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10/12/2020 | FRANCE | N°20LY01186

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 10 décembre 2020, 20LY01186


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2020 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000370 du 27 février 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisi

ons, a fait injonction au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à l'intéressé une attestation ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2020 par lequel la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2000370 du 27 février 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé ces décisions, a fait injonction au préfet du Puy-de-Dôme de délivrer à l'intéressé une attestation de demande d'asile et de procéder à l'effacement de son inscription sur le système dénommé SIS dans un délai de quinze jours, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros à verser au conseil du demandeur au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 24 mars 2020, la préfète du Puy-de-Dôme demande à la cour d'annuler ce jugement du 27 février 2020 et de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand.

Elle soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que M. D... devait être regardé comme ayant sollicité l'asile suite à son interpellation, alors qu'il ne s'était pas présenté spontanément devant les services de police, qu'il résidait en France depuis plusieurs mois à la date de la décision litigieuse, sans qu'il n'ait jamais entrepris aucune démarche, et qu'il n'a ensuite jamais déposé aucun dossier de demande d'asile.

La requête a été communiquée à M. D..., qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Besse, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité serbe, a été interpellé en situation irrégulière le 19 janvier 2020. Par arrêté du même jour, la préfète du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a fait interdiction de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 27 février 2020, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé cet arrêté. Le préfet du Puy-de-Dôme relève appel de ce jugement.

2. L'article L. 741 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. (...) / L'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrés après la présentation de la demande à l'autorité administrative compétente, sans condition préalable de domiciliation. Toutefois, ce délai peut être porté à dix jours ouvrés lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément. (...) / Lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile. / La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 211 1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux 5° et 6° de l'article L. 743 2. / Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. ". Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office (...). " L'article L. 743-2 dudit code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 743 1, (...) le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision définitive d'extradition vers un Etat autre que son pays d'origine ou d'une décision de remise sur le fondement d'un mandat d'arrêt européen ou d'une demande de remise par une cour pénale internationale ; (...)". Enfin, aux termes de l'article R. 741-2 du même code : " Lorsque l'étranger se présente en personne auprès de l'office français de l'immigration et de l'intégration, des services de police ou de gendarmerie ou de l'administration pénitentiaire, en vue de demander l'asile, la personne est orientée vers l'autorité compétente. "

3. Ces dispositions ont pour effet d'obliger l'autorité de police à transmettre au préfet une demande d'asile formulée par un étranger à l'occasion de son interpellation. Il résulte également de ces dispositions que le préfet est tenu d'enregistrer cette demande d'asile et, hors les cas visés à l'article L. 556-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, concernant l'hypothèse d'un ressortissant étranger placé en rétention, et aux 5° et 6° de l'article L. 743-2 du même code, de délivrer au demandeur l'attestation mentionnée à l'article L. 741-1 de ce code lorsque l'étranger a fourni l'ensemble des éléments mentionnés à l'article R. 741-3 ou, lorsque la demande est incomplète ou les empreintes inexploitables, de convoquer l'intéressé à une date ultérieure pour compléter l'enregistrement de sa demande ou pour procéder à un nouveau relevé de ses empreintes. Ce n'est que dans l'hypothèse où l'attestation de demande d'asile n'a pas été préalablement délivrée par le préfet sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 743-2 que ce dernier peut, le cas échéant, sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, obliger l'étranger à quitter le territoire français.

4. Il ressort du procès-verbal de son audition par les services de police le 19 janvier 2020 qu'alors même qu'il avait initialement déclaré faire des allers et retours entre la France et la Serbie, où il indiquait ne pas avoir de problèmes, M. D... a demandé l'asile en France, en faisant état de menaces de mort en Serbie par la mafia locale. Il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'intéressé se trouverait dans un des cas où l'attestation prévue à l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile devrait ou pourrait lui être refusée. Dans ces conditions, et sans qu'y fasse obstacle la circonstance, postérieure à la décision litigieuse, qu'il n'a pas donné suite à cette demande, la préfète du Puy-de-Dôme ne pouvait légalement édicter à son encontre une obligation de quitter le territoire français. Par suite, c'est à bon droit que la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé pour ce motif la décision du 19 janvier 2020 obligeant M. D... à quitter le territoire français, ainsi que, par voie de conséquence les décisions le privant d'un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retourner sur le territoire français.

5. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Puy-de-Dôme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Clermont Ferrand a annulé son arrêté du 19 janvier 2020.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la préfète du Puy-de-Dôme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A... D....

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

M. Daniel Josserand-Jaillet, président de chambre,

M. Thierry Besse, président-assesseur,

Mme C... B..., première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

N° 20LY01186

fp


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01186
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP ELBAZ-LOISEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;20ly01186 ?
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