents administratifs (récidive) et entrée ou séjour irrégulier d'un étranger en France. Dans ces conditions, la décision litigieuse n'a pas porté au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport à ses motifs. Il s'ensuit que les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié doivent être écartés.

6. Aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celleci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ". Selon l'article L. 313-14 alinéa 2 du même code : " (...) L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans (...) ". Si l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit d'une manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, ainsi que les règles concernant la nature et la durée de validité des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, il n'a toutefois pas entendu écarter, sauf stipulations incompatibles expresses, l'application des dispositions de procédure qui s'appliquent à tous les étrangers en ce qui concerne la délivrance, le renouvellement ou le refus de titres de séjour, dès lors que ces ressortissants algérien se trouvent dans une situation entrant à la fois dans les prévisions de l'accord et dans celles du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il résulte des dispositions précitées que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien, équivalentes à celles des articles L. 313-11 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les ressortissants algériens qui se prévalent de ces stipulations. Comme il a été dit précédemment, M. E... ne démontre pas remplir effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié pour bénéficier de la délivrance d'un titre de séjour. Par suite, le préfet n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié M. D... E... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président assesseur,

Mme A..., premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020

2

N° 20LY00740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00740
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;20ly00740 ?
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