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25/08/2020 | FRANCE | N°20LY00968

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 25 août 2020, 20LY00968


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet de l'Allier, en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande et, dans l'atten

te, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... E... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 du préfet de l'Allier, en tant qu'il lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français, d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 1902335 du 4 février 2020, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Par une requête enregistrée le 3 mars 2020, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902335 du 4 février 2020 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 septembre 2019 par lequel le préfet de l'Allier lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Allier de lui délivrer un titre de séjour.

Elle soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à l'examen de sa situation au regard des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au bénéfice desquelles les ressortissants algériens ne sont pas exclus ;

- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ne se prononce pas sur le caractère de longue durée ou non des soins requis par l'état de santé de sa fille ni sur la nécessité de leur poursuite ;

- sa fille ne peut bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Algérie ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ont été méconnues ;

- les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 mai 2020, le préfet de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 27 mai 2020 prise en application du second alinéa du II de l'article 16 de l'ordonnance du 25 mars 2020 modifiée, la clôture d'instruction a été fixée au 12 juin 2020.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 7 mars 1966, est entrée en France le 7 septembre 2014, sous couvert d'un visa de court séjour, accompagnée de son époux et de leur fille mineure. Le 2 avril 2019, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, en tant que parent d'enfant malade. Par arrêté du 12 septembre 2019, le préfet de l'Allier lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français.

2. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour au bénéfice des parents d'enfants dont l'état de santé répond aux conditions prévues par le 11° de l'article L. 313-11 du même code, ne sont pas applicables aux ressortissants algériens dont la situation est entièrement régie par les stipulations de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié. Par suite, Mme C... ne saurait utilement se prévaloir de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. Cet avis mentionne les éléments de procédure. Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège ".

4. L'avis rendu le 12 juillet 2019 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) mentionne que si l'état de santé de la fille de Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut néanmoins bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Si l'avis rendu ne se prononce pas sur la durée prévisible du traitement dont la fille de Mme C... a besoin, cette circonstance n'a toutefois pas été de nature à modifier le sens de la décision contestée dès lors que l'avis émis par le collège a permis au préfet de l'Allier d'être informé de la possibilité pour la fille de Mme C... d'accéder effectivement aux traitements appropriés à son état de santé disponibles dans son pays d'origine. Mme C... n'est, par suite, pas fondée à soutenir que l'avis du collège des médecins de l'OFII étant entaché d'une irrégularité, la décision de refus de séjour est intervenue au terme d'une procédure irrégulière.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Mme C... fait valoir que sa fille B..., née le 6 septembre 2003, est affectée d'une scoliose sévère avec insuffisance respiratoire et qu'eu égard à cette pathologie, son état de santé nécessite des soins auxquels elle ne pourra avoir accès en Algérie. Toutefois, dans son avis du 12 juillet 2019 cité au point 4, le collège des médecins de l'OFII a estimé que la jeune B... pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, à destination duquel elle peut voyager sans risque. Il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux du chirurgien orthopédique qui suit la fille de la requérante depuis son arrivée sur le territoire français, que si sa pathologie a nécessité des interventions chirurgicales en 2015 et 2017 son suivi se limitait, à la date de la décision attaquée, à des consultations périodiques en orthopédie pédiatrique et en pneumologie. Il n'est pas établi, contrairement à ce que soutient la requérante, que sa fille ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un tel suivi dans son pays d'origine. En outre, si Mme C... fait valoir que son fils majeur demeure en France et que le père de son époux a combattu dans l'armée française, il ressort des pièces versées au dossier que la requérante a conservé des attaches familiales fortes en Algérie où résident neuf des membres sa fratrie, ainsi qu'elle l'a indiqué lors de sa demande, et où elle a lui-même vécu pour l'essentiel. Si elle se prévaut de l'engagement associatif de son époux et d'une volonté d'insertion, ces circonstances ne démontrent pas une intégration particulière dans la société française. Enfin, rien ne fait obstacle à ce que sa cellule familiale se reconstitue en Algérie, avec son époux, de même nationalité et également en situation irrégulière, et leur fille mineure, âgée de quinze ans à la date de l'arrêté contesté et scolarisée en classe de troisième, dont il n'est pas établi qu'elle ne maîtriserait pas la langue arabe ni qu'elle ne pourrait, compte tenu de son âge, poursuivre sa scolarité en Algérie. Au vu de l'ensemble de ces circonstances, les décisions contestées n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts qu'elles poursuivent. Dès lors, ces décisions n'ont méconnu ni les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le maintien sur le territoire national de la fille de la requérante n'étant pas une condition nécessaire au traitement de sa pathologie ni à la poursuite de sa scolarité, le préfet de l'Allier, dont les décisions opposées au requérant n'ont ni pour objet, ni pour effet de la séparer de son enfant, n'a pas porté, à l'intérêt supérieur de celle-ci, une atteinte méconnaissant les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... E... épouse C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 1er juillet 2020, à laquelle siégeaient :

M. Drouet, président de la formation de jugement,

Mme Caraës, premier conseiller,

M. Pin, premier conseiller.

Lu en audience publique le 25 août 2020.

2

N° 20LY00968


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00968
Date de la décision : 25/08/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DROUET
Rapporteur ?: M. François-Xavier PIN
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : AYELE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/09/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-08-25;20ly00968 ?
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