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29/09/2020 | FRANCE | N°19LY04412

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 19LY04412


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. M... J... a demandé le 30 octobre 2019 au tribunal administratif de Lyon :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle la même autorité l'a assigné à résidence dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 1908365 du 7

novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. M... J... a demandé le 30 octobre 2019 au tribunal administratif de Lyon :

1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

3°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle la même autorité l'a assigné à résidence dans le département du Rhône.

Par un jugement n° 1908365 du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

I- Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019 sous le n° 19LY04412, M. M... J... demande à la cour :

1°) d'enjoindre au préfet du Rhône de communiquer l'entretien de demande d'asile de Mme E... sous astreinte ;

2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 7 novembre 2019 ;

3°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle le préfet du Rhône a décidé sa remise aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile ;

4°) d'annuler la décision du 30 octobre 2019 par laquelle la même autorité l'a assigné à résidence dans le département du Rhône ;

5°) d'annuler la décision du 28 novembre 2019 par laquelle la même autorité a renouvelé la décision portant assignation à résidence dans le département du Rhône ;

6°) d'enjoindre au préfet du Rhône d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités portugaises :

- elle est entachée d'illégalité externe du fait du non-respect de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 dès lors que l'entretien n'a pas été mené par une personne qualifiée au sens du droit national ;

- elle est entachée d'illégalité interne du fait du non-respect des stipulations de l'article 10 du règlement UE n° 604/2013 et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que s'il a déclaré le nom d'une autre épouse et d'autres enfants lors de son entretien, c'est car il pensait que Mme E... qu'il a épousé religieusement le 31 mai 2014 était décédée ; il a reconnu l'enfant à naître de Mme E... ; il se rend quotidiennement à Saint-Etienne, lieu de résidence de Mme E... et de leurs enfants et accompagne l'aîné à l'école ; le Portugal n'a pas encore accepté la réadmission de Mme E... ; les délais de sollicitation de prise en charge par le Portugal de Mme E... sont désormais dépassés ; Mme E... qui est enceinte ne peut du fait de sa grossesse être transférée par voie aérienne et doit limiter ses déplacements ;

- subsidiairement, elle est entachée d'illégalité interne du fait du non-respect des stipulations de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que compte tenu de sa situation familiale, l'autorité préfectorale aurait pu utiliser son pouvoir discrétionnaire ;

- de manière infiniment subsidiaire, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence et la décision de renouvellement de cette assignation :

- elles sont dépourvues de base légale dès lors que la décision de remise est illégale ;

- elles sont insuffisamment motivées et n'ont pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 janvier 2020, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen sur la méconnaissance de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 n'est pas fondé car l'entretien a été mené par un agent qualifié et que le requérant ne démontre pas l'absence de qualification de celui-ci ; il a déclaré être non-marié, n'avoir aucun enfant mineur ni aucun membre de sa famille en France ; il a indiqué le nom de sa concubine et de ses enfants en mentionnant qu'ils ne résidaient pas en France ; la confidentialité de l'entretien est présumée ;

- le moyen sur la méconnaissance des dispositions de l'article 10 du règlement n° 640/2013 n'est pas fondé ; Mme E..., qui indique être sa concubine, est toujours sous procédure Dublin et un arrêté de remise aux autorités portugaises doit lui être notifié le 17 janvier 2020 ; les autorités portugaises se sont explicitement reconnues responsables de la demande d'asile de Mme E... qu'ils connaissent par ailleurs sous l'identité de Mme B... N... ; le Portugal reste l'Etat membre responsable de l'examen de la demande d'asile du requérant ; la cellule familiale pourra être recréée au Portugal ; il existe des incohérences entre le récit du requérant et les documents de scolarisation des enfants ; Mme E... et ses enfants ne sont en France que depuis le 28 mars 2019 ; il n'existe pas de preuve probante sur l'existence d'une réelle vie familiale ; la situation matrimoniale ou de concubinage du requérant n'est pas claire, le requérant s'étant déclaré non-marié et ayant donné le nom d'une autre personne que celui de Mme E... ;

- les moyens sur la méconnaissance des stipulations de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013, de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne sont pas fondés ; aucune pièce médicale n'établit une situation médicale particulière des enfants s'opposant à un transfert au Portugal ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'accès aux documents administratifs n'est pas fondé ;

- en ce qui concerne les décisions portant assignation à résidence, l'arrêté de transfert étant légal, le moyen tiré de l'exception d'illégalité doit être écarté ; elles sont suffisamment motivées ; la situation du requérant a fait l'objet d'un examen personnalisé ; il n'y a pas d'erreur manifeste d'appréciation.

Par courriers du 30 décembre 2019, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité du moyen de légalité externe tiré de ce que l'entretien n'aurait pas été mené par une personnalité qualifiée dès lors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne se rattache pas à l'unique cause juridique invoquée par le requérant en première instance dans le délai de recours contentieux.

Par courriers du 30 décembre 2019, les parties ont été informées, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions formulées à l'encontre de la décision du préfet du 28 novembre 2019 renouvelant l'assignation à résidence prise à l'encontre de M. J..., de telles conclusions étant nouvelles en appel.

Par des mémoires enregistrés les 9 janvier et 27 février 2020, M. M... J... maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- ni l'identité de l'agent ayant mené l'entretien ni le nom du service n'est précisé ;

- il s'est marié religieusement avec Mme E... le 31 mai 2014 et a versé une dot ; il n'a pas déclaré ce mariage car il la croyait décédée ; il n'a jamais été marié avec Mme F... dont il a déclaré aux autorités préfectorales qu'elle était sa concubine ; il est près de Mme E... son épouse qui est enceinte et des enfants chaque jour et accompagne l'aîné à l'école ; Mme E... l'a déclaré comme étant son époux ; il a reconnu l'enfant à naître en mars 2020 de Mme E... ;

- Mme E... ayant déposé sa demande d'asile le 8 avril 2019, le délai de prise en charge et de l'obtention de l'accord de transfert sont dépassés ; Mme E... est enceinte, doit accoucher le 23 mars 2020 et ne peut pas voyager ;

- subsidiairement, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire, l'autorité préfectorale peut examiner une demande de protection internationale même si cet examen ne lui incombe pas ;

- en ce qui concerne le renouvellement de l'assignation à résidence, cette décision n'a pas été contestée en première instance mais elle sera annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision illégale de la décision de transfert sur laquelle elle se fonde.

Par mémoires des 7 et 14 janvier 2020, en réponse aux moyens d'ordre public, le préfet du Rhône maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- le requérant a bénéficié d'un entretien individuel avec un agent qualifié de la préfecture durant lequel il a indiqué son concubinage avec Mme F... avec laquelle il a eu trois enfants nés respectivement en 2010, 2012 et 2013 sachant que sa concubine et ses enfants résident hors de France ;

- la preuve de la non qualification de l'agent ayant mené l'entretien pèse sur le requérant ;

- le délai de transfert a été allongé à 18 mois compte tenu de la fuite du requérant.

Par mémoire du 5 juin 2020, M. M... J... maintient ses conclusions à fin d'annulation et d'injonction et formule de nouvelles conclusions tendant à ce que l'Etat verse une somme de 2 000 euros à son conseil en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Il ajoute que :

- le préfet est la personne qualifiée pour l'entretien ; l'agent qui le remplace doit justifier d'une délégation de signature régulièrement publiée ; le préfet n'apporte aucune indication sur l'identité de l'agent ou sur son service de rattachement ;

- il n'a pas déclaré son mariage avec Mme E... car il la croyait décédée et a indiqué lors de l'entretien sa précédente relation avec Mme F... ;

- les autorités françaises se sont déclarées compétentes pour traiter de la demande d'asile de Mme E... ; il peut bénéficier des dispositions de l'article 10 du règlement UE n° 604/2013 dès lors que marié religieusement avec Mme E... depuis le 31 mai 2014, il doit être considéré comme un membre de sa famille ;

- une troisième enfant G... est née le 17 mars 2020 de son union avec Mme E... ;

- il n'est pas contesté que le renouvellement de l'assignation à résidence en date du 28 novembre 2019 n'a pas été contesté en première instance ; son annulation sera simplement la conséquence automatique de l'illégalité de l'arrêté de transfert sur lequel il se fonde.

Par un mémoire enregistré le 3 juillet 2020, le préfet du Rhône maintient ses conclusions.

Il ajoute que :

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article 10 du règlement UE n° 604/2013 car à la date de la décision en litige, le requérant n'avait pas fourni d'informations sur sa relation avec Mme E... et lors de la notification le 30 octobre 2019 de la décision de transfert ne s'est prévalu d'aucune relation avec cette dernière ; lors des entretiens s'étant déroulés les 17 juillet, 30 août et 30 septembre 2019, il s'est borné à indiquer être en concubinage, n'a pas fait état d'un mariage avec Mme E... ni de la circonstance que celle-ci serait enceinte ; Mme E... n'a jamais exprimé une volonté de poursuivre une vie commune avec le requérant ; ce n'est qu'à l'issue de l'audience devant le tribunal administratif que son conseil s'est borné à fournir copie d'une demande d'asile au nom de Mme E... et un certificat de grossesse sans produire aucun élément de preuve sur l'existence d'une vie commune ; n'est pas établie l'existence d'une vie commune ancienne et stable avec Mme E... ; la demande d'asile de Mme E... n'avait pas été " requalifiée " ;

- l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 prévoit seulement une clause d'examen discrétionnaire ; cet article n'induit aucun droit pour le requérant ;

- il existe une présomption d'équivalence de protection entre les Etats membres de l'Union européenne.

Par courriers du 2 septembre 2020 les parties ont été informées que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré que dans l'hypothèse où la décision de transfert ne devait pas être regardée comme prolongée de 18 mois pour fuite, la décision de transfert ne peut plus être légalement exécutée et il n'y a plus lieu, dans ces conditions, de statuer sur les conclusions tendant à son annulation.

Par mémoire enregistré le 4 septembre 2020, en réponse au moyen d'ordre public, le préfet du Rhône maintient ses conclusions à fin de rejet de la requête.

Il ajoute que :

- à la suite du jugement du tribunal administratif, un nouveau délai de fin de transfert a été communiqué aux autorités portugaises avec comme fin de délai le 7 mai 2020 ;

- le transfert par voie aérienne vers le Portugal a été fixé au 18 décembre 2019 ; le requérant a été interpellé le 17 décembre 2019 et a été placé en centre de rétention administrative pour permettre l'exécution de l'arrêté de transfert ; le requérant a refusé d'embarquer, s'est ainsi soustrait intentionnellement à l'exécution du transfert et doit être regardé comme en fuite au sens de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 ;

- du fait de cette fuite, un nouveau délai de fin de transfert a été communiqué aux autorités portugaises ; une coquille dans la date de fin de transfert a été corrigée et les autorités portugaises ont été informées de cette correction et de la nouvelle date de fin de transfert ; le délai de transfert n'étant pas expiré, les autorités portugaises sont responsables de l'examen de la demande d'asile du requérant.

Par mémoire enregistré le 4 septembre 2020, en réponse au moyen d'ordre public, M. J... maintient ses dernières conclusions.

Il ajoute que :

- il a effectué seul son recours devant le tribunal administratif ;

- il a refusé d'embarquer le 18 décembre 2019 après avoir été placé illégalement la veille le 17 décembre 2019 au centre de rétention administrative ;

- la déclaration de fuite et donc la prolongation de transfert n'ont jamais été notifiées aux autorités portugaises ; du fait de cette absence de notification, le préfet ne peut pas se prévaloir de la prolongation du délai de réadmission ; la France est responsable de l'examen de sa demande d'asile.

Le mémoire présenté pour M. J... le 9 septembre 2020 n'a pas été communiqué.

La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. J... a été rejetée par décision du 11 décembre 2019.

II- Par une requête enregistrée le 2 décembre 2019 sous le n° 19LY04413, M. M... J... demande à la cour :

1°) de prononcer un sursis à exécution du jugement du 7 novembre 2019 ;

2°) d'enjoindre à l'Etat de réexaminer sa situation.

Il soutient que :

- il existe des conséquences difficilement réparables et des moyens sérieux de nature à justifier le sursis à exécution ;

En ce qui concerne la décision de remise aux autorités portugaises :

- elle est entachée d'illégalité externe du fait du non-respect de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 dès lors que l'entretien n'a pas été mené par une personne qualifiée au sens du droit national ;

- elle est entachée d'illégalité interne du fait du non-respect des stipulations de l'article 10 du règlement UE n° 604/2013 et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que s'il a déclaré le nom d'une autre épouse et d'autres enfants lors de son entretien, c'est car il pensait que Mme E... qu'il a épousé religieusement le 31 mai 2014 était décédée ; il a reconnu l'enfant à naître de Mme E... ; il se rend quotidiennement à Saint-Etienne, lieu de résidence de Mme E... et de leurs enfants et accompagne l'aîné à l'école ; le Portugal n'a pas encore accepté la réadmission de Mme E... ; les délais de sollicitation de prise en charge par le Portugal de Mme E... sont désormais dépassés ; Mme E... qui est enceinte ne peut du fait de sa grossesse être transférée par voie aérienne et doit limiter ses déplacements ;

- subsidiairement, elle est entachée d'illégalité interne du fait du non-respect des stipulations de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 et d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que compte tenu de sa situation familiale, l'autorité préfectorale aurait pu utiliser son pouvoir discrétionnaire ;

- de manière infiniment subsidiaire, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne la décision d'assignation à résidence et la décision de renouvellement de cette assignation :

- elles sont dépourvues de base légale dès lors que la décision de remise est illégale ;

- elles sont insuffisamment motivées et n'ont pas fait l'objet d'un examen sérieux et particulier ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par des mémoires enregistrés les 9 janvier 2020, 27 février 2020, 5 juin 2020, 4 septembre 2020, M. J... maintient ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif du 7 novembre 2019, ses conclusions à fin d'injonction tendant au réexamen de sa situation et formule de nouvelles conclusions tendant à ce que l'Etat verse une somme de 2 000 euros à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par courriers du 2 septembre 2020 les parties ont été informées que l'arrêt est susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de ce que du fait du traitement au fond de la requête 19LY04412, les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement du 7 novembre 2019, perdront leur objet et qu'il n'y aura plus lieu pour la cour d'y statuer.

Le mémoire présenté pour M. J... le 9 septembre 2020 n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Cottier, première conseillère,

- et les observations de Me I..., avocate pour M. J... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. M... J..., ressortissant de la République Démocratique du Congo né le 24 mars 1987 est entré au Portugal le 27 mai 2019 sous la couverture d'un visa obtenu frauduleusement à la faveur de faux papiers sous le nom de L... A... de nationalité angolaise. Selon ses dires, il serait entré en France le 11 juin 2019 sous couvert de ce même visa. Il a alors demandé l'asile. Le préfet du Rhône a demandé aux autorités portugaises de prendre en charge la demande d'asile de l'intéressé. Suite à l'accord explicite du 2 octobre 2019 des autorités portugaises de prise en charge de la demande d'asile de l'intéressé, le préfet du Rhône par arrêté du 30 octobre 2019 a pris un arrêté portant remise de ce dernier auxdites autorités. Par un autre arrêté du même jour, le préfet du Rhône a assigné M. J... à résidence pour une durée de 45 jours. Par un jugement du 7 novembre 2019, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés. Par une première requête enregistrée sous le n° 19LY04412, M. J... fait appel de ce jugement, demande l'annulation des deux arrêtés préfectoraux du 30 octobre 2019 et formule également en appel des conclusions à fin d'annulation d'une décision du 28 novembre 2019 portant renouvellement de son assignation à résidence laquelle a été établie postérieurement au jugement en litige. Par une seconde requête enregistrée sous le n° 19LY4413, M. J... demande à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement du 7 novembre 2019.

2. Ces deux recours sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la requête n° 19LY04412

En ce qui concerne la légalité de la décision de transfert aux autorités portugaises :

3. En premier lieu, après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai.

4. Devant le tribunal administratif, le requérant n'avait soulevé, à l'encontre de la décision en litige, que des moyens de légalité interne, tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation. Par suite, son moyen d'appel, tiré du vice de procédure à raison d'un entretien mené par un agent non qualifié en méconnaissance des dispositions de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 qui est un moyen de légalité externe et qui n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 29 du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " Le transfert du demandeur ou d'une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), de l'Etat membre requérant vers l'Etat membre responsable s'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant, après concertation entre les Etats membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3. / 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'Etat membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'Etat membre requérant. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert en raison d'un emprisonnement de la personne concernée ou à dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite. ". L'article 2 de ce règlement précise : " Aux fins du présent règlement, on entend par / (...) n) " risque de fuite ", dans un cas individuel, l'existence de raisons, fondées sur des critères objectifs définis par la loi, de craindre la fuite d'un demandeur, un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui fait l'objet d'une procédure de transfert. ". Aux termes de l'article 7 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 : " 1. Le transfert vers l'Etat responsable s'effectue de l'une des manières suivantes : / a) à l'initiative du demandeur, une date limite étant fixée ; / b) sous la forme d'un départ contrôlé, le demandeur étant accompagné jusqu'à l'embarquement par un agent de l'Etat requérant et le lieu, la date et l'heure de son arrivée étant notifiées à l'Etat responsable dans un délai préalable convenu ; / c) sous escorte, le demandeur étant accompagné par un agent de l'Etat requérant, ou par le représentant d'un organisme mandaté par l'Etat requérant à cette fin, et remis aux autorités de l'Etat responsable (...) ".

6. Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". En vertu du II de l'article L. 742-4 du même code, lorsque la décision de transfert est accompagnée d'un placement en rétention administrative ou d'une mesure d'assignation à résidence notifiée simultanément, l'étranger dispose d'un délai de 48 heures pour saisir le président du tribunal administratif d'un recours et ce dernier dispose d'un délai de 72 heures pour statuer. Aux termes du second alinéa de l'article L. 742-5 du même code : " La décision de transfert ne peut faire l'objet d'une exécution d'office ni avant l'expiration d'un délai de quinze jours ou, si une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 a été notifiée avec la décision de transfert, avant l'expiration d'un délai de quarante-huit heures, ni avant que le tribunal administratif ait statué, s'il a été saisi ".

7. Il résulte des dispositions mentionnées au point précédent que, d'une part, la notion de fuite doit s'entendre comme visant le cas où un ressortissant étranger se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative en vue de faire obstacle à une mesure d'éloignement le concernant. D'autre part, dans l'hypothèse où le transfert du demandeur d'asile s'effectue sous la forme d'un départ contrôlé, il appartient, dans tous les cas, à l'Etat responsable de ce transfert d'en assurer effectivement l'organisation matérielle et d'accompagner le demandeur d'asile jusqu'à l'embarquement vers son lieu de destination. Une telle obligation recouvre la prise en charge du titre de transport permettant de rejoindre l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile depuis le territoire français ainsi que, le cas échéant et si nécessaire, celle du pré-acheminement du lieu de résidence du demandeur au lieu d'embarquement. Enfin, dans l'hypothèse où le demandeur d'asile se soustrait intentionnellement à l'exécution de son transfert ainsi organisé, il doit être regardé comme en fuite au sens des dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013.

8. Le requérant soutient que le délai de six mois imparti par le règlement Dublin étant expiré, les autorités françaises sont devenues responsables de sa demande d'asile, qu'il ne peut pas être considéré comme en fuite et que les autorités portugaises n'ont pas été informées de la prolongation du délai de transfert au motif de cette fuite.

9. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 30 octobre 2019 par lequel le préfet du Rhône a décidé le transfert de M. J... aux autorités portugaises a été pris moins de six mois après l'accord du Portugal, intervenu le 2 octobre 2019, pour la prise en charge de l'intéressé, soit dans le délai d'exécution du transfert fixé par l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ce délai, interrompu par l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif, a recommencé à courir à compter du 7 novembre 2019, date à laquelle a été notifié à l'administration le jugement du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon rejetant le recours en annulation de M. J.... Il est toutefois constant que l'intéressé, alors placé en rétention administrative suite à son interpellation le 17 décembre 2019, a été conduit par une escorte à l'aéroport en vue d'embarquer le 18 décembre 2019 à bord d'un vol à destination du Portugal. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de police du 18 décembre 2019, lequel n'est pas contesté, que l'intéressé a catégoriquement et physiquement refusé de sortir du local dans lequel il se trouvait dans l'attente de l'embarquement dans l'avion, déclarant vouloir rester en France et menaçant d'user de la force en cas de tentative de le faire sortir. Il s'ensuit que l'intéressé, qui s'est intentionnellement soustrait à l'exécution de son transfert organisé par l'Etat, doit être regardé comme en fuite, au sens de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet du Rhône n'a ainsi pas fait une inexacte application des dispositions précitées en estimant que M. J... était en fuite et en informant, le 19 décembre 2019, les autorités portugaises de la prorogation de 18 mois du délai de transfert. Le préfet a ensuite informé les autorités portugaises d'une erreur de plume dans l'information notifiée le 19 décembre, a confirmé la prolongation du délai de transfert pour 18 mois en raison de la fuite du requérant et a mentionné comme fin de délai de transfert le 7 mai 2021. Dès lors, le moyen du requérant tiré de ce que les autorités françaises étaient devenues responsables de sa demande d'asile passé le délai de six mois ne peut qu'être rejeté.

10. En troisième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Si le demandeur a, dans un Etat membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet Etat membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 du même règlement dispose que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, / "

11. M. J... soutient qu'à son arrivée en France en juin 2019, qu'alors qu'il les croyait décédés, il a retrouvé le 21 juin 2019 Mme E... qu'il a déclaré avoir épousé religieusement le 31 mai 2014 et avec laquelle il a eu deux enfants en République Démocratique du Congo. Il fait valoir qu'il a renoué une relation avec Mme E... et a reconnu le 31 octobre 2019 par anticipation l'enfant à naître en mars 2020 de Mme E.... Il indique également se rendre régulièrement en train à Saint-Etienne pour la voir ainsi que leurs deux enfants mineurs nés en République Démocratique du Congo et vivant avec celle-ci à Saint-Etienne. Il indique avoir accompagné en 2019 à l'école leur enfant né en 2015 en République Démocratique du Congo. Toutefois, il est constant que lors du dépôt de sa demande d'asile le 17 juin 2019, il a déclaré entretenir une relation de concubinage avec une autre ressortissante de la République démocratique du Congo et avoir trois enfants avec celle-ci nés respectivement en 2010, en 2012 et 2013 et a précisé n'avoir aucune attache privée ou familiale en France. Il n'est pas contesté que lors des différents entretiens avec les services préfectoraux les 17 juillet, 30 août et 30 septembre 2019, il n'a pas évoqué un quelconque lien marital ou lien durable avec Mme E... ni avec les enfants de celle-ci dont il indique être le père que ce soit entre 2014 et son entrée en France à la date déclarée du 11 juin 2019 ou entre cette date et l'audience du 7 novembre 2019. Il est constant que le requérant s'est borné à évoquer auprès des autorités préfectorales une relation de concubinage sans mention explicite de Mme E.... S'il produit des photographies censées selon lui être de nature à établir un mariage religieux en République Démocratique du Congo avec Mme E..., ces photographies non légendées ne sauraient en l'absence de tout autre élément les corroborant justifier ni de la date de ce présumé mariage religieux ni de la nature et de la durée de la relation entre le requérant et Mme E... après cette cérémonie. S'il produit un certificat de scolarité établi en 2020 où son nom figure, les autres pièces au dossier établies avant le 31 octobre 2019 concernant les deux enfants de Mme E... font état du seul nom de cette dernière. Il n'est pas contesté qu'antérieurement à l'audience du 7 novembre 2019 devant le tribunal administratif de Lyon, aucune démarche conjointe n'a été menée par l'intéressé et Mme E... auprès des services de la préfecture pour signaler une reprise de leur relation et un accompagnement durable des enfants par ce dernier. Si le requérant se prévaut de la reconnaissance par anticipation de l'enfant à naître de Mme E..., ceci au demeurant postérieurement aux décisions du 30 octobre 2019 portant décision de transfert et assignation à résidence et de la circonstance que la demande d'asile de Mme E... introduite le 8 avril 2019 doit être instruite en France et n'a pas encore fait l'objet d'une décision définitive à la date de la décision en litige, il n'apporte pas d'élément de nature à établir le caractère stable de sa relation entretenue avec Mme E... dont il indique lui-même qu'elle n'aurait été reprise que fin juin 2019 en France. Dans les conditions décrites, l'intéressé ne peut pas être regardé comme ayant la qualité d'un " membre de la famille " au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles 2 et 10 du règlement (UE) n° 604/2013, dont il ne peut, dès lors, se prévaloir. Par ailleurs, il ne ressort aucunement des pièces du dossier qu'avant la décision en litige, Mme E..., aurait exprimé le souhait écrit que la demande d'asile de M. J... soit examinée en France, ainsi que le prévoient expressément les dispositions de l'article 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 de ce règlement doit donc être écarté.

12. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ". Enfin, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants (...) l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

13. Compte tenu de ce qui a été dit au point 12, à la date de la décision en litige, il ne ressort pas des pièces du dossier l'existence de liens stables et durables avec Mme E... et les enfants qu'il déclare avoir eu avec cette dernière lorsqu'ils résidaient en République Démocratique du Congo, alors que ceux-ci au demeurant ne sont entrés en France avec leur mère qu'en avril 2019. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'au 30 octobre 2019, date de la décision en litige, Mme E... aurait souffert d'une grossesse pathologique nécessitant un suivi ou un accompagnement qui n'aurait pu être réalisé que par M. J.... Ce dernier ne fait par ailleurs état à la date de la décision en litige d'aucune autre attache familiale en France. Dans les conditions décrites, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Rhône en décidant de le remettre aux autorités portugaises aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

14. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Clauses discrétionnaires/ 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en oeuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

15. Eu égard aux éléments décrits au point 10 sur la situation du requérant, en décidant de ce transfert, le préfet du Rhône n'a commis ni erreur de droit ni erreur manifeste d'appréciation dans la mise en oeuvre du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 30 octobre 2019 portant assignation à résidence :

16. En premier lieu, le moyen soulevé par voie d'exception à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence, tiré de l'illégalité de l'arrêté du 30 octobre 2019 du préfet du Rhône portant transfert de M. J... aux autorités portugaises en vue de l'examen de sa demande d'asile doit être écarté eu égard à ce qui est dit aux points 3 à 14.

17. En deuxième lieu, après l'expiration du délai de recours contre un acte administratif, sont irrecevables, sauf s'ils sont d'ordre public, les moyens soulevés par le demandeur qui relèvent d'une cause juridique différente de celle à laquelle se rattachent les moyens invoqués dans sa demande avant l'expiration de ce délai.

18. Devant le tribunal administratif, le requérant n'avait soulevé, à l'encontre de la décision en litige, qu'un moyen de légalité interne. Par suite, son moyen d'appel, tiré de l'insuffisance de motivation qui est un moyen de légalité externe et qui n'est pas d'ordre public, n'est pas recevable.

19. En troisième lieu, il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet qui mentionne les conditions d'entrée en France de l'intéressé, l'alias utilisé ainsi que la nationalité angolaise alléguée au soutien de cet alias, l'arrêté de transfert, la domiciliation de l'intéressé à l'adresse de " Forum réfugiés " à Lyon, l'absence de garantie de représentation, a examiné la situation particulière du requérant avant de prendre la décision en litige et n'a ainsi pas commis l'erreur de droit alléguée.

20. En dernier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignation à résidence prise à l'encontre de M. J..., dont le caractère disproportionné n'est pas établi en l'état des pièces soumises au débat, procèderait d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation de l'intéressé.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du 28 novembre 2019 portant renouvellement d'assignation à résidence pour une durée de 45 jours

21. Il est constant que les conclusions portant demande d'annulation de cet arrêté du 28 novembre pris postérieurement au jugement en litige du 7 novembre 2019 ne figurent pas dans ledit jugement. De telles conclusions nouvelles en appel et présentées directement en appel sont par suite irrecevables.

22. Il résulte de tout ce qui précède que M. J... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 30 octobre 2019 du préfet du Rhône portant respectivement décision de transfert aux autorités portugaises et assignation à résidence pour une durée de 45 jours. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur la requête n° 19LY04413:

23. Le présent arrêt statuant sur l'appel présenté contre le jugement n° 1908365 du 7 novembre 2019 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon, les conclusions de la requête n° 19LY04413 tendant à ce qu'il soit sursis à son exécution sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

24. Pour les mêmes motifs, les conclusions de sa requête n° 19LY04413 tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa demande sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.

25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la requête n° 19LY04413 de M. J... tendant à la mise à la charge de l'Etat au profit de son conseil des frais exposés et non compris dans les dépens dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 19LY04412 de M. J... est rejetée.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 19LY04413 de M. J... tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 1908365 du 7 novembre 2019 du magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Lyon et à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa demande.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 19LY04413 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. M... J... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Dèche, présidente,

Mme Cottier, première conseillère,

Mme Le Frapper, première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

2

Nos 19LY04412 et 19LY04413


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY04412
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LAFORET

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;19ly04412 ?
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