La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/09/2020 | FRANCE | N°20LY00334

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre, 29 septembre 2020, 20LY00334


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... H..., épouse G..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride ;

2°) de la reconnaître comme apatride ;

3°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Office fran

ais de protection des réfugiés et apatrides, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... H..., épouse G..., a demandé au tribunal administratif de Lyon :

1°) d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride ;

2°) de la reconnaître comme apatride ;

3°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de réexaminer sa demande ;

4°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Par un jugement n° 1808636 du 15 octobre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier 2020 et 27 août 2020, Mme E... H..., épouse G..., représentée par Me B... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 15 octobre 2019 ;

2°) d'annuler la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride ;

3°) de la reconnaître comme apatride ;

4°) à titre subsidiaire d'enjoindre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides de réexaminer sa demande ;

5°) de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, au profit de son conseil, la somme de 1 500 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour ce conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

* aucun Etat ne la considère comme sa ressortissante ;

* elle a quitté l'Azerbaidjian et a rejoint son fils en Russie en 1990 ; elle a vécu en Russie jusqu'en 1998, date à laquelle elle est partie en Ukraine avec son fils ; elle a résidé en Ukraine de 1998 à 2010 ; elle a ensuite vécu en Russie de 2010 à 2015 et en l'occurrence avec sa soeur de 2013 à 2015 ;

* en ce qui concerne la nationalité arménienne, l'" origine arménienne " de ses parents, qui n'est corroborée par aucun acte d'état civil, ne lui donne aucun droit ; aucun de ses parents n'est né en Arménie, et aucun de ses parents n'a eu la nationalité arménienne, elle ne possède que son acte de naissance et est dans l'impossibilité de produire les documents sollicités pour l'octroi de la nationalité arménienne ;

* en ce qui concerne la nationalité russe, une condition de séjour régulier en Russie est nécessaire pour souscrire une demande de naturalisation ; elle n'a jamais détenu de permis de séjour russe ; elle a initié en France des démarches sérieuses pour acquérir la nationalité russe ; c'est à tort que l'ambassade de Russie a indiqué qu'elle avait vécu en Azerbaïdjan jusqu'en 2012 ; elle n'a pas pu bénéficier de la loi sur la nationalité russe du 28 novembre 1991.

Par décision du 18 décembre 2019, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été accordé à Mme H....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention de New-York du 28 septembre 1954 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D..., première conseillère ;

Un mémoire a été produit le 29 septembre 2020 pour l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui n'a pas été communiqué.

Considérant ce qui suit :

1. Mme H..., née le 11 mai 1950, est entrée en France en mars 2015. L'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté sa demande d'asile respectivement par des décisions des 21 septembre 2016 et 21 février 2017. Mme H... a déposé le 12 juin 2017 une demande de reconnaissance de la qualité d'apatride. Elle fait appel du jugement du 15 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du 2 juillet 2018 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande d'obtention du statut d'apatride.

2. Aux termes de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides : " (...) Le terme "apatride" désigne une personne qu'aucun Etat ne considère comme son ressortissant par application de sa législation (...) ". Aux termes de l'article R. 721-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnait la qualité de réfugié ou d'apatride et accorde le bénéfice de la protection subsidiaire ". Aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, créé par la loi n° 2015-925 du 29 juillet 2015 : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches.

3. Pour rejeter la demande de Mme H..., le directeur général de l'OFPRA a relevé que l'intéressée a indiqué être née le 11 mai 1950 à Kerkench (R.S.S. d'Azerbaïdjan) de deux parents soviétiques d'origine arménienne et produit un certificat de naissance délivré le 16 mai 1950. Il a également fait mention que dans le cadre de sa demande d'asile, l'intéressée avait indiqué se trouver sur le territoire russe entre 1990 et 1998. Le directeur de l'OFPRA a indiqué qu'à supposer établi le parcours qu'elle avait allégué à l'époque, la situation de l'intéressée entre dans le champ d'application de la loi n° 1948-1 sur la nationalité russe du 28 novembre 1991 modifiée, entrée en vigueur le 6 février 1992 et qu'elle n'apportait pas d'élément sérieux de nature à faire naître un doute sur ce que les dispositions de la loi du 28 novembre 1991 sur la nationalité russe ne lui seraient pas applicables. Il a aussi noté qu'elle ne démontrait pas avoir initié la moindre démarche sérieuse et personnelle afin de se voir reconnaître la nationalité russe, ni en Fédération de Russie ni depuis son arrivée sur le territoire français. Le directeur général de l'OFPRA a exposé qu'au vu des dispositions de l'article 13 de la loi sur la nationalité arménienne du 26 novembre 1995, amendée pour la dernière fois en 2017, l'intéressée pouvait également, en raison de ses seules origines arméniennes, se prévaloir de la nationalité arménienne. Il a relevé que l'intéressée n'apportait toutefois aucun élément permettant de conclure qu'elle a accompli la moindre démarche pour se faire reconnaître la nationalité arménienne.

4. En premier lieu, aux termes de l'article 13 de la loi n° 1948-1 du 28 novembre 1991 relative à la nationalité de la Fédération de Russie, modifiée par la loi n° 62-FZ du 31 mai 2002 : " sont reconnus citoyens de la Fédération de Russie tous les citoyens de l'ex-URSS résidant en permanence sur le territoire de la Fédération de Russie au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi si, dans l'année qui suit, ils ne déclinent pas cette nationalité ". En vertu de ces dispositions, sont reconnus comme citoyens de cette Fédération tous les anciens soviétiques qui résidaient en permanence sur le territoire de la Fédération de Russie à la date de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 6 février 1992, sauf si, dans un délai d'un an à compter de cette date, ils ont expressément décliné cette nationalité. Par une décision n° 5-VO2-250/249 du 31 octobre 2002, la Cour suprême de Russie a estimé que cette reconnaissance de la nationalité russe ne requiert ni démarche des particuliers ni décision de la part des autorités publiques.

5. Il ressort des déclarations mêmes de l'intéressée à l'OFPRA, lesquelles ne sont pas contestées et qu'elle réitère devant les juridictions, que née le 11 mai 1950 en Azerbaïdjan, elle a résidé en Russie de 1990 à 1998. Elle n'allègue pas avoir décliné la nationalité russe. La requérante en se bornant à soutenir, sans d'ailleurs apporter aucun élément probant au soutien de cette allégation, qu'elle n'aurait pas détenu de permis de séjour russe lors de ses séjours en Russie de 1990 à 1998 puis de 2010 à 2015 n'établit pas ne pas être dans le champ des dispositions précitées de l'article 13 de la loi n° 1948-1 du 28 novembre 1991 modifiée en 2002 et de la décision précitée du 31 octobre 2002 de la Cour suprême de Russie. Dans les conditions décrites, elle doit être regardée comme une ressortissante russe par application des dispositions précitées. Si la requérante se prévaut d'un document du 16 août 2018 émanant du Consulat général de la Fédération de Russie qui ne peut pas lui confirmer sa nationalité russe compte tenu d'une résidence en Azerbaïdjan jusqu'en 1992, elle indique elle-même que cette information sur une telle résidence est erronée. Contrairement à ce qu'elle soutient, et au regard d'une telle mention erronée sur sa résidence en 1992, la requérante ne justifie pas de démarches répétées et assidues auprès des autorités russes aux fins d'obtenir la nationalité russe.

6. En second lieu, si Mme H... critique la traduction figurant au dossier du paragraphe 3 de l'article 13 de la loi arménienne sur la nationalité du 24 novembre 1995 laquelle mentionne qu'une personne qui n'a pas la nationalité arménienne mais qui est " Arménienne de souche ", peut obtenir la nationalité arménienne sans remplir les critères des points 1), 2) et 3) du paragraphe 1 de cet article, elle ne produit aucun élément de nature à remettre utilement en cause le motif retenu par l'OFPRA tenant à " ses origines arméniennes ". Si Mme H... allègue qu'aucun de ses deux parents n'est né en Arménie ni n'a la citoyenneté arménienne, l'acte de naissance dont la requérante se prévaut mentionne qu'elle a deux parents d'origine arménienne. Dès lors, elle peut obtenir la nationalité arménienne sans satisfaire notamment à la condition de résidence. La seule production en appel de courriels et courriers adressés le 22 janvier 2020, soit postérieurement à la décision en litige, par le conseil de la requérante concernant la situation du fils de la requérante ne saurait établir l'existence de démarches répétées et assidues auprès des autorités arméniennes aux fins d'obtenir la nationalité arménienne.

7. Il résulte de ce qui précède, qu'eu égard aux éléments de naissance et de résidence dont elle se prévaut, elle pourrait prétendre tant à la nationalité arménienne qu'à la nationalité russe. Dans ces conditions, Mme H... n'établit pas entrer dans le champ d'application des stipulations précitées de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée méconnaît l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme H... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête de Mme H... n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce que soit enjoint, à l'OFPRA de lui accorder le statut d'apatride, et à titre subsidiaire de réexaminer sa demande doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'OFPRA, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont Mme H... demande le versement au profit de son avocat au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE

Article 1er : La requête de Mme H... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... H... épouse G... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme A..., présidente,

Mme D..., première conseillère,

Mme F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2020.

2

N° 20LY00334


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY00334
Date de la décision : 29/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme DECHE
Rapporteur ?: Mme Cécile COTTIER
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : CLAISSE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-09-29;20ly00334 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award