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10/12/2020 | FRANCE | N°20LY01384

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre, 10 décembre 2020, 20LY01384


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et la décision du 27 avril 2018 rejetant son recours gracieux ainsi que d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial demandée A... un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande A.

.. un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 1806089 du 17 décembre 2019,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... F... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 23 février 2018 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et la décision du 27 avril 2018 rejetant son recours gracieux ainsi que d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de lui délivrer l'autorisation de regroupement familial demandée A... un délai d'un mois ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande A... un délai de quinze jours.

Par un jugement n° 1806089 du 17 décembre 2019, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 30 avril 2020, M. F..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 2019 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions des 23 février et 27 avril 2018 du préfet du Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui accorder, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, le bénéfice du regroupement familial au profit de son épouse et de son enfant sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt en application des dispositions de l'article L. 911-3 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, de procéder, en application des dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, à un nouvel examen de sa demande sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions sont entachées d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par la condition tenant au caractère stable et suffisant des ressources pour refuser de faire droit à sa demande de regroupement familial ;

- les décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il est titulaire d'un contrat de travail à temps complet depuis le 11 juin 2016 en qualité d'agent privé de sécurité ; son salaire mensuel brut moyen s'élève à la somme de 1 524,13 euros et est supérieur au salaire minimum de croissance et lui permet de subvenir aux besoins de son épouse et de leur enfant né le 30 décembre 2017 ; il dispose d'un logement stable et adapté ;

- les décisions méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il réside en France depuis 2009, qu'il est titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans et que son revenu mensuel net moyen est de 1 858,56 euros en 2020 ;

- les décisions méconnaissent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors que, postérieurement à sa demande, le couple a eu un enfant né le 26 janvier 2017.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 18 mars 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. M. G... F..., ressortissant algérien né le 2 février 1978, est entré sur le territoire français le 7 mai 2009 et est titulaire d'un certificat de résidence valable dix ans. Il s'est marié, le 14 septembre 2015, avec Mme B... E.... Le 26 janvier 2017, il a demandé le regroupement familial en faveur de son épouse. Par une décision du 23 février 2018, le préfet du Rhône a rejeté sa demande au motif notamment de l'insuffisance de ses ressources. Le 6 mars 2018, M. F... a formé un recours gracieux qui a été rejeté par le préfet du Rhône le 27 avril 2018. M. F... relève appel du jugement du 17 décembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions des 23 février et 27 avril 2018 du préfet du Rhône.

Sur la légalité du refus de regroupement familial :

2. Aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si cellesci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance. Le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord francoalgérien : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". L'article R. 421-4 du même code, également applicable aux ressortissants algériens, dispose : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le caractère suffisant des ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période. Néanmoins lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible pour le préfet de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande. L'autorité administrative, qui dispose d'un pouvoir d'appréciation, n'est pas tenue par les dispositions précitées, notamment A... le cas où est portée une atteinte excessive au droit de mener une vie familiale normale, tel qu'il est protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Il ressort des termes de la décision du 23 février 2018 que le préfet du Rhône, pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. F... au bénéfice de son épouse, ne s'est pas fondé exclusivement sur le niveau des ressources du demandeur et a examiné si ses décisions portaient une atteinte excessive au droit au respect de la vie familiale des intéressés. Il s'ensuit que le préfet du Rhône ne s'est pas cru à tort en situation de compétence liée pour rejeter la demande au seul motif de l'insuffisance des ressources de M. F.... Par suite, le moyen tiré de ce que la décision est entachée d'une erreur de droit doit être écarté.

5. Le préfet a retenu, A... la décision du 23 février 2018, un revenu mensuel moyen de 1 076,13 euros net pour la période d'octobre 2016 à septembre 2017 et a précisé que ce revenu mensuel était inférieur au montant mensuel net du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) fixé à 1 141,61 euros en 2016 et à 1 151,50 euros en 2017.

6. M. F... fait valoir qu'il dispose d'un revenu mensuel de 1 524,13 euros. Toutefois, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation de son employeur du 13 décembre 2016 que ce montant correspond au salaire mensuel exprimé en brut, et non en net, versé par son employeur et que le salaire mensuel de l'intéressé a pu varier en fonction de la durée de son temps de travail. Par suite, M. F... ne peut se prévaloir de cette attestation pour établir qu'il percevrait un salaire mensuel supérieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance exprimé en net. Dès lors, le préfet du Rhône pouvait légalement rejeter la demande de regroupement familial de M. F... sans entacher ses décisions d'une méconnaissance des stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et d'une erreur manifeste d'appréciation.

7. La circonstance que le requérant dispose d'un logement adapté pour recevoir son épouse est sans incidence sur la légalité des décisions de refus qui n'ont pas été prises au regard de la conformité du logement aux dispositions de l'article 4 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.

8. Pour soutenir que le refus de regroupement familial porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale, le requérant fait valoir qu'il s'est marié avec une compatriote et que de cette union est né un enfant le 30 décembre 2017. Toutefois, le mariage n'a été célébré que le 14 septembre 2015, soit moins de trois ans avant que soit prise la décision de refus de regroupement familial, et il n'établit ni même n'invoque l'existence d'une vie commune antérieure. Si M. F... se prévaut d'une évolution favorable de ses ressources postérieurement au dépôt de sa demande, il n'établit pas que cette évolution est de nature à lui permettre d'accueillir son épouse et son enfant A... des conditions financières satisfaisantes. A... ces conditions, la décision de refus de regroupement familial et le rejet de son recours gracieux n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Les décisions ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste A... l'appréciation de sa situation familiale et personnelle.

9. Aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, " A... toutes les décisions qui concerne les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir que, A... l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants A... toutes les décisions les concernant. "

10. Les décisions en litige qui ne constituent pas une mesure d'éloignement, n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer l'enfant de l'un ou l'autre de ses parents. Ainsi, ces décisions ne méconnaissent pas l'intérêt supérieur de l'enfant du requérant, garanti par les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 février 2018 par laquelle le préfet du Rhône a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de son épouse et de la décision rejetant son recours gracieux. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... F... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 12 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Gayrard, président assesseur,

Mme C..., premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2020.

2

N° 20LY01384


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 20LY01384
Date de la décision : 10/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Rozenn CARAËS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LOUVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-10;20ly01384 ?
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